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Gaëtan Abel: «Libéré» de la State Property Development Corporation
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Gaëtan Abel: «Libéré» de la State Property Development Corporation
Maintenant que Gaëtan Abel a démissionné de la State Property Development Corporation (SPDC) après 16 ans de service, l’auteur-compositeurinterprète se sent pousser des ailes.
«Libre et libéré». Ce sont vos mots après votre départ de la State Property Development Corporation (SPDC), fin 2016. C’était si contraignant que cela ?
Je me sens libre dans mes envies. Il y a trois choses essentielles dans ma vie : l’événementiel, l’artistique et le social. Trois choses que je ne peux faire que si mo kontan, mo kapav ek mo koné. Dans une entreprise, on ne fait pas toujours ce que l’on aime. On fait surtout des choses que l’on connaît et pour lesquelles on vous a embauché.
Qu’elles sont ces choses que vous avez faites sans les aimer ?
Mo pann fer kitsoz ki mo pa kontan. C’est-à-dire mo pann kapav fer kitsoz ki mo kontan. (sourire)
Vous jouez sur les mots là…
Disons que j’ai fait de sorte de trouver une satisfaction personnelle dans les choses que j’avais à faire.
De quoi êtes-vous le plus fier de ces 16 ans à la SPDC ?
J’ai aimé les sept premières années. Le Port-Louis Waterfront se présentait comme un endroit offrant la possibilité d’organiser une multitude d’activités.
Quel était le positionnement par rapport au voisin actif qu’est le Caudan Waterfront ?
Quand je suis arrivé en poste, il n’y avait que la dimension d’un espace pouvant accueillir des événements. On se parlait, bien sûr.
Il fallait se démarquer du Caudan Waterfront ?
Du tout. C’était un espace commun géré par deux entreprises. D’ailleurs, il y a un problème d’identité. Les gens disent «le Caudan», qu’ils parlent d’un côté ou de l’autre du front de mer. Pour moi, il s’agissait de complémenter les activités de loisirs du Caudan, avec des choses très différentes chez nous.
Qu’étiez-vous censé organiser au début ?
Le Port-Louis Waterfront est un concept où le développement économique est basé sur le commerce et les loisirs. Enn amenn lot.
Le faisiez-vous en sachant que vous étiez le parent pauvre comparé au Caudan Waterfront ?
Li koumsa. Tou dimounn trouv sa. J’ai essayé de faire des activités qui invitent à la découverte d’artistes moins connus, dans toutes les disciplines. Ce n’était pas juste un support aux activités commerciales. Ce que le management attendait de moi c’était de faire venir du monde. Quelle meilleure satisfaction qu’un boss qui vous dit un jour que vous y êtes parvenu ? Ensuite, nous avons eu la gestion du centre de conférences de Grand-Baie. J’ai géré le centre pendant huit ans. Cela m’a apporté beaucoup de connaissances et d’ouverture. C’était très versatile : entre les conférences avec des chefs d’États et Les Petits Chanteurs à la Croix de Bois.
Un mot sur la conversion du centre de conférences de Grand-Baie en casino, en 2016 ?
Je suis triste. Cela, je ne pouvais pas le dire publiquement l’année dernière. C’est le seul centre de conférences international digne de ce nom à Maurice.
Pas celui de Pailles ?
Pailles est grand. Il peut accommoder 3 000 à 3 500 personnes. Celui de Grand-Baie est petit, mais il a tout en termes d’acoustique. An plis li zoli. Dans un pays où il n’y a pas beaucoup de salles de spectacles, où les théâtres mo pa dir pé mor mais on n’arrive pas à les faire revivre, nou péna narnyé, et on transforme un centre de conférences en casino.
Que faites-vous aujourd’hui ?
Je suis consultant freelance dans l’événementiel. Actuellement, je suis un cours en leadership for poverty alleviation and misery eradication donné par Jonathan Ravat à l’Institut cardinal Jean Margéot. C’est un cours de leadership tourné vers les pauvres.
Cela va vous servir dans le Mouvement pour le Progrès de Roche-Bois (MPRB) dont vous êtes vice-président ?
Pas seulement. Cela servira dans tous mes éventuels engagements sociaux. J’ai suivi des cours de leadership il y a, de cela, 40 ans. Il faut rafraîchir ces connaissances. Je veux surtout apporter ma contribution dans la creative economy. L’événementiel en fait partie. C’est un jeune métier, dont on ne parlait pas il y a 10-15 ans. Je veux aider à le professionnaliser. Je pense concevoir un cours de formation basé sur mon expérience acquise dans le management. Zordi zour ki nou trouvé ? Des artistes, des gens avec des compétences dans le son et la lumière qui se lancent dans l’événementiel. Or, c’est un créneau particulier.
Vous êtes aussi plus libre pour des projets artistiques.
Quand j’y pense, je suis satisfait de mon parcours artistique. J’ai écrit pour une grande chanteuse aujourd’hui décédée, Mary-Ann Both-John, sur l’album Anonymous. Tout cela n’est pas encore fini. Je pense faire un spectacle solo. C’est encore à un stade embryonnaire, peut-être que ce sera pour 2018.
C’est un solo pour dire que vous êtes toujours de la partie ?
C’est pour dire que j’existe. Un artiste ne meurt jamais. Nou kamarad Eric (NdlR : Eric Triton) ti dir l’Art vaincra.
Quand avez-vous découvert que vous aviez une voix ?
