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Journée internationale: femmes d’influence, à chacune son parcours

8 mars 2017, 22:30

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Journée internationale: femmes d’influence, à chacune son parcours

Elles se sont frayé un chemin à la tête des entreprises, voire des conseils d’administration. Rena Étienne, Nousrath Bhugeloo, Virginie Koenig et Caroline Rault témoignent de leur parcours en cette Journée internationale de la femme.

Rena Étienne: une ouvrière devenue membre du conseil d’administration

Alpha Group, société spécialisée dans le nettoyage de bureaux, crée la surprise en septembre 2011 quand elle nomme Rena Étienne à son conseil d’administration. Rena occupe à ce moment le poste de Quality Controller après avoir intégré la compagnie au poste de Cleaner.

«Pour nous», souligne Ranjiv Nuckchady, Managing Director d’Alpha Group, «la nomination de Rena au sein du conseil d’administration est tout un symbole. Symbole pour notre société qui, par la nomination de Rena, démontre non seulement l’importance accordée à la femme, mais aussi à ceux qui n’ont pas de formation de base. C’est un moyen pour nous de donner à cette profession ses lettres de noblesse.» 

Vie transformée

Cette nomination a complètement changé la vie de Rena. Elle dispose désormais d’une voiture et bénéficie des avantages associés à son statut. Il lui a fallu du temps pour se familiariser avec ses nouvelles responsabilités.

«Je me suis vu propulser dans une situation où je côtoie les directeurs de la société, j’examine les questions sur son avenir.» Un peu perdue au début, elle dit que les autres membres du conseil ont tout fait pour la mettre à l’aise et pour qu’elle participe pleinement aux travaux du conseil d’administration. 

«Je n’ai pas la grosse tête»

«Maintenant, je sais ce que signifie la responsabilité collective et l’importance de la confidentialité. Et pourtant, je suis restée la même dans ma fonction de Quality Controller. Je n’ai pas la grosse tête», dit-elle. C’est avec fierté qu’elle évoque son parcours atypique.

Elle commence à travailler à l'âge de 11 ans

D’origine rodriguaise, elle est confiée à son grand-père et le suit quand il s’installe à Maurice. En matière de formation, Rena n’a qu’un simple certificat de fin d’études primaires, obtenu à l’école d’Henrietta. Sa situation familiale ne lui permet pas d’envisager de poursuivre des études secondaires.

Dès l’âge de onze ans, elle fait son entrée dans le monde du travail comme main-d’œuvre dans un champ de pistaches avec un salaire de Rs 5 par jour. Paradoxalement, c’est dans cet environnement familial que Rena va acquérir les rudiments indispensables à l’évolution d’un professionnel dans une entreprise spécialisée dans le nettoyage.

La deuxième femme que va épouser le grand-père est une femme d’intérieur. Rena va apprendre à faire le ménage en cherchant la perfection dans l’exécution des tâches qui lui sont allouées. Lorsqu’elle croise la route d’Alpha Cleaning, qui, au même moment, lance pratiquement le service de nettoyage à l’échelle industrielle à Maurice, la voie est toute tracée pour Rena. Après 25 ans de service, elle est récompensée.

Nousrath Bhugeloo: le conseil d’administration est sa profession

En tant que Partner chez ABAX, une management company qui opère dans le secteur offshore, siéger aux  conseils d’administration est plus qu’une simple fonction administrative, c’est le métier de Nousrath Bhugeloo. Les compagnies qui font appel à ses services sont des sociétés subsidiaires d’ABAX et des sociétés du global business domiciliées à Maurice, dont l’administration est assurée par ABAX. Il faut ajouter à cette liste le conseil d’administration d’Africa 2.0, une association regroupant les leaders en Afrique. 

Nousrath Bhugeloo a été formée au métier de secrétaire de compagnie par l’Institute of Chartered Secretaries and Administrators, à l’université de Maurice. Une voie qui l’a conduite à ABAX après avoir occupé ces responsabilités dans des bureaux de comptables et des compagnies offshore.

