Publicité
Croissance: la consommation, une arme à double tranchant
Par
Partager cet article
Croissance: la consommation, une arme à double tranchant
Hausse de la consommation est-elle égale à croissance de l’économie ? Les avis, dans les milieux concernés, sont partagés. Reste que les dépenses des ménages, de 2013 à 2016, connaissent une hausse moyenne de Rs 14 milliards.
D’ailleurs, rien que pour cette année, Statistics Mauritius table sur une hausse de 4,2 % des dépenses liées à la consommation des ménages, par rapport à 2015, pour atteindre Rs 319,3 milliards. C’est ce qui ressort des dernières statistiques des comptes nationaux (National Accounts), publiés vendredi 23 décembre.
Deux économistes vous éclairent
Question : est-ce suffisant pour booster la croissance? Pour y voir plus clair, nous avons fait appel à deux économistes, en l’occurrence Renganaden Padayachy de la Mauritius Chamber of Commerce and Industry (MCCI) et à Swadicq Nuthay, Chief Executive Officer d’ABC Capital. Et les avis sont bien tranchés.
Pour Renganaden Padayachy, la consommation demeure le socle essentiel de la croissance à Maurice. Auteur de plusieurs études et rapports sur le climat des affaires et les perspectives économiques, il explique que, selon ses recherches sur la modélisation économétrique, une hausse de 1 point du pourcentage de la consommation augmenterait le taux de croissance économique de 0,56 point.
Décélération du taux de croissance de la consommation
Depuis 2009, il y a eu une vive décélération du taux de croissance de la consommation, fait remarquer l’économiste. Celui-ci est passé d’environ 6 % en moyenne sur la période avant la crise (2008) à 2,6 % en moyenne sur la période récente et postcrise. «Nous devons prendre en compte un aspect fondamental qui influence le niveau de la consommation globale. C’est l’élément psychologique.»
Et Renganaden Padayachy d’ajouter qu’il existe des études démontrant qu’en période de crises, les consommateurs, animés par un sentiment de crainte, limitent leurs dépenses en adoptant une posture prudentielle. «Les consommateurs, contraints par une situation économique morose, deviennent sélectifs et repoussent au maximum les achats. Ils renoncent pour la plupart à des achats impulsifs.»
Attirer 200 000 retraités étrangers
Tout cela lui fait dire qu’une politique de relance de la consommation permettrait de passer d’un «équilibre sous optimal, de faible demande, de chômage et de sous-utilisation du capital à un équilibre plus adéquat, une demande plus forte et à un niveau de confiance et d’investissements en hausse».
D’ores et déjà, la MCCI est favorable à ce que la base du nombre de consommateurs soit élargie, en attirant 200 000 retraités étrangers d’ici 2020. Cela correspond à une injection de Rs 65 milliards dans le circuit économique.
Renganaden Padayachy se veut réaliste, en ciblant, dans un premier temps, 20 000 retraités pour 2017. Cela a le potentiel d’augmenter, insiste-t-il, la consommation de Rs 6,5 milliards et de dégager ainsi un surplus d’environ un point du Produit intérieur brut (PIB) dans l’année.
«On consomme plus qu’on produit»
Une analyse à laquelle Swadicq Nuthay ne souscrit pas. «Une analyse en profondeur des composantes de la croissance démontre déjà que l’item dite consommation ménagère a augmenté de 73 % du PIB pour la période 2003-2008 à 80 % du PIB pour la période 2009- 2013. La consommation privée a progressé de 5,1 % annuellement, alors que les salaires en terme réel ont progressé de seulement 2,8 % annuellement. Ce qui a pour conséquence une augmentation de l’endettement des ménages. On consomme plus qu’on produit», martèle le CEO d’ABC Capital.
Déficit du compte courant
Or, qui dit consommation, dit forcément importation, le pays important plus de 75 % de ses produits (alimentaires et autres). D’ailleurs, la Banque de Maurice ne cesse de tirer la sonnette d’alarme en rappelant la proportion inquiétante du déficit du compte courant d’une année à l’autre.
Il s’élevait, en 2015, à Rs 20 milliards et pourrait augmenter sensiblement en 2016. Ce qui implique une dégradation de la balance commerciale avec les importations nettes de biens et services dépassant largement des exportations.
«Avoir recours à la consommation comme un moyen pour relancer la croissance peut être une arme à double tranchant car ce qu’on gagne d’un côté, on le perd de l’autre»
Selon les National Accounts, les exportations nettes en biens et services sont déficitaires depuis plusieurs années, avec des estimations de Rs 39 milliards pour 2016 contre Rs 41 milliards en 2015. «Du coup, avoir recours à la consommation comme un moyen pour relancer la croissance peut être une arme à double tranchant car ce qu’on gagne d’un côté, on le perd de l’autre», soutient l’économiste Swadicq Nuthay.
Comme quoi, relancer la croissance à travers la consommation reste une problématique qui suscite toujours des interrogations.
Fêtes de fin d’année : le panier de la ménagère dépasse les Rs 10 000
<p>Davantage de boissons alcoolisées (ou non), de viandes, de poulet… C’est ce que l’on retrouve dans le panier de la ménagère en cette période de fêtes. Et à la caisse, le panier moyen dépasse les Rs 10 000.</p>
<p>Reste que, selon Jane Ragoo, co-dirigeante de la Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP), <em>«la tendance actuelle est à une ‘dépense disciplinée’».</em></p>
<p>D’expliquer que le consommateur ne dépense plus à tout va. Il compare beaucoup plus les prix, en consultant davantage les brochures distribuées par les grandes surfaces. Le choix est d’ailleurs plus pertinent.</p>
<p>Mais surtout, fait remarquer Jane Ragoo, les familles sont de plus en plus nombreuses à ne dépenser qu’en nourriture, préférant économiser pour les frais des matériels scolaires pour la rentrée. <em>«Le pouvoir d’achat reste en berne, mais les bonis de fin d’année font certainement beaucoup de bien aux ménages.»</em></p>
<p>Le mois dernier, le coût du panier de la ménagère, selon les estimations de la CTSP, se chiffrait à Rs 9 700. Ce sondage a été réalisé auprès d’un échantillon de 200 ménages comprenant le père, la mère et deux enfants en bas âge.</p>
L’économie réunionnaise tirée à 60 % par la consommation ménagère
<p>À La Réunion, la consommation des ménages représente 60 % du PIB (18 milliards d’euros). Selon les spécialistes, elle agit déjà comme le moteur de croissance, qui s’élevait, l’année dernière, à 2,8 % du PIB.</p>
<p>Dans le dernier supplément <em>Business Magazine océan Indien</em> consacré à La Réunion, l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) attribue plusieurs facteurs à ce résultat : la baisse des prix à la consommation (-0,5 %), le dynamisme du niveau revenu brut disponible (+2,8 %) et des salaires qui continuent de progresser (+2,9 %).</p>
<p>Ces chiffres sont à mettre sur le compte d’une transformation de l’économie réunionnaise qui, en 70 ans, est passée d’une économie de survie à celle de services.</p>
Publicité
Les plus récents