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Chand Bhadain: «Une dette de Rs 4 milliards pour une banque de la taille de la DBM était disproportionnée»

6 mars 2017, 08:18

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Chand Bhadain: «Une dette de Rs 4 milliards pour une banque de la taille de la DBM était disproportionnée»

 

Un peu plus d’un mois après sa démission comme président à mi-temps du conseil d’administration de la Banque de développement, Chand Bhadain décide de s’expliquer. Il évoque la situation de cette institution avant et après son départ.

Qu’est-ce qui a précipité votre démission de la Banque de développement (DBM) fin janvier alors que votre retrait devait avoir lieu soit en décembre 2016 soit en février 2017 comme vous l’aviez annoncé lors d’une sortie à St-Pierre en septembre 2016 ?

La démission de Roshi Bhadain de son poste de ministre de la Bonne gouvernance a tout déclenché.

Vous a-t-on fait comprendre qu’étant le père de l’ex-ministre de la Bonne gouvernance, vous n’aviez plus votre place comme président du conseil d’administration de la DBM ?

Ce n’est pas ainsi que les choses se sont passées. On m’a fait parvenir un message par un intermédiaire. Il contenait les conditions devant me permettre de continuer à assumer le rôle de président à mi-temps du conseil d’administration de la DBM. Je devais prendre l’engagement de n’assister à aucune manifestation politique que Roshi Bhadain devait organiser, ce qui implique également ma non-participation au lancement de son parti politique.

Bref, on me demande de renier la politique de Roshi Bhadain. C’est un pas que ma liberté de citoyen m’a empêché de franchir. Et pourtant, lorsque je suis entré à la banque, j’ai clairement indiqué que c’est la reconnaissance de ma compétence qui a amené Vishnu Lutchmeenaraidoo, alors ministre des Finances, à me nommer à la tête de la DBM. J’ai trouvé inacceptable qu’on se soit permis de me traiter comme un activiste politique. Le lendemain de la proposition, j’ai présenté ma démission. C’était le 31 janvier 2017.

Peut-on connaître l’identité de la personnalité que vous ne citez pas ?

Je préfère ne pas en dire plus sur cet aspect des choses et garder le nom de la personne en sourdine. Je laisse le soin à vos lecteurs de faire leur analyse et de tirer leur propre conclusion.

Quelle était la situation de la DBM au moment où vous y avez été nommé ?

La situation de la DBM était lamentable. Ses dettes s’élevaient à Rs 4 milliards. Le montant de dettes contractées auprès des institutions financières du pays se chiffrait à Rs 3 milliards. Les dettes auprès du gouvernement étaient de Rs 1 milliard. Une dette de Rs 4 milliards pour une banque de la taille de la DBM, c’était disproportionné.

La gestion des bâtiments industriels appartenant à la banque laissait à désirer. Il n’y avait aucun suivi des cas de locataires avec des arriérés énormes. Le montant de loyer impayé était de Rs 120 millions. La période durant laquelle ces arriérés n’avaient pas été réclamés oscillait entre cinq et 20 ans. Le niveau d’entretien de ces sites industriels souffrait d’attention.

Le site qui se trouvait dans la pire situation était celui de Plaine-Lauzun qui date des années 60. Ce site n’a fait l’objet d’aucun programme de rénovation. Les routes qui s’y trouvent étaient dans un état impraticable. Le montant de créances douteuses était de Rs 3 milliards. Il n’y avait presque pas de suivi de dossiers des clients qui ont contracté un emprunt auprès de la DBM.

Ce qui est pire, c’est le cas de personnes qui ont encaissé l’argent de la banque sous prétexte que cet argent allait être utilisé pour la réalisation de projets spécifiques. Mais c’était loin d’être le cas. C’est ainsi que la banque a perdu beaucoup d’argent en raison de l’absence d’une procédure de suivi qui inclut un programme de visite sur place pour vérifier si tout se passait comme prévu.

Quel était l’état d’esprit du personnel quand vous êtes venu ?

