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Ramesh Caussy : «On entre dans une ère plus critique de la technologie»
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Ramesh Caussy : «On entre dans une ère plus critique de la technologie»
Quelle est la place de la technologie dans nos sociétés ? Le chercheur français d’origine mauricienne, Ramesh Caussy, fondateur de Partnering Robotics, partage les réflexions sur l’éthique qui animent ses travaux de recherche et d’inventions de robots à usage industriel et domestique.
Comment conjugue-t-on la réflexion sur l’éthique et la technologie quand on est chercheur-inventeur ?
Pour beaucoup, le robot relève du fantasme de science-fiction. Il faut cependant en sortir; passer de Star Wars à la réalité. Au fur et à mesure qu’on entre dans le réel, on veut comprendre ce que l’on fait. Plus nous créons des objets robotisés, plus nous remarquons que des gens manifestent un certain malaise par rapport à ces robots.
On a fait entrer de nouvelles technologies dans la vie des gens sans leur avoir demandé la permission. Nous créons des addictions par le fait d’avoir, à un moment donné, voulu leur faciliter la vie.
Nous, inventeurs, devons assumer la responsabilité de ce que nous induisons chez les gens. L’innovation technologique apporte du progrès à nos sociétés. Cependant, c’est une erreur de vouloir aller trop vite avec le progrès technologique ; de diffuser tout azimut des nouvelles technologies sans avoir validé leur acceptabilité dans les usages qu’en font la société et le citoyen.
Comment valide-t-on ce concept d’acceptabilité ?
On est dans un registre où nous devons distribuer de l’information sur ce que nous faisons, mieux la verbaliser pour que les gens puissent se l’approprier à leur rythme. L’inventeur a, en ce sens, un rôle nécessaire de diffusion et de simplification de l’information. Tout le monde ne va pas à la même vitesse à l’ère du cognitif. Et pourtant, il faut penser à tout le monde. Et composer avec.
Où se situe l’inventeur que vous êtes par rapport aux débats actuels sur la nécessité pour les chercheurs en robotique de s’imposer une éthique ?
En créant Partnering Robotics, il y a dix ans, j’étais animé du désir de créer quelque chose d’utile à la société et à la planète terre. Des objets qui contribueraient au bien-être, qui créeraient des emplois. C’est ainsi que nous nous sommes fixés des limites à ne pas franchir. Qui a envie d’être inutile à l’ère du cognitif ? Personne.
C’est à chacun de prendre ses responsabilités. C’est à chacun de s’intéresser et d’être responsable à la place où il se trouve. Fondamentalement, lorsqu’on réfléchit, on se rend compte qu’on vit dans un monde où l’innovation devient disruptive. Nous allons de disruption en disruption... Il est urgent de s’assurer que la prochaine disruption ne soit pas celle de l’homme tout simplement.
Craignez-vous l’avènement d’une disruption créée par l’homme ?
On entre maintenant dans une ère beaucoup plus critique de la technologie. On se rend compte qu’avec ces nouvelles technologies, l’Homo Sapiens, l’homme, est en train de devenir le prochain créateur. C’est ainsi qu’on va parler de l’homme augmenté, de changement d’espèces. On se demande si l’Homo Sapiens va résister à ces ascensions technologiques ?
On a fait entrer de nouvelles technologies dans la vie des gens sans leur avoir demandé la permission.
Ou s’il va se transformer et passer à autre chose ? Tout cela ne peut pas se faire sans l’aval des citoyens eux-mêmes. Sachant que le progrès n’attend personne, il est du devoir de chacun de s’intéresser aux nouvelles sources de progrès et à leur impact. Si ces impacts sont mal maîtrisés, ils peuvent devenir des sources d’inconfort, de désagrément et de destruction économique. Chacun a le devoir de préserver son humanité. C’est à nous de nous défendre pour exprimer notre souhait de rester humains avec nos qualités, nos défauts, de ne pas en faire des imperfections que la machine aura l’obligation de compenser.
Cette règle d’éthique que vous vous imposez peut-elle régler la problématique de concurrence entre l’homme et la machine ?
Il n’est pas possible pour l’homme de se mesurer à la machine dans le domaine du calcul, tant les possibilités que permettent les technologies dépassent celles de l’humain. On ne peut non plus rivaliser avec la machine sur le plan du traitement de l’information. Pour autant, l’homme doit renoncer à sa quête de maximisation de la performance dans tous les domaines. Il est de notre devoir de cultiver notre humilité et nos faiblesses afin de préserver la vie. La technologie, pour sa part, fait partie de la société et de la vie, mais elle n’est pas la vie. Nous restons avant tout des êtres d’émotion et d’interaction. L’humanité s’est développée par un processus tribal, en créant entre les hommes des mécanismes collectifs de confiance. Il faut tout faire pour préserver ces mécanismes de confiance. C’est pour cette raison qu’il est plus que nécessaire de s’assurer que la technologie soit vertueuse, pas une arme de destruction massive de notre humanité profonde. L’économie numérique et les technologies cognitives doivent être au service des citoyens et des hommes.
Il est urgent de s’assurer que la prochaine disruption ne soit pas celle de l’homme tout simplement.
Quel devrait être la place de la technologie numérique et cognitive d’un pays comme Maurice ?
Il ne faut pas qu’on soit simplement un bout de terre dans l’océan Indien. Dans ce 21e siècle, on devrait rester un endroit où il fait bon vivre, un endroit où il fait bon penser, un endroit qui reste un centre de connaissance et d’innovation. Je suis vraiment très heureux à l’idée d’avoir une contribution modeste à faire sur ce plan.
Il ne faut pas que Maurice soit «disruptée» dans son modèle économique qui, somme toute, reste fragile et qui a besoin de nouvelles opportunités. On n’est pas dans un exercice de sprint. On est dans un exercice de construction et de réflexion. Les jeunes ont envie de faire partie de ce monde digital et cognitif. Ils sont l’avenir de ce pays. Il faut leur donner de quoi se former, de quoi nourrir leur curiosité pour qu’ils puissent eux aussi à leur tour, être des contributeurs actifs.
Il est de notre devoir de cultiver notre humilité et nos faiblesses afin de préserver la vie.
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