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Port-Louis: Christabelle et l’autoroute de la mendicité

26 mars 2017, 22:00

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Port-Louis: Christabelle et l’autoroute de la mendicité

Ils sont de plus en plus nombreux. Ceux, qui, pour quelques sous, mettent leur vie en péril. Aux heures de pointe, matin, midi et soir, les mains tendues, ils demandent un peu d’argent aux automobilistes. Et, derrière ces visages marqués, se cachent des histoires. Celle qui suit, c’est celle de Christabelle.

Port-Louis, midi. Entre les voitures, les bus, les camions, une frêle silhouette. Celle de Christabelle. Sur son dos légèrement voûté, un pull blanc à pois boueux, trop grand pour elle. Son jogging bleu lui permet sans doute de courir après les véhicules. C’est que la femme de 24 ans, à qui on donnerait facilement le double de son jeune âge, mendie au quotidien. Pour pouvoir manger chaque jour. 

Le sourire est timide, la langue pâteuse, le regard hagard. Est-elle sous l’influence de quelque substance prohibée ? De médicaments? De l’alcool? Non, assuret-elle. Sa main a disparu dans un sac en plastique, qui cache un sac banane. Christabelle accepterait volontiers un min bwi, alors que l’heure du déjeuner approche. À ses côtés, Ganessen, son compagnon d’infortune, qui trace lui aussi son chemin, au beau milieu de l’autoroute. «Mo pa gagn létan kozé la, bizin al rod ti kass pou manzé. Koz ek Christabelle.» 

Elle s’exprime difficilement, bégaie quand elle parvient à trouver ses mots. Est-ce en partie pour cela qu’elle n’arrive pas trouver du travail ? «Mo ti pé vann légim avan, mé banla inn ampesé aster. Ti pé al asté sa dan lavant.» Depuis un mois et demi environ, elle s’est rabattue sur la mendicité. Des frères, des sœurs, des proches, elle n’en a pas, confie-t-elle. «Mama ek papa inn mor.» 

Depuis, elle est SDF. Son lit : un morceau de carton, «anba sa gro pié-la, kot larad par laba». Pourtant, elle n’a pas toujours dormi à la belle étoile, le bitume n’a pas toujours été son meilleur ami. Le malheur, si. 

Christabelle a tout de même connu le bonheur. Brièvement. Elle a rencontré celui qui allait devenir son époux quand elle avait 15 ans. Mais son calvaire a duré plusieurs années. «Monn kit li akoz li ti pé tro bwar.» À une vie enchaînée, elle a préféré la liberté, quitte à devoir «tal lamé». 

Depuis, elle bénit les embouteillages. Qui lui permettent d’aller toquer à la vitre des potentiels généreux donateurs. Et ils seraient nombreux, assure Christabelle. «Ena pouss mwa mé éna dimounn doné.» Ainsi, il y a des jours, en fin de mois surtout, elle arrive à récolter Rs 300 ou Rs 400. Parfois, il faut se contenter de bien peu. 

A-t-on déjà essayé de lui arracher son sac banane ? A-t-elle déjà été agressée ? «Pa ankor.» De toute façon, l’argent ne reste jamais bien longtemps entre ses mains. «Kouma gagné, nou al asté manzé ou bien enn ti linz.» 

L’avenir? Elle ne le voit même pas. Une solution? Non plus. Quand on est SDF, affirme Christabelle, les aspirations et les projets sont choses du passé. Tout ce qui compte, c’est le présent, l’argent, comment le gagner.

Et ce jour-là, tout ce dont elle rêvait, c’était d’un minn bwi.

Ce qu’en dit la police 

<p>Elsa, Christabelle, Ganessen&hellip; Dans la capitale, ils sont de plus en plus nombreux à braver les dangers de la circulation pour une bouchée de pain. Comment réagit la police ? <em>&laquo;C&rsquo;est vrai qu&rsquo;ils risquent leur vie et qu&rsquo;ils peuvent provoquer des accidents, mais il y a l&rsquo;aspect humain qu&rsquo;il faut prendre en considération&raquo;, </em>fait valoir l&rsquo;inspecteur Shiva Coothen. En fin de semaine dernière, les policiers ont<em> &laquo;embarqué&raquo; </em>13 SDF, qui quémandent de l&rsquo;argent dans les rues de la capitale. <em>&laquo;C&rsquo;était surtout pour qu&rsquo;on puisse les recenser. Il y en a qui nous ont donné les noms de leurs proches, histoire qu&rsquo;on puisse les contacter si jamais il leur arrive malheur.&raquo;&nbsp;</em></p>

<p>La police, poursuit l&rsquo;inspecteur Coothen, en a profité pour les sensibiliser aux dangers auxquels ils s&rsquo;exposent en se faufilant entre les véhicules. <em>&laquo;Nous essayons aussi, autant que faire se peut, de les rediriger vers des associations ou des facilités mises en place par les autorités pour qu&rsquo;ils n&rsquo;aient pas à dormir dans la rue.&raquo;</em></p>