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L’ICAC établit le lien entre le bateau Îlot Gabriel et une saisie de drogue à Quatre-Bornes

19 novembre 2016, 10:30

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L’ICAC établit le lien entre le bateau Îlot Gabriel et une saisie de drogue à Quatre-Bornes

L’Independent Commission against Corruption (ICAC) s’intéresse à l’axe Maurice-Madagascar-Réunion à travers la région du Morne pour le trafic de drogue. Déjà, elle a progressé avec la saisie de deux embarcations dans la marina du Caudan et à La Gaulette. La commission anticorruption s’est, cette fois, tournée vers la cour pour une demande de disclosure des comptes bancaires auprès des banques du pays concernant ceux qui seraient impliqués dans cette affaire. La saisie record à la Réunion serait liée à cette enquête. Un autre nom surgit également : celui de Jacquemin Surengon, propriétaire du bateau Ty Armor, amarré au Caudan.

Quoi qu’il en soit, tous ceux qui ont bénéficié de ces gains, prête-noms et parents des trafiquants allégués vont être sujets à un net worth analysis. Des spécialistes de la finance à l’ICAC travaillent sur ce dossier.

Durant la journée du vendredi 18 novembre, le directeur général de cette institution, Navin Beekharry, et le commissaire de police, Mario Nobin, ont eu une réunion pour décider comment la police, notamment l’Anti Drug and Smuggling Unit (ADSU), et l’ICAC peuvent travailler ensemble. Il n’est pas à écarter qu’une équipe de la commission anticorruption se rende également à Madagascar et à La Réunion dans le cadre de cette affaire.

Déjà, l’ICAC a établi un lien entre Ilôt Gabriel, embarcation de Mike Brasse qui avait dérivé à La Réunion (et qui avait été saisie dans le sillage de l’affaire Sweet Love Mama) et les 5,6 kilos d’héroïne, d’une valeur de Rs 100 millions, saisis chez Samantha Chowrimootoo à résidence Kennedy, Quatre-Bornes, le mercredi 18 mai. C’est l’Îlot Gabriel qui avait transporté cette drogue, soutient-on du côté des enquêteurs.

L’ICAC a également eu l’aval du bureau du Directeur de poursuites publiques pour engager des poursuites sous le Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act contre Dereck Jean Jacques, ses complices et l’imam Moossa Beeharry, écroués pour trafic de drogue dans une autre affaire.

La Réunion se méfie-t-elle de la police mauricienne ?

Jusqu’à présent, pas d’enquêteurs mauriciens en vue à La Réunion. Pourtant, il avait été décidé à l’issue de la rencontre entre le ministre Xavier-Luc Duval, qui assurait le poste de Premier ministre en l’absence de sir Anerood Jugnauth, et Mario Nobin d’envoyer une équipe de la brigade antidrogue mauricienne à l’île sœur. Cela, pour épauler les autorités réunionnaises dans l’enquête sur la saisie d’héroïne valant plus de Rs 600 millions sur un bateau mauricien dans le port de Sainte-Rose dans la nuit du jeudi 10 à vendredi 11 novembre 2016. Que s’est-il passé ?

En fait, la liste des policiers qui devaient faire le déplacement était prête. Sauf que les autorités mauriciennes n’ont pas obtenu l’aval de leurs homologues réunionnais. Ceux-ci se méfient-ils de la police mauricienne? C’est en tout cas le sentiment qui prévaut à La Réunion.

L’actualité à Maurice est d’ailleurs suivie de très près à l’île sœur. Et l’on se demande s’il existerait un lien entre la police mauricienne et le trafic de drogue. Surtout après les dernières arrestations de policiers dans de telles affaires à l’aéroport.

L’on cite notamment le fait que le 25 octobre, deux kilos d’héroïne d’une valeur marchande de Rs 35 millions, dissimulés dans des valises, avaient été saisis à Plaisance. Le policier Arvind Hurreechurn, habitant de Rivière-du-Rempart, revenait d’un séjour à Madagascar. Et puis, l’on évoque la mort de ce dernier dans sa cellule. Il y a aussi le rapport déposé par le leader de l’opposition, Paul Bérenger, à l’Assemblée nationale mardi dernier. Dans le compte rendu, l’avocat Hervé Lassemillante, Deputy Chairperson de la National Preventive Mechanism Division – tombant sous la National Human Rights Commission –, écrit que la mort du constable Hurreechurn est «suspecte».