J’avais huit ans, c’était lors d’une réunion familiale. Les parents disaient «sant sant inpé pou nou bann vwazin, to abitié santé dan sal-débin». Et j’ai chanté un titre, je ne vous dirai pas lequel…
Pourquoi ?
Parce qu’il sera probablement dans le concert que je prépare. Li drol santé-la. Ce jour-là, j’ai vu que tout le monde était content. C’est à partir de là que j’ai senti que, kapav debriyé. Kapav fer enn zafer ziska pli tar.
C’est sur le tard que vous avez fait un seul et unique album, «Pou Twa», sorti en 2011.
Vous savez comment c’est arrivé ? Un jour, quelqu’un me présente à un étranger comme un grand chanteur. Et même plus, comme un auteur-compositeurinterprète. L’étranger demande où est-ce qu’il peut se procurer mes albums ? Mo dir get sa b… la. Je n’avais rien à lui montrer. C’est là que je décide de faire un album. De laisser une trace.
«J’ai fait de sorte à trouver une satisfaction personnelle dans les choses que j’avais à faire.»
C’est important de laisser sa trace ?
Oui, pour les idées en lesquelles je crois. Ma conception de la vie…
Et pour rappeler que vous êtes de la mouvance des chanteurs engagés ?
J’ai atterri dans cet univers dès le collège. Je suis né à Flacq, ensuite on a déménagé pour Port-Louis, à Cassis, et puis au Ward IV. J’étais au collège Bhujoharry. Jean Noël Adolphe venait parler des formations qu’il dispense. Je rate le premier cours. Mon camarade de classe Eshan Abdool Raman, lui, y va. Li dir mari top. Nous étions déjà engagés dans un groupe qui s’appelait Jeunesse Indépendante, à 16 ans. On visitait des couvents, on essayait de soulager la souffrance des gens du quartier. Le cours de Jean Noël Adolphe était une formation pour mieux faire le travail.
Dans votre parcours, il y a eu le groupe de théâtre Raisin Vert. Impossible de résister à l’envie de vous demander si les raisins sont mûrs aujourd’hui ?
Non, finn res apandan (sourire).
Vous êtes aussi passé à l’Institut pour le Développement et le Progrès (IDP).
Kouma Raisin Vert tegn, IDP ki pran. Pour les dix ans de l’IDP, le 18 mai 1980, nous avons monté un show musical avec les chansons de Marcel Poinen. Moi, je n’avais encore rien écrit. C’est après le succès de ce show qu’est né le Grup Kiltirel IDP. On s’est dit qu’il fallait une cellule culturelle pour véhiculer la philosophie et l’action sociale du groupe.
Marcel Poinen, l’ami de toujours…
Si je vous dis que nous avons déjà eu une conversation de 9 heures du soir jusqu’à 5 heures du matin. Ki nou kozé ? Une fois, on a décidé de faire le scénario d’un film.
Il sort quand ?
Pa koné (sourire). Pour moi, Marcel Poinen reste l’un des meilleurs mélodistes de Maurice, avec Sarbon, Kayambo, Galé Galé. Tout le monde croit que Galé Galé c’est de moi, mais à chaque fois que je peux, je rectifie. Rendons à César ce qui est à César. C’est Marcel Poinen qui en est l’auteur-compositeur. J’en suis devenu l’interprète parce qu’il y avait des notes qui montaient trop haut pour Marcel.
«Galé Galé» a parfois été un peu lourd à porter ?
Il y avait une émission télé qui s’appelait D’une île à l’autre, en duplex entre Maurice et La Réunion. Dans ces années-là, il n’y avait pas toutes les chaînes satellitaires que l’on voit maintenant. À Maurice, soit vous regardiez la MBC, soit RFO. Donc si quelqu’un passait à la télé dans une émission qui était diffusée sur les deux chaînes...
C’était une star ?
(sourire) C’est comme cela que la chanson m’a collé à la peau. Mari kolé sa. Au départ c’était agaçant. Je n’avais que 22 ans. Je sors de chez moi et mon voisin me dit : «Pa ti koné si pa ou santé koumsa.» Deux pas plus loin, j’entends «hmmm», deux pas plus loin, «hmmm». C’est Gérard Sullivan qui animait cette émission. Je lui avais dit que le groupe ankor pé mars kat pat. Enn mizisien trap mwa kot légliz dir mwa : «Kat pat ki koumsa ?» À la gare, des gens feuilletaient leur journal et me dévisageaient pour voir si c’était bien moi (rires). Ce serait de l’hypocrisie de dire que cela ne fait rien d’être connu. Cela fait du bien. Maintenant Galé Galé est comme un classique.
Si on vous demande de chanter «Galé Galé», vous dites : «Ayo asé» ?
À l’époque j’étais saturé de cette chanson. J’étais frustré qu’on ne me demande pas de chanter autre chose. Cela a changé. Aujourd’hui, je la chante avec un autre état d’esprit. Je suis pour la conservation de l’authenticité d’un morceau. Je n’aime pas trop les remix.
Que répondez-vous à quelqu’un qui souhaite reprendre l’une de vos chansons ?
Je me suis déjà posé la question. Je lui demanderais s’il ne préfère pas que je lui écrive une chanson. S’il insiste, peut-être que je fixerais certaines conditions. Je demanderais un droit de regard, mais personne ne m’a approché pour le moment. Par contre, il n’y a aucun problème si c’est pour reprendre un inédit.
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