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Ramesh Basant Roi à l’épreuve des questions de The Banker

7 janvier 2017, 14:32

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Ramesh Basant Roi à l’épreuve des questions de The Banker

Désigné «Central Bank Governor of the Year 2017» par «The Banker», prestigieuse publication du «Financial Times», Ramesh Basant Roi est un gouverneur comblé. Pas moins de 40 banques centrales avaient été sondées dans le cadre de cet exercice annuel. Deux questions ont suffi à notre compatriote pour se démarquer du reste des candidats. «L’express» a obtenu ces questions posées par «The Banker» ainsi que les réponses du gouverneur de la Banque de Maurice. Nous vous en présentons une traduction.

Comment décrirez-vous la performance de l’économie mauricienne en 2016 ?
Notre économie dépend largement du commerce avec la zone euro et la Grande-Bretagne. La débâcle persistante au niveau de la zone euro a été et continue d’être un frein au développement de notre économie. Le Brexit a également été un coup dur pour le secteur de l’exportation en 2016. Des développements somme toute malheureux du côté de la majeure partie de nos partenaires économiques et les turbulences y résultant au niveau des marchés financiers ont eu un impact négatif sur le climat général des affaires à Maurice. Notre performance économique en 2016 aurait pu être largement meilleure.

La liquidation d’un gros conglomérat a aussi eu un impact néfaste sur la croissance de notre économie. Je dois, toutefois, dire qu’en dépit de violents vents contraires, notre économie a démontré un degré de résilience remarquable. Le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) pour 2016 est prévu à un peu plus de 3 %. Un certain nombre d’importants projets d’infrastructure à grande échelle sont sur le point d’être lancés par le gouvernement. La croissance sera par conséquent revue à la hausse en 2017.

En définitive, l’économie mauricienne fait aussi face à des défis importants tombant hors de la juridiction de la Banque centrale. S’ils ne sont pas abordés avec tact et mesure, ces défis pourraient avoir de graves répercussions sur la croissance économique du pays à l’avenir. Les autorités reconnaissent cependant que l’état de notre économie requiert des réformes structurelles qui contribueront grandement à une croissance durable dans les années à venir.

«La mémoire humaine ne parvient pas à se souvenir que la politique monétaire n’est pas toujours attribuable à des questions d’ordre moral.»

De quelle manière la Banque de Maurice a-t-elle soutenu le développement économique du pays durant l’année écoulée ?
Beaucoup de ceux qui suivent la politique de la Banque de Maurice ont tendance à résumer tous les événements qui s’y passent en un simple récit plus ou moins plausible moralement. La mémoire humaine ne parvient pas à se souvenir que la politique monétaire n’est pas toujours attribuable à des questions d’ordre moral. Ses fluctuations ne corrélèrent guère avec les histoires chargées d’émotion que les êtres humains appliquent communément à la vie au quotidien. Même au sein de l’intelligentsia, on ne comprend pas que la politique monétaire reste un sujet foncièrement technique.

La fameuse remarque de Sigmund Freud que «des fois, un cigare n’est juste qu’un cigare» mérite d’être citée ici.

Dans le contexte très pénible des difficultés économiques sur le plan mondial, la Banque de Maurice a mis en oeuvre des politiques très pointues et bien calculées, spécifiquement axées sur le soutien au développement économique du pays sans, pour autant, bouleverser le délicat climat des affaires. Dans une petite économie insulaire qui s’en est formidablement sortie dans un monde qui a été stable jusqu’à la crise financière de 2007, concevoir et mettre en oeuvre des politiques monétaires et régulatrices dans un monde en constante évolution qui a connu des turbulences, est une tâche des plus exigeantes.

Une des plus grandes contributions de la Banque de Maurice dans la période récente est en rapport avec la gestion de la politique monétaire. Des années de flux de capitaux ont généré des quantités massives de liquidités qui n’ont pas été stérilisées à cause de considérations de coût. La banque a adopté une stratégie intelligente de gestion monétaire en 2015 qui a permis d’éliminer pratiquement le problème de liquidités. L’instabilité monétaire qui menaçait la stabilité macroéconomique globale a donc été évitée.

Dans ce contexte, je dois souligner que les changements tant attendus dans le schéma de la politique monétaire sont pratiquement complétés et seront mis en oeuvre au début de 2017. Le nouveau cadre rendra la transmission de la politique monétaire plus efficace qu’avant.

La seconde étape concerne le groupe BAI. Celui-ci était une des plus grosses sociétés au sein de laquelle on comptait une banque commerciale. Le groupe était déjà en faillite depuis des années. Des conversations confidentielles suggéraient que le groupe était d’ores et déjà voué à une mort certaine il y a plusieurs années. La banque au sein de ce groupe a obtenu de la Banque centrale plus que le soutien requis en termes de liquidités avant l’année 2015. La sévérité de sa crise de liquidités avait atteint de nouveaux sommets. Sa licence bancaire a donc été révoquée en 2015. Bien que le groupe soit systémiquement important, la révocation de sa licence bancaire et les conséquences qui en découlèrent ont été gérées adroitement, ce qui n’a donné lieu à aucun problème systémique majeur. L’implosion tant redoutée du groupe, les graves perturbations que l’écroulement aurait pu avoir engendrées et les implications sur l’économie de l’instabilité financière qui en découlerait ont donc été évitées.

Les marchés financiers ont connu des turbulences à travers le monde. Occasionnellement, les fluctuations du taux de change ont été abruptes. Comme l’île Maurice est très dépendante du commerce extérieur, le taux de change de la roupie mauricienne est crucial. La Banque centrale est constamment confrontée aux chocs financiers de plus en plus fréquents. Un niveau de taux de change qui est correct pour le secteur manufacturier, un important employeur d’une large part de la main-d’oeuvre, n’est pas nécessairement adapté pour le secteur financier qui est devenu un important employeur de la main-d’oeuvre qualifiée dans le pays, et vice-versa. En dépit du Brexit et d’autres bouleversements au niveau des marchés financiers, la banque a maintenu un relativement bon alignement du taux de change. Dans le contexte mauricien, c’est une contribution à la croissance et aux développements qui dépassent la plupart d’autres pays.

Bien sûr, il y a plusieurs autres réorientations de politiques tels l’assouplissement sélectif de certaines politiques régulatrices de secteurs économiques qui ont souffert des règles très contraignantes. En fait, la banque a repensé et rationalisé plusieurs de ses politiques. Pour soutenir la croissance, la banque a présenté plusieurs projets qui apporteraient éventuellement une plus grande efficacité et ouvriraient la voie à de meilleures perspectives économiques.

La législation relative au National Payment System sera présentée cette année. La banque travaille en ce moment sur le National Switch Project. Le système de garantie du dépôt est presque prêt. Une compagnie de gestion des actifs qui traitera des questions relevant des actifs non performants sera créée en 2017. Le Bank of Mauritius Act et le Banking Act seront bientôt revus. Des changements majeurs, reflétant des impératifs de développement économique et un mécanisme de résolution de crises, sont attendus.

La banque croit fermement que la croissance générée par des activités hautement spéculatives n’est pas la voie de l’expansion économique durable. La croissance d’une économie doit être basée sur des principes solides car autrement la notion de durabilité risque d’être sévèrement sapée. Un taux de croissance économique de 3 % reposant sur des principes solides est certainement préférable à un taux de 5 % basé sur des principes extrêmement précaires.