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[Vidéo] Pénurie de thé: la faute à qui?

26 novembre 2016, 21:35

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[Vidéo] Pénurie de thé: la faute à qui?

Demandez à n’importe quel amoureux du thé en vrac, pour eux, les temps sont durs. Depuis quelque temps, les étals des supermarchés à travers le pays affichent grise mine lorsqu’il s’agit de la vente du thé local. «Veuillez prendre un sachet par personne s’il vous plaît», implorent certains supermarchés. Du jamais vu, à en croire ceux qui sont dans le métier depuis plusieurs décennies.

Dans les champs de thé à Nouvelle-France, nous avons rencontré Dhaneshwaree Dhawol, planteuse pour l’usine de La Chartreuse depuis 21 ans. «Pé bien pas mizer dépi six mwa. Prémié fwa ariv sa», se plaint-elle pendant qu’elle taille les dernières feuilles de thé du jour.

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«J’espère que le gouvernement nous donnera un coup de pouce pour que l’industrie se revitalise», dit-elle. Un souhait partagé par Ravin Pudaruth, un autre planteur qui travaille en compagnie de sa femme et de son fils, un peu plus loin. «Nous sommes en novembre. C’est la période propice pour la récolte. Mais où est le soleil ?» se demande-t-il en désignant les gros nuages gris au-dessus de nos têtes.

L’hiver a été long cette année… «Et puis, la main-d’oeuvre chute annuellement. J’espère que c’est une situation temporaire, sinon on sera contraint d’importer le thé. Qui plus est, on doit se tourner vers les machines car ce secteur n’attire pas les jeunes», regrette-t-il.

Production en baisse

Selon les acteurs du secteur du thé, plusieurs raisons justifient la pénurie de thé noir en vrac cette année. En moyenne, 1 500 tonnes de thé noir sont produites chaque année pour le marché local, soit l’équivalent de trois tasses de thé par Mauricien par jour. Selon Statistics Mauritius, en 2015, une baisse d’environ 20 % a été notée dans la production de thé noir. Celle-ci est en effet passée de 1 504 tonnes en 2014 à 1 295 tonnes en 2015.

La superficie sous culture de thé a connu une régression de près de 15 % en 2015 par rapport aux quatre années précédentes. La superficie de 2012 à 2014 était de 675 hectares en moyenne. Et en 2014, elle a régressé à 574 hectares.

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Selon l’agronome Jean Cyril Monty, ce chiffre équivaut à un déficit de 1 200 tonnes de feuilles vertes. C’est la raison principale derrière la pénurie de thé cette année, estime-t- il. De concéder toutefois que le climat était également défavorable.

En outre, de 2011 à 2015, une dégringolade de 40 % dans le nombre d’employés du secteur de thé a été enregistrée. L’on comptait 309 employés en 2011, alors que ce chiffre a été ramené à 185 en 2015. Qu’en est-il de l’exportation ?

A-t-elle contribué à une pénurie de thé ? Non, a répondu le ministre Mahen Seeruttun au Parlement mardi. «En moyenne, 40 tonnes de thé sont exportées alors que 1 500 tonnes sont produites annuellement. Le taux exporté est faible», a-t-il fait comprendre.

 

Infusion d’espoir avec les mesures du gouvernement

L’ancienne usine de Dubreuil rouvrira ses portes d’ici 2018. Les travaux de nettoyage ont démarré. Environ Rs 200 millions seront injectées par l’entreprise chinoise Kuan-Fu Tea. Selon une source proche du dossier, le thé produit à l’usine sera exclusivement destiné au marché local.

Des cisailles et des fertilisants sont offerts aux planteurs de thé. Et 200 hectares de terre dans l’ancien «tea-belt» ont été identifiés pour y cultiver du thé. Cela représente une hausse d’environ 30 % de la superficie sous culture de thé.

Une pépinière sera aménagée à La Brasserie pour la production de plantules, qui seront offertes aux planteurs.

 

L’entreprise kuan-fu tea montrée du doigt

Au Parlement mardi, le député Osman Mahomed a attiré l’attention de Mahen Seeruttun sur le fait que la compagnie chinoise Kuan-Fu Tea ne faisait pas face à une pénurie. «Est-ce que le ministre est au courant que des ‘baby leaves’ sont récoltées et vendues en tant que ‘premium tea’ pendant que le marché local fait face à une pénurie de thé ?» Le ministre de l’Agro-industrie a alors tenté de rassurer la galerie, précisant que ce n’était pas le cas.

L’express a visité la maison mère de Kuan-Fu Tea, à Port-Louis, pour en savoir plus sur ces jeunes pousses. Menka Soobrah-Jhummun, la directrice adjointe, avance que le thé produit à partir de 200 kg de feuilles contient au minimum 50 % de «baby leaves». Ce sont principalement des bourgeons et des pointes de très jeunes feuilles.

Or, Osman Mahomed estime que ces feuilles sont cueilies au détriment du marché local. «Elles doivent arriver à une certaine maturité avant qu’on les cueille car la quantité de thé qu’on peut produire de ces feuilles demeure minime. Même les usines locales ne cueillent pas les ‘baby leaves’ afin de ne pas affecter leur taux de production.»

Comment expliquer que l’entreprise chinoise ne connaisse pas de pénurie ? «Nous n’avons pas été affectés cette année car le thé a été produit de feuilles que nous avons achetées l’année dernière», soutient Menka Soobrah-Jhummun. D’ajouter que «notre thé est fermenté pendant un an, ce qui le rend encore plus spécial. Cette année, nous n’avons pas eu l’autorisation du National Agricultural Products Regulatory Office pour acheter d’autres feuilles».

Elle insiste : «Kuan-Fu Tea n’a rien à voir avec la pénurie de thé noir sur le marché local.»