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Accords commerciaux: Maurice reste confiante malgré le protectionnisme raisonné de Trump

10 février 2017, 17:56

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Accords commerciaux: Maurice reste confiante malgré le protectionnisme raisonné de Trump

À peine nommé que le nouveau président américain, Donald Trump, applique déjà des mesures pour privilégier un protectionnisme raisonné. Objectif : protéger l’industrie américaine par des droits de douane relevés et s’assurer que les traités commerciaux signés sont strictement réciproques. Dans le collimateur, des pays émergents d’Asie du Sud-Est, d’Amérique latine et d’Afrique subsaharienne, dont Maurice.

En fait, le président milliardaire pourrait demander aux pays africains bénéficiaires de l’accord préférentiel commercial African Growth and Opportunity Act (AGOA) la réciprocité commerciale. L’ambassadeur Herman Cohen, ancien secrétaire d’État adjoint aux Affaires africaines sous l’administration Bush père et actuellement P.-D.G. De Cohen & Woods, soutient que cette démarche vise à aider les entreprises américaines à pénétrer les marchés africains en bénéficiant des mêmes concessions fiscales que celles des pays nouvellement industrialisés.

Yogesh Singh, entrepreneur mauricien d’origine indienne, propriétaire d’Explast et président de la Mauritius Exports Association, écarte cette menace. L’AGOA, ditil, a été renégocié en 2015 pour une durée de 10 ans, soit jusqu’à 2025. «C’est une loi qui ne peut changer à travers un décret. Si Trump souhaite le faire en faisant provision pour une réciprocité commerciale, il doit forcément attendre 2025.»

Une analyse que partage Sunil Boodhoo, directeur de l’International Trade Policy au ministère des Affaires étrangères. Il précise toutefois que l’AGOA avait déjà atteint ses limites et que 2025 devrait être la période butoir de l’extension de cette loi commerciale. Celle-ci permet aux entreprises africaines d’exporter sans quota et sans droit de douane des produits textiles et non textiles sur le marché américain.

Le spécialiste du commerce international n’est pas choqué outre mesure que Donald Trump ait décidé de privilégier la réciprocité commerciale dans les accords de libre-échange avec ses partenaires. Toute sa stratégie de politique commerciale développée durant sa campagne électorale visait d’abord, dit-il, à «détricoter» toute la dynamique du commerce mondial, avec une dénonciation d’engagements et de traités commerciaux, une hausse des droits de douane surtout avec la Chine et une défiance à l’égard du Mexique. En clair, il privilégie les relations bilatérales au détriment des échanges multilatéraux.

Du reste, une fois intronisé, le magnat de l’immobilier a commencé à mettre à exécution sa politique commerciale en multipliant les décrets. Notamment l’accord de partenariat transpacifique, un traité multilatéral de libreéchange signé en février 2016 portant sur l’intégration des économies des régions Asie- Pacifique et celles d’Amérique et qui n’est pas encore opérationnel. Également dans le viseur de Donald Trump, l’Accord de libre-échange nord-américain.

«En mettant fin à la participation des États-Unis au traité de libre-échange transpacifique, Donald Trump a inconsciemment enlevé certains compétiteurs directs de Maurice sur le marché américain. Je pense particulièrement au Vietnam et à la Malaisie qui sont de gros exportateurs de textile», insiste Yogesh Singh. Et d’ajouter que ce traité, négocié par l’ex-président Obama, était vu comme un contrepoids à l’influence grandissante de la Chine avec 12 pays d’Asie- Pacifique représentant 40 % de l’économie mondiale.

Accord de libre-échange

Faut-il craindre la réciprocité comme une exigence aux accords de libre-échange telle que proposée par la nouvelle administration Trump ? Non, explique Sunil Boodhoo, affirmant que Maurice n’a aucune inquiétude à se faire si demain les États-Unis cherchaient à conclure un accord semblable avec le pays. «Il n’y a pas lieu d’avoir des appréhensions. Je persiste à croire qu’un accord de libre-échange entre ces deux pays sera à l’avantage de Maurice, même s’il y aura à appliquer des clauses de réciprocité au niveau des échanges commerciaux.»

Pour cause, les produits importés à Maurice, et ce à plus de 92 %, jouissent d’exemptions douanières. Azad Jeetun, économiste, rappelle que depuis les dix dernières années, les droits de douane ont été réduits comme une peau de chagrin pour se conformer aux exigences de l’Organisation mondiale du commerce et d’autres institutions financières internationales. Du coup, il soutient que dans le cadre d’un éventuel accord de libre-échange avec les États-Unis, Maurice ne souffrira pas de baisse drastique des recettes fiscales.

D’ailleurs, cela fait des années, explique l’ex-directeur de la Mauritius Employers’ Federation, que les droits de douane contribuent marginalement aux recettes fiscales du pays. L’estimation pour l’année fiscale allant de juillet 2016 à juin 2017 indique que sur des recettes totalisant Rs 85 milliards, c’est la taxe sur la valeur ajoutée qui rapporte gros à la caisse de la Mauritius Revenue Authority, soit près de Rs 55 milliards. En revanche, les droits de douane sont financièrement insignifiants, à savoir Rs 1,1 milliard ou 0,01 % de la totalité des revenus fiscaux.

Reste l’ouverture du marché domestique aux produits de l’Oncle Sam. Jacques Li Wan Po, directeur du groupe qui porte son nom, ne cache pas que 2017 sera une année de grands défis pour les opérateurs économiques. La libéralisation du commerce mondial fait qu’aujourd’hui il n’existe aucune barrière tarifaire pour protéger les entreprises mauriciennes. «L’accession de Donald Trump à la Maison-Blanche donnera une nouvelle orientation à la politique commerciale américaine. Ce ne sera pas sans répercussion pour les opérateurs économiques appelés à faire du business d’une autre manière.»

Quoi qu’il en soit, la nouvelle orientation économique et commerciale de Trump constitue à la fois une source d’inquiétude pour certains et un terrain d’opportunités pour d’autres.