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Tromelin: nouvelles négociations ou recours à la Cour internationale de justice

13 janvier 2017, 21:18

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Tromelin: nouvelles négociations ou recours à la Cour internationale de justice

 

Maurice risque-t-elle de perdre Tromelin ? Tous nos interlocuteurs trouvent le moment mal choisi pour porter le dossier devant l’Assemblée nationale française.

Un accord de cogestion économique, scientifique et environnementale de l’île Tromelin a été signé le 7 juin 2010. Cette fois c’est la ratification, ou pas, de cet accord par l’Assemblée nationale française, le 18 janvier, qui retient l’attention.

«C’est le pire moment possible pour évoquer la ratification de l’accord de cogestion. François Hollande est sur la voie de sortie et l'élection présidentielle en France est imminente», déclare Paul Bérenger. Le leader du Mouvement militant mauricien note qu’une campagne est menée pour empêcher la ratification de l’accord. Il se montre pessimiste affirmant qu’on va vers une impasse. «Nou pé al gagn bézé», s’inquiète-t-il.

Toutefois, Paul Bérenger pense déjà à une position de recours. «Si l’accord n’est pas ratifié, il faudra réclamer notre souveraineté sur Tromelin. Maurice devra recourir à la Cour internationale de justice car nous avons un dossier solide.»

L’ex-Premier ministre Navin Ramgoolam est du même avis. Il conseille au gouvernement de se préparer pour réclamer la souveraineté de Maurice sur l’île Tromelin. «Si ratifié, sé pa la fin. Bizin kontign laguer pou souvrennté.»

Le ministre de la Santé Anil Gayan, qui a, dans le passé, détenu le portefeuille des Affaires étrangères, estime que rien n’est certain. «On ne sait pas ce qui se passera en France. Cependant, on ne peut pas remettre en question l’accord passé entre deux chefs d’État», dit-il.

Anil Gayan estime que Maurice a le droit de rechercher une cogestion des ressources autour de Tromelin. «La France est une grande puissance et Maurice n’a pas les mêmes moyens dont dispose ce grand pays. Cependant, cela ne nous empêche pas de demander la cogestion des ressources marines pour, entre autres, faire des recherches.»

Jean Claude de l’Estrac, ancien secrétaire général de la Commission de l’océan Indien (COI) qui a aussi été chef de la diplomatie mauricienne, tient à rappeler des faits historiques. «Ce contentieux est avec nous depuis des décennies. Il a fallu attendre l’arrivée au pouvoir de la gauche en France avec l’élection de François Mitterrand en 1981 et celle du MMM à Maurice, pour qu’une tentative de règlement soit enclenchée lors d’une rencontre en 1982, entre sir Anerood Jugnauth et François Mitterrand. J’ai participé à cette discussion», affirme-t-il.

Jean Claude de l’Estrac rappelle «qu’une commission de juristes des deux pays avait été mise sur pied pour discuter de la question. Ces discussions ont duré de longues années pour déboucher, en 2010, sur la proposition de cogestion, qui sauvegarde l’intérêt des deux parties».

Déjà en ce temps-là, il n’y avait pas d’unanimité. «Cette proposition avait suscité des réactions de résistance de la part de La Réunion, mais l’accord a été finalement signé. Pour qu’il soit validé, il faut l’assentiment de l’Assemblée nationale française. Cependant, depuis des années, malgré la volonté du gouvernement français, il y a eu de l’opposition chez des parlementaires y compris les socialistes», poursuit Jean Claude de l’Estrac.

L’ancien secrétaire général de la COI exprime des appréhensions par rapport à la ratification de l’accord de cogestion : «Je crains que, dans le climat électoral actuel, avec la montée de l’extrême droite et des réactions xénophobes et souverainistes, cette ratification risque d’être à nouveau compromise.»

Milan Meetarbhan, spécialiste en droit international, est d’avis que le dossier a pris longtemps avant d’être présenté à l’Assemblée nationale française. «On voit qu’il y a de la résistance de la part des députés. S’ils ne votent pas la ratification, l’accord ne sera pas en vigueur. Dans ce cas, il doit y avoir de nouvelles négociations avec le nouveau gouvernement français», observe-t-il.

Souveraineté

En 2013, une tentative de ratification de l’accord par l’Assemblée nationale française avait échoué. En octobre 2014, l’idée de cogestion avait été abandonnée et Maurice voulait proclamer la souveraineté sur l’île. Navin Ramgoolam, alors Premier ministre, avait évoqué la question avec le président français François Hollande, lors d’une rencontre. Mais deux mois plus tard, le leader des Rouges, battu aux élections générales, laissait la place de Premier ministre à sir Anerood Jugnauth.

En février 2015, Paul Bérenger, alors leader de l’opposition, a axé sa Private Notice Question sur le dossier Chagos et celui de Tromelin. En réponse à l’interpellation, sir Anerood Jugnauth a déclaré que Navin Ramgoolam avait abandonné le projet de cogestion de l’île Tromelin.

Toutefois, interrogé une deuxième fois, en mai 2016, le Premier ministre a affirmé qu’il est en faveur de la cogestion, souhaitant que l’accord soit ratifié. Il a promis d’en parler au président de la République française quand il le rencontrera. C’est vers la fin de l’année dernière que la France a signifié son intention de ratifier l’accord de cogestion. La question sera donc portée devant l’Assemblée nationale française le 18 janvier.

Historique

<p>L&rsquo;île Maurice revendique tous les territoires qui ne lui ont pas été restitués à son indépendance. L&rsquo;île Tromelin est officiellement revendiquée par Maurice depuis le 2 avril 1976. Elle est considérée par l&rsquo;État français comme faisant partie intégrante de ses territoires outre-mer. Les négociations avec la France pour le retour de Tromelin sous la juridiction mauricienne ont débuté en 1990, avec le président François Mitterrand et se sont poursuivies pendant 20 ans sous les présidences de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande. Sous le gouvernement de Navin Ramgoolam, Maurice, qui se base sur le Traité de Paris de 1814, par lequel la France cédait notre île et ses possessions à la Grande-Bretagne, arrache la signature d&rsquo;un accord-cadre avec la France, le 7 juin 2010. Il porte sur la cogestion de Tromelin par Maurice et la France. Cet accord comporte trois conventions techniques sur la pêche, la protection de l&rsquo;environnement et la recherche archéologique. La position du gouvernement mauricien est claire : si la France reconnaît la souveraineté de Maurice sur Tromelin, l&rsquo;État mauricien est disposé à cogérer l&rsquo;île et à faire un partage équitable des ressources minérales, naturelles ou autres se trouvant dans les eaux territoriales entourant Tromelin. Outre les eaux poissonneuses, on y soupçonne aussi la présence de pétrole, de gaz et de nodules polymétalliques. L&rsquo;accord-cadre de 2010 a été ratifié par le Sénat français mais est toujours en attente de ratification par le Parlement hexagonal.</p>

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