Sens aigu des affaires

«Je dois mes nominations à mon sens aigu des affaires», dit-elle. «Je suis une passionnée et j’en fais la démonstration dans tout ce que je fais, y compris dans mon travail. J’imagine que c’est un aspect de ma personnalité qui ne passe pas inaperçu. Mes nombreux déplacements à l’étranger et la profession que j’exerce ont contribué énormément à faire de moi ce que je suis devenue sur le plan professionnel. Quant à ABAX, elle a créé les conditions optimales pour que je puisse m’épanouir. J’ai eu la chance d’avoir comme Chief Executive Officer, Richard Arlove. C’est un leader-né. Il m’a donné l’encadrement qui m’a permis d’aller au bout de mes capacités.»

Sens de l'écoute

Nousrath Bhugeloo se souvient de son premier conseil d’administration comme si c’était hier. «La joie d’avoir été nommée pour siéger à un conseil d’administration était plus forte que la peur de cette responsabilité. Puis, les choses se sont stabilisées. On y apprend à développer son sens de l’écoute et sa capacité à comprendre exactement ce que l’on attend de vous. Votre souci principal consiste à développer votre instinct, d’ajouter de la valeur à l’activité dans laquelle vous êtes engagée». 

Nousrath Bhugeloo est catégorique: «Seule la capacité à ajouter de la valeur devrait justifier l’accès à un conseil d’administration». Elle estime que la présence de femmes aux conseils d’administration est une nécessité.

«Les femmes ont tendance à privilégier la recherche de voies alternatives et des idées innovantes et innovatrices»

«Leur présence permet de dégager une perspective différente des choses. Les femmes ont tendance à privilégier la recherche de voies alternatives et des idées innovantes et innovatrices, plutôt que de prendre des risques que l’on peut éviter. Une posture susceptible de déboucher sur la prise de décisions judicieuses. Plus de 50 % de la population est composée de la gent féminine. C’est une évidence que l’on devrait les impliquer davantage dans tous les processus de prises de décision.»

La culture sociale et la société patriarcale comme obstacles

Nousrath Bhugeloo admet l’existence à Maurice d’obstacles qui empêchent la femme d’accéder aux conseils d’administration. Ce sont, entre autres, la culture sociale et la société patriarcale dans lesquelles la femme est élevée, son manque de confiance et un manque de mentor pour l’aider à gravir les échelons.

Elle estime toutefois que la situation n’est pas irréversible. «Il nous faut développer une culture d’entreprise qui incite la femme à migrer de l’encadrement intermédiaire vers un niveau supérieur de l’administration. Il devrait y avoir plus de conseillers expérimentés capables d’accompagner les femmes à gravir les échelons de l’administration d’une société».

Caroline Rault: d’ingénieur à General Manager

Caroline Rault a été nommée au poste de General Manager de Maurilait, filiale du groupe Eclosia, en janvier 2017. Prendre de telles responsabilités dans un environnement professionnel dominé par les hommes ne lui fait pas peur.

Pour elle, la présence de la femme au sein du conseil d’administration devrait s’inscrire dans le cours normal du parcours de toute femme professionnelle. «Ce qui m’importe, ce sont les compétences, le travail et les résultats qui sont reconnus, quel que soit le genre», dit-elle d’emblée. Et d’ajouter qu’une femme doit avoir confiance en elle et travailler au développement de ses compétences et de son leadership.

Capacités dans le domaine de la communication et de l’organisation

Diplômée d’ingénieur agro-alimentaire de l’ENITIA à Nantes et détentrice d’un MBA, Caroline Rault pense qu’aujourd’hui ce sont bien les compétences et les capacités qui prévalent sur tout autre aspect.

«Les qualités que j’observe chez les femmes professionnelles touchent souvent à une intelligence émotionnelle développée et des capacités dans le domaine de la communication et de l’organisation. Ces qualités sont en grande demande. Les femmes professionnelles doivent en mesurer la pertinence et en tirer profit.» 

Pas de souvenir de rejet ou de remarques sexistes

Comment se présentent les relations avec ses collègues masculins lors des réunions du conseil d’administration ? Elle confie qu’elle s’est trouvée dans des situations qu’elle qualifie d’amusantes où «ne sachant quelle était ma fonction, on m’a demandé si j’étais la secrétaire ou si je pouvais prendre les notes du déroulement des réunions».Toutefois, elle dit ne pas avoir souvenir de cas de rejet ou de remarques sexistes. 

Caroline Rault observe que de plus en plus de femmes accèdent à des postes de responsabilité et sont plus présentes au sein des conseils d’administration. Cela, à son avis, va dans le sens d’une plus grande diversité et contribue à des échanges plus riches. 

