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Noren Seeburn: «Un business malsain gravite autour des Parent- Teacher Associations»
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Noren Seeburn: «Un business malsain gravite autour des Parent- Teacher Associations»
En mars, on vote dans les écoles : des milliers de parents d’élèves ont à renouveler la direction des Parent- Teacher Associations (PTA). Noren Seeburn en fait partie. Il est aussi avocat. Il lève ici un lièvre qui pourrait bien faire des vagues aux prochaines assemblées générales.
Comment un avocat est-il amené à mettre son nez dans les rouages des associations parents-professeurs ?
L’avocat est aussi papa. Quand ma fille est entrée au collège, elle m’a dit : «Papa, j’aimerais te voir dans la PTA». Il se trouve que son père est obéissant (rire). C’était il y a deux ans. J’ai découvert un univers complètement différent de ce que j’imaginais. C’est comme si un bateau de croisière abandonnait ses passagers sur un quai et repartait avec des marchandises. Ce n’est pas exactement ce qui était prévu.
«J’ai fait ma petite enquête, l’illégalité est la norme.»
Les PTA ne respectent pas leur feuille de route ?
C’est ça, elles ont «débarqué» les élèves. Si on appliquait la loi, la plupart de ces associations seraient dissoutes. Et je ne parle pas seulement de la PTA du collège de ma fille. J’ai fait ma petite enquête, l’illégalité est la norme.
En quoi ?
Ces associations ont totalement dévié de leur mission première qui est d’œuvrer pour le bien-être (il appuie) des élèves. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les textes. Je m’explique.
Aux yeux de la loi, la vocation d’une PTA est double. D’une part, développer une culture de collaboration entre l’école et les familles. D’autre part, promoting the welfare of the pupils. C’est là que le bât blesse. Cette mission a été abandonnée, il n’y a qu’à voir les sommes insignifiantes qui y sont allouées.
«La plus grosse part des budgets sert à réparer des lavabos, repeindre des murs, payer des jardiniers»
Où passe l’argent ?
La plus grosse part des budgets sert à réparer des lavabos, repeindre des murs, payer des jardiniers, des choses qui n’ont rien à voir avec l’épanouissement des élèves. Et ça, c’est illégal. No registered association shall apply its funds except for the furtherance of its objects, précise le Registration of Association Act. C’est non seulement un motif de dissolution mais aussi un délit.
Vous appelez à dissoudre 500 associations de parents d’élèves ?
Non, j’aimerais juste qu’elles sortent de l’illégalité et que les parents se réveillent. Les intérêts de nos enfants sont en jeu. Les gens ne réalisent pas combien ces associations ratissent large.
Le pays compte 220 000 élèves scolarisés au primaire et au collège. Ajoutez leurs parents, vous arrivez à 660 000 personnes, la moitié du pays. Les sommes en jeu, mises bout à bout, sont colossales.
Chaque association a trois sources de revenus : la cotisation des parents, la subvention du ministère de l’Éducation et les levées de fonds. Grosso modo, ça fait un million par école et par an.
Multipliez ça par les cinq ou six cents établissements du pays, on atteint un demi-milliard. Cette manne, évidement, attire les convoitises.
Que voulez-vous dire ?
Un business malsain gravite autour des PTA. Des petits malins essaient de faire leur beurre lor latet zanfan.
«On a Rs 900 000 en poche et on offre des jus de fruits trois fois dans l’année. Voilà pourquoi je dis que nous passons à côté de notre mission.»
Comment ?
Les contracteurs et les suppliers ne sont jamais très loin des comités exécutifs, ils poussent à la dépense. Sachant que les contrats sont alloués sans appel d’offres, les mieux «connectés» réussissent à tirer leur épingle du jeu, ce qui est potentiellement dangereux.
Prenons un cas concret. En 2015, «ma» PTA avait un budget de Rs 930 000. Là-dessus, Rs 700 000 sont parties en travaux de maintenance, achat d’équipements, salaires des cleaners, etc. Les dépenses liées au bien-être des élèves se résument à trois collations.
