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Kishore Deerpalsing: «Le pays va à la dérive»

26 novembre 2016, 13:40

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Kishore Deerpalsing: «Le pays va à la dérive»

C’est dans la tranquillité de sa somptueuse maison située à la rue des Goyaviers, Quatre-Bornes, que l’ancien Senior Lecturer de l’université de Maurice (UoM), Kishore Deerpalsing, ancien ministre, a choisi de couler des jours heureux. Né le 23 octobre 1947, il est père de deux enfants, Akilesh et Hansaja.

Cet ancien ministre de la Santé passe ses journées à relire les livres de l’écrivain, dramaturge, peintre et philosophe indien Rabindranath Tagore ou à zapper d’une chaîne internationale à l’autre. À moins de recevoir des amis, proches ou inconnus venus chercher conseil sur leur avenir professionnel.

La seule mention de la Mauritius Broadcasting Corporation (MBC) et le voilà lancé dans un discours passionné. Il préfère les chaînes internationales, qualifiant la télévision locale de «catastrophe ». «La population paie la redevance de télévision. On ne voit pas l’île Maurice profonde à travers la MBC. On est mal informé…»

Pour lui, il est grand temps que le pays ait une télévision nationale régie par la loi. «Chaque pays développé dispose de plusieurs chaînes de télévision à vocation nationale. Cela ne dérange personne. On choisit ses chaînes d’après ses goûts. Il n’est pas normal qu’on assiste chaque soir à un défilé de politiciens du gouvernement à la télévision», insiste-t-il. L’ex-Senior Lecturer de l’UoM rappelle que l’information est maintenant diffusée sur plusieurs plateformes, y compris sur les portables, et que le public n’a plus besoin de regarder la MBC pour savoir ce qui se passe dans le monde.

Kishore Deerpalsing a aussi une opinion bien tranchée sur le secteur de l’éducation. C’est d’ailleurs en particulier de jeunes diplômés qui viennent le rencontrer pour lui faire part de leurs difficultés à trouver un débouché sur le marché du travail. Leurs diplômes n’étant souvent pas reconnus.

«La frustration chez cette catégorie de jeunes est à son comble. C’est un drame non seulement pour eux mais également pour leurs familles et la société, dit-il. Je suis tenté de dire que le pays va à la dérive.» L’ancien ministre estime que bon nombre de familles ont misé sur l’éducation de leurs enfants pour que ces derniers soient en mesure de subvenir à leurs besoins à leur tour. Mais elles se rendent compte qu’elles doivent continuer à aider financièrement les jeunes diplômés.

«L’État a mal guidé les institutions secondaires et supérieures pour les canaliser vers des secteurs porteurs d’emplois. Comme dit l’anglais, they are going to the dogs.» Pour lui, le gouvernement aurait dû mettre sur pied un plan directeur pour le secteur de l’éducation afin de redresser la situation à tous les niveaux. «Le débat autour du Nine-Year Schooling ne résoudra pas le problème du chômage chez les jeunes. On est en train d’appliquer un changement dans le programme scolaire sans pour autant planifier l’avenir des jeunes.»

Jetant un regard sur les services de la santé publique à Maurice, il déplore la pénurie de certains médicaments, le manque de personnel et d’hygiène dans les hôpitaux, dispensaires et centres de santé. D’autant plus que c’est la seule alternative pour ceux qui n’ont pas les moyens de se faire soigner dans une clinique.

Soulignant que le personnel opérant dans les services de santé n’est pas responsable de la situation actuelle, il avance que le problème vient de la gestion. «De nombreux appareils sophistiqués tombent en panne et les patients sont canalisés vers les cliniques privés. There is something rotten in the kingdom of Denmark.»

L’ancien ministre de la Santé soutient qu’il est temps de créer des hôpitaux spécialisés pour les femmes et les personnes âgées ainsi qu’un hôpital national pour les enfants. Il fut un temps, ajoute-t-il, où la liste d’attente dans les hôpitaux avait été réduite considérablement en raison de la mise en place d’un système qui canalise les patients d’après leur catégorie.

Sur le plan politique, le sexagénaire trouve que l’annonce de sir Anerood Jugnauth (SAJ) de quitter le gouvernement est un «cinéma» ayant pour but de dévier l’attention du public des nombreux problèmes de la société. Il est d’avis que la passation de pouvoir est «condamnable». «Nous ne sommes pas un pays dirigé par une dynastie. Il faut laisser SAJ compléter son mandat. Si à la fin de celui-ci Pravind Jugnauth pose sa candidature comme Premier ministre, cela ne me pose aucun problème.»

Le problème de la drogue interpelle également Kishore Deerpalsing. «Elle s’est infiltrée dans tous les secteurs, même dans les institutions secondaires. Les parents sont en train de déprimer. Il ne devrait pas y avoir un seul gramme de drogue dans le pays.»

Cet ancien membre de l’Assemblée nationale s’élève aussi contre un éventuel ciblage de la pension universelle. Pour faire cela, dit-il, il faudra une armada d’enquêteurs et beaucoup plus d’argent sera dépensé que récupéré. Quant aux pensionnés qui travaillent, ils devraient payer une taxe sur la pension, estime-t-il.

L’ancien ministre n’a pas encore quitté l’arène politique. Il souligne qu’il sera très probablement candidat lors des prochaines élections générales.

Kishore Deerpalsing avait démissionné du gouvernement en 1985 à la suite de l’arrestation de trois députés connus comme les Amsterdam Boys. «J’en avais marre de cette situation. C’est pourquoi j’avais décidé de claquer la porte.»

Son parcours

  • 1979 : membre du Parti socialiste mauricien
  • 1982 : candidat au n°14 (Savanne– Rivière-Noire)
  • 1983 : ministre de l’Agriculture
  • 1985 : démission du gouvernement
  • 1992 : candidat battu au n°13 (Rivière-des-Anguilles–Souillac)
  • 1995 : député au n°13
  • 1998-2000 : ministre de la Santé