Se faire aider par un mentor, par son conjoint et sa famille, une nécessité

Pour Caroline Rault, une femme qui souhaite occuper un poste à responsabilité devrait accepter l’idée qu’elle doit se faire aider par un mentor, par son conjoint et sa famille. «Elle doit repousser l’idée qu’elle peut tout faire toute seule en espérant que la perfection serait au rendez-vous dans tous les domaines.» 

Caroline Rault ne croit pas que les barrières courantes qui empêchent les femmes de gravir les échelons de la hiérarchie administrative puissent constituer des obstacles infranchissables. «Pour y parvenir, la femme qui le désire doit avoir confiance en elle. Elle ne doit s’engager dans un projet dans la posture d’une perdante. Elle doit développer ses compétences.»

Virginie Koenig: architecte de sa destinée 

Intégrer une structure traditionnelle ? Impossible pour Virginie Koenig, qui a choisi la voie de la création d’entreprise. À 24 ans, elle crée sa propre structure et, depuis, a imposé sa marque dans le secteur du design et de l’architecture d’intérieur à Maurice.

Dynamique, passionnée et méticuleuse, l’architecte d’intérieur et fondatrice de la société ID/VK Design est une jeune femme de 43 ans qui roule à cent à l’heure. Elle a gracieusement pu s’arrêter et nous consacrer quelques minutes pour nous parler de son parcours.

Le 26 janvier 1998, date mémorable

Après des études d'Interior design en Angleterre, elle rentre au pays et travaille pendant deux ans pour Maurice Design Ltd, «la seule compagnie de design à l’époque», nous dit-elle. Ayant acquis l’expérience qu’elle voulait, le 26 janvier 1998, date mémorable, elle crée sa propre entreprise : ID/VK Design Ltd.

«Au début, nous n’étions que trois employés. Aujourd’hui, nous sommes seize», raconte-t-elle avec fierté. Une fierté tout à fait légitime lorsqu’elle évoque tous les prestigieux projets sur lesquels elle a travaillés, dont la rénovation du Château du Réduit ou encore celui de l’hôtel Zilwa Attitude qui a remporté le prix du Best African Resort. 

Des projets dans l'océan Indien

Son expérience, sa créativité et son ingéniosité sont d’ailleurs reconnues dans la région. «Nous avons aussi travaillé sur plusieurs projets hôteliers aux Maldives, aux Seychelles, à l’île de La Réunion et à Rodrigues», explique-t-elle. ID/VK Design roule à pleine vitesse à l’image de sa directrice. L’entreprise travaille sur plusieurs projets en ce moment dont la PwC Tower, la rénovation de l’hôtel La Pirogue ou encore celui du Hilton de l’île de La Réunion. 

Si la vitesse fait partie de son quotidien, Virginie Koenig ne laisse jamais place au dérapage. Elle a l’œil à tout. Cette passionnée d’architecture intérieur se décrit comme une véritable «maniaque du détail». Minutieuse de nature, elle aime avoir un regard sur tout : les matières, les couleurs etc. Les choses bien rangées … 

«Le nombre de femmes chefs d’entreprise a doublé»

Faisant un constat de la progression du nombre de femmes chefs d’entreprise, Virginie soutient que la situation a beaucoup évolué depuis ses débuts en 1995. Fort heureusement, dit-elle, le nombre de femmes entrepreneuses sont en progression à Maurice.

«Le nombre de femmes chefs d’entreprise a doublé, surtout au niveau des petites et moyennes entreprises», avance-t-elle. Parlant de son expérience dans un milieu qui était encore très masculin à ses débuts, Virginie Koenig dit ne pas avoir eu de difficultés à se faire respecter en tant que femme.

Concilier vie familiale et vie professionnelle, un challenge

Le plus difficile pour elle a été de concilier sa vie de famille et sa vie professionnelle. C’est d’ailleurs l’un des plus gros challenges encore aujourd’hui pour les femmes chefs d’entreprise.

Pour cela, l’idéal, dit-elle, est d’avoir un partenaire compréhensif qui sait prendre la relève auprès des enfants. D’autres solutions, selon Virginie Koenig, seraient l’aménagement de crèches au sein d’entreprises ou encore l’introduction du flexitime.