On a Rs 900 000 en poche et on offre des jus de fruits trois fois dans l’année. Voilà pourquoi je dis que nous passons à côté de notre mission.
«Quant à l’argument qui consiste à dire que rénover un bâtiment participe au bien-être des élèves, il ne tient pas la route non plus puisque l’État a un budget spécifique pour ce genre de travaux.»
C’est au président de votre PTA qu’il faut le dire.
Je l’ai archi-dit : dépensons l’argent comme il doit l’être. La réponse est toujours la même : «Les autres écoles font comme nous.» Mais enfin, ce n’est pas un argument ! Ce n’est pas parce qu’ils sont nombreux à avoir tort qu’ils ont raison, l’erreur ne devient pas souhaitable parce qu’elle se propage.
Quant à l’argument qui consiste à dire que rénover un bâtiment participe au bien-être des élèves, il ne tient pas la route non plus puisque l’État a un budget spécifique pour ce genre de travaux.
«Cela arrange plus de monde de faire repeindre un bâtiment que d’organiser une sortie au musée.»
Donc, si l’on comprend bien, vous dites que l’argent des PTA est détourné. C’est du détournement légal, en somme.
Légal, non. Mais toléré, le plus souvent par méconnaissance de la loi. Une seconde raison est liée aux vested interests dont nous avons parlé. Pour le dire clairement, cela arrange plus de monde de faire repeindre un bâtiment que d’organiser une sortie au musée.
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’en mettant Rs 100 000 de leur poche pour rafraîchir une école, non seulement les parents se substituent à l’État, mais en plus ils l’enrichissent. Parce que c’est lui le propriétaire, c’est son bâtiment qui prend de la valeur. L’élève, lui, n’est qu’un bénéficiaire temporaire. Par contre, un beau voyage à Rodrigues, il s’en souviendra toute sa vie, parce que ce sera peut-être le seul.
Cette notion de bien-être pose aussi la question de la place des loisirs à l’école.
Ils n’ont pas vraiment leur place, on les considère comme superflus. C’est regrettable. D’une part, les élèves ont besoin de souffler. D’autre part, on oublie que les loisirs sont un vecteur d’épanouissement. C’est une opportunité pour se détendre, trouver un espace de liberté, tisser des liens.
Pourquoi ce rejet, selon vous ? L’omniprésence de la valeur du travail freine-t-elle l’investissement dans la sphère des loisirs ?
Peut-être. Pourtant, apprentissage et loisir ne sont pas incompatibles. Partir en randonnée, découvrir un site historique, visiter un musée, c’est l’occasion d’apprendre de nouvelles choses.
Mais tout se passe comme si on ne pouvait rien apprendre en dehors des salles de classe. Le week-end, les parents n’ont pas toujours le temps ou l’énergie et puis, ça coûte cher.
L’école, elle, peut faire des choses. Elle peut monter des spectacles, valoriser des talents. Elle peut allier santé et loisirs, proposer des ateliers de yoga, de zumba. Avec un budget d’un million de roupies, on en fait des choses!
«La plupart des parents pensent qu’ils ont à se plier aux décisions du comité exécutif. En réalité c’est l’inverse : les parents décident, le comité exécutif exécute.»
Ces prochains jours, des milliers de parents d’élèves auront à choisir leurs nouveaux représentants. Qu’avez-vous envie de leur dire ?
Allez dans ces assemblées, faites entendre votre voix. Regardez les comptes, exigez de la transparence au niveau de l’attribution des contrats et surtout, avant d’élire les nouveaux membres, demandez-leur quel est leur programme, leur projet pour l’épanouissement de vos enfants, vous leur rendrez service.
La plupart des parents pensent qu’ils ont à se plier aux décisions du comité exécutif. En réalité c’est l’inverse : les parents décident, le comité exécutif exécute.
Et vous, vous ne craignez pas d’être «exécuté» à la prochaine assemblée générale ?
Non, je pense avoir dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Dire la vérité n’est pas un crime, on n’exécute plus les gens pour ça.
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