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Arancha Gonzalez : «Ce n’est pas le protectionnisme commercial qui va préserver l’emploi»

31 mars 2017, 16:35

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Arancha Gonzalez : «Ce n’est pas le protectionnisme commercial qui va préserver l’emploi»

Parlez-nous de votre visite à Maurice et de l’apport du Centre de commerce international dans l’élaboration de la «National Export Strategy».

L’objet de ma visite est le dévoilement de la National Export Strategy, qui aura lieu aujourd’hui. C’est bien plus qu’une stratégie. C’est un outil pour construire le prochain miracle économique de Maurice. Le mot miracle est un peu pompeux. C’est la base sur laquelle Maurice va construire la prochaine étape de son développement économique et social. La recette de son succès, jusqu’ici, a été le mariage de trois ingrédients essentiels, à savoir la démocratie, l’ouverture commerciale et la politique domestique, au bénéfice des citoyens.

Ce sont des ingrédients qu’il faut soigner car si on ne le fait pas, ils risquent de perdre de l’efficacité. La stratégie de développement du secteur de l’exportation vise deux de ces trois piliers. C’est une stratégie de développement du secteur qui tient compte de l’économie du XXIe siècle, une économie de la connaissance et de la technologie. La stratégie comporte également le renforcement des capacités de l’individu et de l’entrepreneur. Il prône aussi l’innovation. Au niveau du Centre de commerce international, nous sommes surtout des catalyseurs et des facilitateurs. Nous avons apporté notre expertise dans l’identification des filières à haute valeur ajoutée, où Maurice peut avoir un avantage comparatif.

Quel constat faites-vous du secteur de l’exportation mauricien, sachant que nos exportations ont reculé de 8,6% en 2016 ?

Je ne suis pas étonnée de cette baisse parce que le commerce mondial n’a pas augmenté. Les marchés sur lesquels Maurice a une part importante de ses exportations ont enregistré un ralentissement. La conjoncture internationale est restée morose, bien que les indicateurs penchent vers une amélioration. Il est probable que Maurice soit aujourd’hui placé sur des secteurs plus sensibles à ces contractions économiques, comme le textile. Au niveau du secteur des services, les exportations se passent plutôt bien, mais c’est la partie des biens qui a enregistré un déficit commercial. Il faut diversifier les produits et les marchés, aussi en termes de valeur ajoutée.

Comment Maurice peut-il se positionner dans un environnement international tinté d’incertitudes, notamment avec le Brexit ou encore l’approche de plus en plus protectionniste de certains, comme les États-Unis ?

Maurice doit avoir un agenda économique externe et interne. Externe où Maurice doit faire partie des pays qui défendent l’ouverture des marchés et pas pour des raisons dogmatiques. Étant une petite économie insulaire, Maurice dépend énormément du fait que le reste du monde demeure ouvert à ses exportations. La croissance mauricienne ne peut pas uniquement rester sur le marché local. Vous n’êtes qu’1,3 million de consommateurs. Vous avez besoin que les marchés soient ouverts pour y accéder. Donc, il faut des efforts clairs, être très actifs à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et vous allier à d’autres qui veulent la même chose, comme le Canada ou l’Argentine, qui font partie des nations qui défendent l’ouverture commerciale. Il y aura une réunion de l’OMC en Argentine en décembre. Ce sera l’occasion de pousser pour le maintien de l’ouverture des marchés.

Il faut aussi un agenda domestique. Il y a beaucoup de mécontentement aujourd’hui vis-à-vis du commerce international car il y a un amalgame entre la mondialisation, la perte d’emplois et le commerce international. On dit que fermer les frontières préservera l’emploi domestique. Mais ce n’est pas le protectionnisme commercial qui va préserver l’emploi. Prenez la technologie. Aux États-Unis, on sait que c’est la technologie - et pas le commerce - qui va détruire des millions d’emplois de personnes avec des qualifications limitées.

La technologie, n’a pas de frontières. Et jusqu’ici je n’ai entendu personne dire qu’il fallait «détechnologiser» nos économies! Sur chaque cinq emplois de perdus, quatre sont perdus à cause de la technologie et un à cause du commerce international. Or, on peut fermer le commerce international mais cela ne résoudra pas les autres problèmes. Il faut se demander ce qu’on va faire pour que le système éducatif réponde au marché du travail. La technologie va créer beaucoup de nouveaux emplois, mais encore faut-il que le système éducatif permette aux gens de se connecter à ces emplois. Il faut aider les Petites et moyennes entreprises, qui sont très souvent de petite taille et opèrent dans l’informel en les accompagnant. Cela, pour qu’elles puissent opérer dans l’économie formelle et faire en sorte que la croissance soit de meilleure qualité et que les bénéfices de la croissance touchent un plus grand nombre de citoyens. Les universités et écoles techniques doivent forment des gens dans ces secteurs afin qu’ils pénètrent les marchés liés à la technologie. Ce que vous avez fait durant les 40 dernières années, il faut l’améliorer, l’ajuster.

Mais les manufacturiers déplorent la concurrence déloyale des produits importés. Comment rester ouvert sans mettre en péril l’industrie locale ?

Je fais la distinction entre les standards de qualité et les prix plus bas. En tant que responsable d’une organisation inter- nationale, je ne prônerai jamais qu’on baisse les normes pour favoriser le commerce international. S’il y a des règles à respecter, c’est par tous, que ce soit à l’import ou à l’export. Les autorités sont en droit de faire respecter cela. Les entreprises déplorent que les importations sont moins chères.

Si elles sont moins onéreuses de façon déloyale, l’OMC a des règles qui permettent d’arrêter les produits issus de dumping ou qui ne répondent pas aux standards de qualité et de santé. Mais si les produits sont moins chers pour des raisons compétitives, il n’y a pas de problème. Le commerce, c’est le jeu des avantages comparatifs, mais encore faut-il qu’ils soient loyaux. Ce qui compte pour le producteur local, c’est un appui décidé pour qu’il puisse monter en gamme et proposer des produits et des services à haute valeur ajoutée.