Toutes ces informations ne laissent pas les autorités réunionnaises insensibles. Raison pour laquelle le dossier de Sainte-Rose serait traité avec la plus grande discrétion. Et les investigations se poursuivent avec l’audition des témoins chez les gendarmes.

«Chapeau bas aux enquêteurs réunionnais»

Que pense-t-on aux Casernes centrales quant à cette «méfiance» des Réunionnais ? Personne ne veut précipiter les choses et affecter le bon déroulement de cette enquête, explique un haut gradé au quartier général (QG) de la police. Il faut dire «chapeau bas aux enquêteurs réunionnais», ajoute-t-il. Mais il reste également un maximum de preuves avant que la police mauricienne ne soit sollicitée pour des compléments d’enquête.

Du côté du QG de l’ADSU, un enquêteur déclare qu’après l’arrestation de ces trois Mauriciens à La Réunion, la marge de manœuvre des policiers mauriciens est limitée. Si l’accord de Legal Mutual Assistance est obtenu, ce n’est qu’à ce moment-là qu’une enquête peut démarrer sur les trois suspects, explique notre source à l’ADSU.

«Il s’est retrouvé propriétaire de bateau du jour au lendemain»

Tout a basculé lorsque sa femme, Corinne, a rencontré Mike Brasse, le skipper mauricien de 45 ans, écroué dans le cadre de cette saisie record à La Réunion. Toute une vie de couple qui s’est envolée après plus de 20 ans de mariage. Maurice Grondin, 54 ans, que «l’express» a rencontré dans une «case tomi» à L’Étang-Salé, se retrouve avec uniquement son dernier fils de dix ans. Ses deux autres fils ont été écroués dans le cadre de cette affaire. De même que sa femme, la maîtresse de Mike Brasse…

Le Mauricien venait régulièrement à La Réunion par bateau et habitait chez le couple. Maurice Grondin raconte que Mike Brasse n’avait aucune ressource quand il l’avait rencontré pour la première fois. Mais «du jour au lendemain, il s’est retrouvé propriétaire de deux bateaux».

S’est-il douté qu’un éventuel trafic de drogue se déroulait dans sa maison ? Maurice Grondin ne le soupçonnait pas. Mais il y avait du «zamal» en abondance, allègue-t-il. Surtout à la visite du Mauricien.

Lors de la semaine au cours de laquelle la saisie record a été effectuée, la maîtresse de Mike Brasse met le cap sur Maurice. Nous sommes le 7 novembre. À Maurice, elle vient récupérer 3 500 euros pour acheter une voiture neuve, mais aussi pour récupérer des documents en vue de ramener la fille du Mauricien à La Réunion. Celle-ci avait d’ailleurs effectué sa scolarité dans l’île de septembre 2015 à 2016.

Corinne revient à l’île sœur mercredi, soit à la veille de son arrestation. Maurice Grondin raconte que sa femme effectuait des voyages réguliers entre Maurice et La Réunion. En un an, elle avait même fait sept fois l’aller-retour. Il ajoute qu’il y a un mois, Mike Brasse était venu en bateau à La Réunion avec son neveu et un mécanicien à bord. Ils sont restés pendant une semaine. La tâche du mécanicien mauricien : rendre les moteurs des bateaux plus puissants pour de longs trajets entre Madagascar et Maurice. Le Mauricien avait même séjourné chez Maurice Grondin un jour car il était malade après le trajet en mer

Après toute cette histoire, Maurice Grondin vit seul dans une pièce adjointe de la maison. Alors qu’il est «affaibli» depuis son AVC en 2015. Désormais, ce sont ses amis qui viennent l’aider. Sa fille de 15 ans, qui est en métropole, veut même retourner à La Réunion pour l’aider. Aujourd’hui, le quinquagénaire dit vivre en paix.

 Maurice Grondin, 54 ans, est le mari de Corinne, la maîtresse de Mike Brasse.