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Aurélie Leclézio: «Nous préservons les métiers menacés par la mondialisation»
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Aurélie Leclézio: «Nous préservons les métiers menacés par la mondialisation»
Aurélie Leclézio dirige MCB Microfinance, un organisme qui offre du micro-crédit. Cette société a accordé 700 prêts pour une valeur de Rs 154 millions.
Plus de huit mois après le lancement de MCB Microfinance, quel bilan dressez-vous ?
Sans l’ombre d’un doute, je dirais que cela a été une aventure passionnante et globalement positive. Sans doute, notre appartenance à une marque forte comme la MCB a aidé à sa réussite. Mais c’est aussi sans compter le dévouement et l’enthousiasme de notre personnel qui s’est pleinement engagé à relever ce défi.
Jusqu’ici, nous avons accordé plus de 700 prêts à des entrepreneurs. Cette performance, qui dépasse largement nos espérances, nous la devons aux particularités de l’offre diversifiée de MCB Microfinance et à son service de proximité, tous deux adaptés aux besoins des clients.
Le succès du lancement nous a mené à étoffer notre équipe de Relationship Officers, portée à 21 aujourd’hui, et dont la responsabilité est de quadriller toutes les régions du pays à la recherche de clients potentiels.
«Une forte présence de femmes parmi les demandeurs d’emprunts. »
Concrètement, comment cette équipe de Relationship Officers opère-t-elle sur le terrain ?
Nous avons développé une méthodologie, unique à Maurice, qui consiste à visiter le business de chaque demandeur d’emprunt pour mieux comprendre son fonctionnement, ses revenus et dépenses, et pour déterminer sa capacité de remboursement. Du coup, nous avons pu servir des clients qui n’avaient jusque-là qu’un accès difficile au crédit ou qui n’étaient carrément pas bancarisés.
Quelques exemples ?
Ce sont souvent des familles qui vivent de leurs entreprises. Elles n’ont jamais mis les pieds dans une banque et n’ont même pas un compte. Dans cette liste, on trouve des marchands qui souhaitent une motocyclette pour la livraison de gâteaux, de pains, de macatiascoco ; un père de famille qui veut investir dans un van de seconde main pour le ramassage d’enfants; une dame qui va régulièrement en Inde pour l’achat de vêtements qui seront vendus par la suite à son réseau de clients; des plombiers et électriciens qui veulent investir dans des équipements pour entreprendre des installations après les heures de travail. Et j’en passe… Ce sont souvent des anonymes de la société qui nourrissent leurs familles en s’adonnant à ces petits commerces.
Grâce à vos interventions, vous participez indirectement à préserver des emplois ?
Mieux que ça. À donner un sourire aux visages de ces familles en préservant des métiers qui, sans notre soutien, auraient disparu. Plus personnellement, à faire revivre ces métiers qui font partie du patrimoine culturel. Ce sont tous les bienfaits de ces microcrédits !
«L’absence de garantie est un facteur nonnégligeable»
Quels sont les types de prêts que vous proposez à ces familles ?
Essentiellement, MCB Microfinance propose à ces micro-entrepreneurs deux types de prêts : un micro-prêt destiné au financement des besoins en fonds de roulement, tels que les matières premières ou les stocks. Ce prêt est remboursable sur une période allant de 6 à 18 mois. Et un prêt micro-Investissement destiné au développement du business. Ce prêt est remboursable sur une période allant jusqu’à quatre ans.
Pour être éligibles à ces prêts, les entrepreneurs, tous secteurs confondus, doivent avoir exercé cette activité depuis au moins un an ; avoir un Business Registration Number (BRN). Aussi, nous n'avons plus de critère d'éligibilité relatif au chiffre d'affaires qui reste souvent trop difficile à déterminer pour les petits business.
Aujourd’hui, s’il faut dresser le profil de votre clientèle, qu’avez vous à dire ?
Je dirais qu’après 8 mois d’opération, une tendance semble se confirmer par rapport au profil de notre clientèle. Il s’agit d’une forte présence de femmes parmi les demandeurs d’emprunts. Elles représentent près de 40 % de notre clientèle. Elles opèrent dans des activités saisonnières, généralement dans le business de prêt-à-porter pendant les fêtes de fin d’année ou aux moments de fêtes culturelles qui donnent lieu à de grands moments du shopping.
À la MCB Microfinance, les demandeurs d’emprunts sont âgés de 30 ans à monter alors que le prêt moyen octroyé s’élève à Rs 210 000. À ce jour, nous avons décaissé près de Rs 154 millions.
Pourquoi un entrepreneur souhaitant développer son entreprise devrait-il frapper à votre porte et non à celle de vos compétiteurs ?
Disons d’abord que la concurrence ne nous inquiète nullement. Nous exerçons cette activité pour combler une lacune sur le marché de microcrédit : soit de répondre aux attentes d’une catégorie d’entrepreneurs qui éprouvent de grandes difficultés à avoir accès aux finances.