Le moral de la majorité des employés était au plus bas. Ils étaient démotivés, désespérés en raison des rumeurs de fermeture éventuelle de l’institution. Le gouvernement a confié au nouveau conseil d’administration le soin de prendre les décisions qui s’imposaient. Il y avait un personnel surnuméraire. Par exemple, on comptait une vingtaine de réceptionnistes ou une cinquantaine de Clerks.

Quelles ont été les mesures du nouveau conseil d’administration pour redynamiser les activités de la DBM ?

Trois comités présidés par des membres du conseil d’administration ont été créés. Le premier se chargeait du suivi des prêts impayés. Le deuxième était responsable de l’analyse des demandes pour la réduction partielle des obligations de créance. Le troisième comité avait pour rôle de gérer les dépenses et les achats de l’institution. Il y a eu également un comité chargé d’approuver les projets.

Chaque président de ces comités devait soumettre un rapport au conseil d’administration qui assurait un suivi rigoureux des mesures mises en place. C’est dans de telles conditions que nous sommes parvenus à réduire le montant des dettes de la DBM.

Avant la mise en place du comité chargé d’examiner les demandes de réduction ou d’abandon de dettes, comment cela se passait à la DBM ?

L’examen de telles demandes se faisait selon un système très préjudiciable à l’intérêt de la DBM. Il y avait des pratiques qui étonnent. Il y a eu des cas où des réductions de dette de 50 à 75 % ont été approuvées sans aucune explication ni justification. Aussi étonnant que celui puisse paraître, la liste des non-payeurs incluait des membres du conseil d’administration datant d’avant décembre 2014, dont des ministres de l’ancien régime.

Qu’a fait le conseil d’administration pour que la DBM recouvre son dû ?

La mission du comité chargé du suivi des prêts impayés était de contacter ces débiteurs pour s’acquitter de leur dette sous peine d’être poursuivis devant une cour de justice.

Quels ont été les résultats ?

Les Rs 4 milliards de dettes ont été réduites à seulement Rs 400 millions après 23 mois de l’installation du nouveau conseil d’administration. Cela m’autorise à affirmer que, sur la base de la réduction de ces dettes, la DBM peut continuer son chemin avec sérénité pendant les trois prochaines années. Des signes encourageants ont été notés dans le dernier bilan financier. Des bénéfices opérationnels de Rs 6 millions ont été enregistrés.

Plusieurs débiteurs ont été poursuivis. Le cas le plus médiatisé est celui d’un ancien parlementaire ayant occupé un poste ministériel. Depuis 1990, il n’avait pas remboursé ses dettes. Il y avait aussi des gens très respectés du secteur privé. Le fait qu’aucune réclamation n’avait été envisagée donne à penser qu’il se pourrait qu’il y ait eu connivence à la DBM pour fermer les yeux et ne rien faire.

Les deux principales sources de revenus de la DBM sont les intérêts perçus sur les prêts et le loyer de ses bâtiments industriels. Avez-vous envisagé d’avoir d’autres sources de revenus ?

Avec le temps, la DBM a perdu l’image de facteur catalyseur du développement industriel et manufacturier auprès des petits et moyens entrepreneurs dans les années 90. Graduellement, sa clientèle se limitait à des opérateurs de la filière économique traditionnelle tels les planteurs, les propriétaires de taxis, des fabricants de vêtements, des importateurs et des opérateurs engagés dans le commerce de détail.

Il fallait repositionner la DBM sur l’échiquier industriel et manufacturier. Pour y parvenir, le conseil d’administration avait envisagé la mise en place d’un service spécialisé en conception et en montage de projets prêts-à-être-mis à exécution. Nous aurions constitué un répertoire de près de 250 projets. Ce service allait être placé sous la direction d’un consultant. Ce dernier aurait eu également comme responsabilité de conseiller les petits et moyens entrepreneurs par rapport à la sélection et à l’achat des équipements. Ce service aurait permis aux jeunes convaincus de leurs talents d’entrepreneurs de disposer d’un ensemble d’éléments et de facilités susceptibles de les aider à entrer dans des créneaux porteurs.