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Maladies préventives: quand la Santé s’emmêle les seringues

5 décembre 2016, 18:13

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Maladies préventives: quand la Santé s’emmêle les seringues

 

Comment les diabétiques se sont-ils retrouvés avec des seringues défectueuses bientôt périmées ? Ces seringues étaient un don du Fonds mondial de la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (raccourci à «Fonds mondial») et initialement destinées aux usagers de drogue, afin d’empêcher la prolifération du VIH/sida à travers le partage de seringues déjà utilisées, nous explique le ministère de la Santé. Le ministère a pris la décision de donner ce matériel aux diabétiques car la date de péremption approchait. Pourtant, les organisations non gouvernementales (ONG) n’arrêtent pas de se plaindre du manque de seringues pour le programme d’échange.

«Le ministère nous a imposé un quota de 30 000 par mois alors que nous avons une demande mensuelle d’environ 100 000 seringues», nous confie un travailleur social. «Nous essayons de faire de notre mieux mais il est difficile sur le terrain de travailler avec si peu de moyens. Surtout quand maintenant on sait que le ministère a des stocks qu’il est en train de partager aux diabétiques.»

«Si cela est avéré, ce serait extrêmement grave», confie Nathalie Rose de l’ONG Prévention Information et Lutte contre le SIDA, PILS, qui, avec le gouvernement, sont les deux principaux récipiendaires du Fonds mondial. «Il y a des contrôles et des règles très strictes quand on utilise les dons du Fonds mondial.» Outre un audit effectué par un Local Funding Agent, ici la firme PricewaterhouseCoopers, il y a aussi un Country Coordinating Mechanism (CCM), qui est constitué de représentants du gouvernement, du secteur privé, de la société civile et des ONG. Le CCM, qui s’est rencontré mercredi, a d’ailleurs demandé qu’une enquête soit initiée. En attendant, le Fonds mondial a été mis au courant de cette affaire.

«Le Fonds mondial soutient l’achat de produits de santé et exige des bénéficiaires de ses subventions qu’ils acquièrent des produits répondant aux normes de qualité de l’OMS.» C’est la réponse qu’on a reçue de Genève, siège du Fonds. L’organisation a nié catégoriquement avoir fait don de seringues au gouvernement mauricien. En effet, elle ne s’occupe que du financement des divers programmes que l’État met en place à travers le National AIDS Secretariat, sous l’égide du ministère de la Santé.

D’après le concept note du Fonds mondial, de juillet 2015 jusqu’en décembre 2017, le gouvernement aura perçu 3 213 554 de dollars en matière d’aide financière. Cependant, cela fait deux ans maintenant que le poste de National HIV/AIDS Coordinator est vacant, nous informe un préposé du ministère. Ce qui se traduit par un non déboursement des fonds, continue-t-il.

La douleur des diabétiques

<p><em>&laquo;S&rsquo;ils disent qu&rsquo;il n&rsquo;y a pas de danger à réutiliser la même seringue plusieurs fois, c&rsquo;est qu&rsquo;ils ne connaissent pas la souffrance des diabétiques !&raquo;</em> C&rsquo;est là le cri de cœur de Said Denmamode, un diabétique de la capitale, qui doit se faire deux injections par jour. &laquo;<em>Je reçois dix seringues par mois, ce qui n&rsquo;est pas suffisant pour mon traitement. Les seringues qu&rsquo;on a reçues sont à usage unique et nous nous retrouvons à les utiliser pendant plusieurs jours. L&rsquo;aiguille devient émoussée et cela fait extrêmement mal.</em>&raquo;</p>

<p>Ce retraité du ministère de la Santé se dit choqué et outré par le traitement que ce ministère réserve aux diabétiques comme aux usagers de drogue. Pour Said Denmamode, il est ridicule de donner des seringues destinées aux drogués à des diabétiques, surtout quand elles vont être périmées.<em> &laquo;Nous sommes des êtres humains et nous méritons d&rsquo;avoir un meilleur traitement médical. Je ne peux continuer à utiliser des seringues où, dès la première fois, l&rsquo;aiguille se casse et s&rsquo;implante dans ma chair.&raquo;</em></p>

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<h2>Toxicomanie: le programme d&rsquo;échange en danger</h2>

<p>Roland est un des bénéficiaires du programme d&rsquo;échange de seringues. Il habite dans un faubourg de la capitale et nous explique qu&rsquo;il n&rsquo;arrive pas à s&rsquo;en sortir avec le nombre de seringues qu&rsquo;on lui donne en ce moment. <em>&laquo;Je ne suis pas séropositif et je ne veux pas l&rsquo;être. Pourtant, des fois, je suis obligé de partager avec des amis car on n&rsquo;a pas le choix.&raquo; </em>Son ami Richard abonde dans le même sens : <em>&laquo;S&rsquo;il y a des seringues, donnez-nous en. Moi je suis séropositif mais je ne veux pas transmettre cette maladie à d&rsquo;autres. C&rsquo;est déjà très difficile.&raquo;</em> Richard nous explique aussi que si des jours il reçoit par chance plus d&rsquo;une seringue, l&rsquo;une d&rsquo;entre elle sera obligatoirement défectueuse. Ce qui le pousse à utiliser la même seringue à plusieurs reprises.</p>