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Musée de l’esclavage: briser les chaînes des tergiversations

6 février 2017, 18:30

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Musée de l’esclavage: briser les chaînes des tergiversations

Piqûre de rappel pour le projet du musée de l’esclavage. C’était le 1er février dernier, jour de la commémoration du 182e anniversaire de l’abolition de l’esclavage. Pendant ce temps, les universitaires poursuivent les consultations sur le terrain pour qu’un éventuel musée corresponde aux aspirations de la population.

Université de Maurice

Valoriser la recherche en publiant des travaux d’étudiants

«Ne faites pas des recherches seulement pour avoir un diplôme à la fin de l’année. Faites des recherches qui contribuent à mieux connaître l’histoire du pays.» Vibrant appel d’Annelise Levasseur-Elizabeth, lors de la commémoration annuelle de l’abolition de l’esclavage, à l’université de Maurice (UoM), organisée par le Centre for Research on Slavery and Indenture (CRSI).

C’était l’occasion d’inaugurer une nouvelle série de publications, celle des travaux d’étudiants (student monograph). Première publication : Maritime maroonage in Isle de France, d’Annelise Levasseur-Elizabeth. Il s’agit d’une version modifiée de sa dissertation, pour le BA (Hons) History with Social Studies en 2008.

«Je n’aurais jamais imaginé que ma dissertation serait publiée», confie l’ancienne étudiante en histoire, aujourd’hui Coordinator chez SOS Village. Elle se souvient qu’il lui a fallu, pour cela, «beaucoup de patience et d’envie. L’envie d’apprendre ce qui s’est passé pendant la période française». Il lui a fallu de nombreux allers-retours aux Archives nationales, pour consulter des documents à «l’écriture vraiment compliquée à déchiffrer. Ce n’est pas facile de voir les punitions vraiment dures infligées aux marrons quand ils étaient rattrapés. Parfois, j’étais vraiment en colère en lisant tout cela».

Marronnage maritime

Vijaya Teelock, Coordinator du CRSI, explique en préface de la publication qu’ «Annelise Levasseur has brought to the public eye, a little known history of maritime marroons». Ces marrons en quête de liberté non pas dans les forêts et montagnes de l’île, mais sur l’océan.

Annelise Levasseur-Elizabeth a recensé neuf cas de marronnage maritime durant la période française. Elle cite par exemple les noms de ceux capturés dans la région du port entre 1773 à 1775. Tout en dressant un profil de ces marrons - majoritairement des hommes adultes - elle écrit que certains ont été forcés au marronnage.

Soit les candidats au départ volent des embarcations, soit ils se font passer pour libres et embarquent clandestinement à bord des navires en partance. «Maritime marroonage probablydid not emerge out of mistreatment or cruelty (…) An explanation can be found in quest for freedom», écrit-elle.

Benigna Zimba, Associate Professor, Eduardo Mondlane University, Mozambique

«Pour le musée de l’esclavage, tout dépend du gouvernement»

La chercheuse étroitement associée au projet de musée de l’esclavage, pour les besoins de la Commission Justice et Vérité, sillonne Maurice cette semaine pour montrer son film documentaire de 45 minutes. Un «Work in progress» qui retrace les routes de l’esclavage entre Maurice, le Mozambique, la Tanzanie et le Kenya.

Vous avez écrit le concept de musée de l’esclavage en 2011. Il figure dans le rapport de la Commission Justice et Vérité, avec une estimation des coûts. Aujourd’hui, quelle est votre implication dans ce projet ?
C’est au gouvernement de Maurice de prendre des décisions. On a déjà beaucoup travaillé. Un endroit pour abriter le musée, l’ancien hôpital militaire, a été identifié. Toutes ces choses dépendent du gouvernement.

Vous montrez des répliques de chaînes d’esclaves. À Maurice, un appel national pour des artefacts n’a rien donné. Où avez-vous trouvé ces vestiges?
Il y en a au Mozambique, en Tanzanie, au Zanzibar et au Kenya. Au Mozambique, le gouvernement n’a pas donné beaucoup d’attention à l’esclavage, c’est plus au Kenya. Là-bas, il y a déjà un musée. À Maurice, j’espère que l’on va continuer avec le musée intercontinental de l’esclavage. J’espère qu’on va y mettre non seulement des répliques, mais beaucoup de choses réelles.

Vous racontez sans complexe la part de l’occulte dans l’histoire de l’esclavage. Est-ce important de l’assumer ?
Il y a ce que l’on peut voir, comme les routes de la traite négrière, les bateaux, les cimetières, les dépôts et les prisons. Mais il y a aussi des choses très difficiles à percevoir. Des choses connectées à la tradition africaine. C’est à nous de faire un bout de chemin vers la tradition parce qu’elle est bien réelle.

Par exemple, vous ne pouvez pas entrer dans les cimetières d’esclaves, sans l’autorisation du chef du village. Dans certains cas, cela m’a pris deux ans. Il y a la clé des cimetières. Ce n’est pas une clé physique, mais c’est une personne qui est la gardienne des lieux. J’ai perdu des images avant de faire ce film documentaire parce qu’ils avaient dit oui à ma présence, mais non aux photos (sourire). C’est ça la réalité de l’Afrique. C’est à nous d’écrire les traditions d’Afrique parce qu’elles sont riches.

Ils ont dit …

Pravind Jugnauth, Premier ministre : «J’ai donné des instructions au ministre Pradeep Roopun. Je lui ai dit que l’un des dossiers prioritaires, c’est de faire du projet de Musée de l’esclavage une réalité. Sak lané nou la, nou fer diskour apré nou alé. Nous disons aux jeunes qu’il faut connaître l’histoire du pays. Nous devons aussi montrer aux générations à venir, un musée qui raconte l’histoire du pays et les atrocités du passé, tout en prenant conscience des valeurs que les ancêtres nous ont léguées.»

Prithviraj Roopun, ministre des Arts et de la culture : «À côté de l’accès qui mène à la montagne du Morne, il y a deux arpents de terrain à la disposition du Morne Heritage Trust Fund, où nous avons l’intention d’aménager un musée en plein air. Il y aura aussi un village pour montrer comment vivaient les esclaves. Ces développements doivent se faire avec les habitants de la région.Vis-à-vis du centre communautaire du Morne, le ministère des Terres et du logement a mis à notre disposition un terrain de cinq arpents. J’ai l’intention de discuter avec le ministère des Finances pour déterminer quels développements sont possibles sur ce site. Nous pensons, entre autres, à un musée du marronnage, un centre d’interprétation, un craft market et une école de ravanne.»

* Déclarations prononcées le 1er février, lors des commémorations au Morne.