Ensuite, je suis persuadée que les raisons ne manquent pas pour s’adresser à nous. Une de ces raisons est l’absence de garantie, contrairement aux autres compétiteurs qui exigent d’hypothéquer un bien pour obtenir un emprunt. Cela est un facteur non négligeable pour quelqu’un qui cherche désespérément des capitaux pour son entreprise et qui, en plus, doit trouver des biens immobiliers pour garantir son emprunt.
Enfin, c’est le type de service personnalisé que nous proposons. Nous essayons de rendre autant que possible le client à l’aise ; de comprendre son projet et ses besoins de financement. Car, je le rappelle, ce sont des familles qui n’ont peut-être pas mis les pieds dans une banque et qui prennent un emprunt pour la première fois.
«Le taux d’intérêt n’est pas, hélas, le principal souci du client.»
En même temps, votre institution est la plus chère en termes de taux d’intérêt, soit de 13 % à 15 %, près de deux fois plus que ce qu’offrent actuellement vos compétiteurs ?
Eh bien, oui. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous demandons aux clients d’aller chercher des financements à meilleur marché ailleurs. Et de revenir par la suite chez nous s’ils n’en trouvent pas. Heureusement qu’ils ont des options et qu’ils peuvent sereinement comparer les différentes offres.
Chez nous, le client n’a aucune garantie à offrir, il n’a pas à se déplacer au fur et à mesure que son dossier est monté. En fait, nous ne lui demandons de se déranger que deux fois pour les formalités : soit au début pour signer la demande d’emprunt et au moment où il prendra possession de son chèque. Le reste, c’est son Relationship Officer qui s’en occupe.
Par ailleurs, nous avons le devoir de citoyen et la responsabilité vis–à-vis d’un client de nous assurer qu’il ne soit pas trop endetté et que le montant à rembourser ne représente qu’une part infime de ses revenus.
Certes, le taux d’intérêt est relativement plus élevé que celui que proposent les autres opérateurs. Mais l’expérience nous a montré qu’un client recherche avant tout de l’argent pour financer son projet et que, dans cette équation, le taux d’intérêt n’est pas, hélas, son principal souci.
Quel regard portez-vous sur le secteur des petites et moyennes entreprises ? Estimez-vous que ces entreprises soient bien servies par rapport à l’accès aux finances ?
Je ne peux pas parler pour les autres. Quant à la MCB Microfinance, il ne fait pas de doute que nos clients sont bien servis en termes de financements. Au début de nos opérations, nous recevions jusqu’à 100 visiteurs par jour et presque le double en appels téléphoniques. Aujourd’hui, la situation est certes plus stable mais la demande d’emprunts n’a pas diminué pour autant.
Mais j’aimerais bien insister sur une chose : la microfinance reste un formidable outil pour protéger et préserver des emplois précaires de certains métiers, et ce, afin d’éviter qu’ils ne soient pas bouffés par la mondialisation. Il y va de notre responsabilité citoyenne.
D’ailleurs, il ne faut pas occulter le fait que ce sont les microentreprises d’aujourd’hui qui feront les PME de demain et, pourquoi pas, les corporates d’après-demain. C’est le cycle normal de la vie d’une entreprise.
Après avoir servi la clientèle mauricienne, vous mettez le cap sur Rodrigues. Pourquoi ?
En ouvrant une antenne à Port- Mathurin, MCB Microfinance veut faciliter l’accès au crédit aux entrepreneurs rodriguais. Il y a de nombreux entrepreneurs dans cette île et nous espérons pouvoir leur apporter des solutions pour le développement de leurs activités. Nous souhaiterions qu’un micro-prêt puisse être décaissé en moins de trois semaines, comme c’est le cas à Maurice. Le travail d’enquête et d’analyse se fera sur le terrain à Rodrigues. Une fois les dossiers montés, ils seront défendus à distance grâce à différentes technologies et la décision sera prise à Maurice. Nous pensons ainsi pouvoir offrir la même rapidité de service.
Source alternative de financement
<p>Les institutions bancaires et autres agences de financement rivalisent aujourd’hui pour faciliter l’accès au crédit aux petites et moyennes entreprises (PME). Une démarche financièrement compréhensible et rationnelle vu que c’est un marché qui se chiffre en milliards de roupies.</p>
<p>Cette situation découle de la volonté du gouvernement de faire du secteur des PME un important relais de croissance économique du pays et un générateur d’emplois. Pour cela, il faudra professionnaliser les services des PME, voire ceux opérant comme des microentreprises, et ce, pour qu’elles répondent aux attentes d’un environnement commercial hautement concurrentiel aujourd’hui.</p>
<p>L’entrepreneuriat étant un ingrédient essentiel au développement socio-économique, l’investissement dans cette filiale spécialisée de microfinance a pour but, selon les promoteurs, de stimuler le développement de la petite entreprise en favorisant l’inclusion financière des petits entrepreneurs.</p>
<p>Les microentreprises sont souvent organisées avec moins de rigueur que les grandes entreprises. L’analyse de leur fonctionnement et de leurs finances requiert par conséquent une méthodologie adaptée. L’approche de MCB Microfinance, différente des méthodes de financement classiques, favorise la proximité avec ses clients.</p>
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