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Pratiques douteuses: ces laboratoires privés qui feraient payer le prix fort à leurs clients

11 décembre 2016, 22:15

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Pratiques douteuses: ces laboratoires privés qui feraient payer le prix fort à leurs clients

Des tests qui coûtent très cher dans le privé mais qui sont réalisés presque gratuitement dans les laboratoires publics ; des fonctionnaires qui travailleraient à la fois dans le secteur public et dans les laboratoires d’analyses privés… Autant «d’anomalies» que les autorités ont décidé de passer au crible…

Au niveau des hôpitaux publics, on laisse entendre que la pratique consistant à réaliser des analyses pour le compte des laboratoires privés est courante. Ces tests se font surtout au laboratoire de l’hôpital Victoria. Contre paiement, bien sûr. «Les laboratoires privés n’investissent pas tous dans l’achat d’équipements coûteux ou dans des réactifs hors de prix. Mais ceux-ci sont disponibles dans les laboratoires de l’État.»

Mais il y a un hic. Les laboratoires privés feraient payer le prix fort à leurs clients pour ces tests alors qu’eux-mêmes ne déboursent que des sommes dérisoires pour les faire réaliser dans les hôpitaux. «C’est une somme symbolique que déboursent les labos privés. Ces tarifs ne reflètent même pas le prix des réactifs utilisés. Et ils reflètent encore moins ce que la clientèle du privé doit ensuite régler», s’indigne une source. Et de citer en exemple le test de virologie Polymerase Chain Reaction ou les tests de coagulation. «Les réactifs sont hors de prix pour ces analyses. Dans le privé, ils choisissent souvent de ne pas investir dans de tels composants.»

Sollicité par l’express, le ministre de la santé Anil Gayan affirme que les tarifs pratiqués par le secteur public seront revus. «Nous travaillons sur unenouvelle grille. Il faut que cela s’apparente aux tarifs commerciaux», laisse-t-il entendre. Dans les milieux de la santé publique, l’on se dit convaincu que ces nouveaux tarifs devraient mettre un frein aux abus rapportés.

Pratiques déloyales, un mal décrié

Autre irrégularité : les allégations de conflits d’intérêts dans la fonction publique. Selon nos informations, un certain nombre de techniciens de laboratoires – des fonctionnaires donc – seraient eux-mêmes propriétaires de laboratoires privés !

Ils sont ainsi soupçonnés de faire réaliser les analyses les plus coûteuses dans le secteur public. «Ils sont gagnants en facturant ces analyses à des prix exorbitants, mais en ne déboursant rien pour les tests», note une source. Plusieurs noms de fonctionnaires circulent déjà. L’un d’eux aurait même un poste de consultant au ministère. Sollicité, il s’est contenté de répondre qu’il n’est au courant d’aucune enquête à ce sujet.

Anil Gayan dit pour sa part avoir eu vent des allégations de conflits d’intérêts. «Nous attendons d’avoir des preuves avant d’agir.»

Certains médecins du privé ont des accords avec des laboratoires d’analyses. La situation est certes connue, mais ces derniers temps, un nombre croissant d’abus aurait été noté, d’autant plus que des commissions sont en jeu. Plusieurs acteurs du secteur ont décidé de passer à l’action. La Competition Commission a été saisie.

En cause : la situation malsaine créée lorsque des médecins prescrivent des tests aux patients, mais en leur imposant un cabinet d’analyses particulier. En fait, c’est ainsi qu’ils obtiendraient des commissions. Un médecin explique que cette pratique touche davantage les spécialistes. «Exemple : des tests pour établir le taux de vitamine D dans le corps coûtent plus de Rs 1 000. Des spécialistes les prescrivent, même si leurs patients n’en ont pas besoin.»

«Pourquoi le patient doit-il payer pour des tests inutiles qui ne feront que rapporter des commissions aux médecins ? Est-ce légal ?» se demande de son côté un directeur de laboratoire, qui précise que ces pratiques sont répandues. Comme celle qui consiste à demander à un malade de parcourir de longues distances pour aller faire des tests dans un cabinet précis. Tout ceci, dit-il, s’apparente dans le même temps à de la concurrence déloyale.

Sollicité, Anil Gayan répond que son ministère n’est pas au courant de telles pratiques, d’autant plus que cela se passe dans le privé. «Mais s’il y a des preuves, le ministère initiera une enquête», poursuit-il.

Des preuves, le directeur de laboratoire que nous avons interrogé en a. Dans un mail qui lui a été adressé par un médecin travaillant pour une clinique privée, le praticien cherche à connaître les prix des analyses pratiquées par le laboratoire. «Furthermore, is there any percentage granted to the prescribing doctor?» demande ce médecin en conclusion du mail.

Notre interlocuteur fait partie de ceux qui ont fait parvenir un courrier à la Competition Commission et au ministère de la Santé. Il attend toujours des réponses.

Dr Baboo Chandraduthsing Gowreesunkur: «Et l’éthique, dans tout ça ?»

Directeur de Green Cross Laboratories.

Les problèmes liés aux laboratoires d’analyses vous étonnent-ils ?
Tout cela n’est pas nouveau. Cela dure depuis des années sans que personne ne bouge alors qu’ailleurs, c’est une pratique répréhensible.

Est-ce possible de survivre en travaillant différemment ?
Évidemment. Nous n’avons jamais procédé ainsi malgré les demandes de plusieurs médecins. Il y a eu des cas où les patients sont revenus vers nous en affirmant que leurs résultats n’étaient pas bons et qu’il fallait refaire les tests. Comme la majorité des personnes ne comprennent pas les résultats d’analyses, le médecin peut leur raconter n’importe quoi.

Les médecins ne sont certainement pas les seuls à blâmer…
Je n’ai pas dit cela. Les responsables de laboratoires doivent aussi avoir une éthique. Mais ce n’est pas tout. Nous avons même eu des agents d’assurances qui nous ont demandé de fausser des résultats. Lorsqu’un patient présente une maladie chronique, la compagnie d’assurances ne l’accepte pas et l’agent perd sa commission. Certains laboratoires se plient à ces demandes.