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Beas Cheekhooree: «Le déficit commercial chronique de Maurice est préoccupant»
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Beas Cheekhooree: «Le déficit commercial chronique de Maurice est préoccupant»
L’approche stratégique au secteur manufacturier devrait tenir compte de toute la chaîne logistique plutôt que des seules entreprises manufacturières.
En tant que nouveau Chairman de la MEXA, quel constat faites-vous du secteur de l’exportation actuellement, d’autant plus que les exportations ont chuté de 8,6 % en 2016 ?
Avant de parler des exportations à elles seules, il faudrait d’abord parler du déficit de la balance commerciale, qui est un indicateur de performance économique essentiel que nous devons toujours garder en ligne de mire. Le déficit est passé de Rs 65 milliards en 2010 à Rs 80 milliards en 2016, ce qui est préoccupant… Nous exportons toujours moins que nous n’importons. Nous accumulons les déficits avec très peu de solutions en vue... C’est mauvais signe, si on n’arrive pas à renverser la vapeur. Il faut trouver une stratégie appropriée sur le court, le moyen et le long termes.
En ce qu’il s’agit des exportations, il faut rappeler que Maurice, étant une petite île, est éloignée de ses marchés. Cela pose plusieurs défis, dont le plus récent est le Brexit, sachant que 40 % à 45 % de nos exportations de textile vont vers l’Angleterre. Jusqu’à présent, nos exportations étaient destinées à l’Union européenne (UE) et, de ce fait, répondaient à des normes européennes spécifiques. Or, la Grande-Bretagne pourrait bien développer ses propres normes. Est-ce que Maurice devra changer toute sa chaîne de valeur pour s’adapter à ces nouvelles normes britanniques ? Ou le pays devra-t-il produire pour deux différents standards, européen et britannique ? De plus, Maurice se retrouvera dans la queue des pays qui renégocient un partenariat avec la Grande-Bretagne. Le pays pourrait se retrouver très tard dans la file…
Selon vous Maurice a-t-elle été suffisamment proactive pour trouver des solutions aux problèmes que pose le Brexit au secteur de l’exportation, notamment pour le textile ?
Il faut avouer que toute la structure et la stratégie d’exportation de Maurice a été bâtie sur des accords préférentiels, des accords qui s’effritent. Mais le textile a su en mitiger les effets. Le textile s’est réinventé à plusieurs occasions, ce qui n’a pas forcément été le cas des autres secteurs d’exportation. Ce qui fait que, soudainement, Maurice s’est retrouvée dans une situation où elle a mal anticipé son avenir. Et c’est cela qu’il faut essayer de redresser. Le monde d’aujourd’hui évolue à une vitesse fulgurante. Nous sommes en compétition avec des pays tels que le Vietnam, l’Inde ou encore le Bangladesh et même l’Égypte. L’Egypte, par exemple, exporte aussi vers Maurice. Ce pays est une force de concurrence non seulement pour nos industries tournées vers l’exportation, mais aussi pour le secteur manufacturier local. Maurice est coincée entre les effets de la globalisation et la politique protectionniste du modèle Trump. Ce sont facteurs auxquels nous devrions réfléchir afin de trouver des solutions.
La National Export Strategy (NES) a justement été présentée pour permettre à Maurice de se réinventer dans cet environnement truffé d’incertitudes. Toutefois, le textile, qui compte tout de même pour 54 % de nos exportations n’est pas jugé prioritaire. Qu’en pensez-vous ?
On considère le textile comme un sunset industry. Or, ce n’est pas le cas. Ce secteur demeure toujours un pilier important de l’économie, notamment en termes d’emplois et de sources de devises étrangères. Il faut donc le préserver, l’assister et le promouvoir. Le gouvernement a proposé des mesures intéressantes à ce niveau. Elles sont le fruit d’une réflexion que nous avons eue avec le gouvernement ces deux dernières années. Le secteur a passé le cap du bas de gamme pour aller vers les marchés à valeur ajoutée. Ces marchés sont caractérisés par les circuits courts. Les magasins européens exigent de nouveaux modèles rapidement, sans pour autant tenir de gros stocks comme c’était le cas auparavant. Fournir pour ce marché requiert une stratégie différente. La faiblesse de Maurice est la distance qui rend l’acheminement rapide de nos produits difficile. La voie maritime étant trop longue (30 à 45 jours), la solution que le secteur a trouvée avec le gouvernement est le speed-tomarket sheme (NDLR : acheminement par avion) qui est entré en vigueur ce 1er avril. Je pense que c’est une bouffée d’oxygène que le gouvernement a mis à la disposition des exportateurs.
Mais d’autres problèmes subsistent, tels que le manque de main-d’oeuvre qualifiée et le manque d’intérêt des jeunes pour le secteur textile. De plus, Maurice a besoin d’expertise pointue pas seulement pour le secteur du textile, mais pour le secteur manufacturier en général. Et c’est sans compter le facteur de politique du taux de change, qui est souvent en déphasage avec la réalité du marché. Nous devons être beaucoup plus réactifs par rapport à la valeur des devises étrangères face à notre roupie et adopter une politique pragmatique pour soutenir notre roupie. Sur le long terme, il faudrait revoir nos accords avec divers pays, un élément relégué au second plan pendant trop longtemps, tout en diversifiant nos marchés. Nous nous sommes reposés sur nos lauriers pendant trop longtemps. La faute revient un peu à tout le monde : aux entreprises, aux acteurs impliqués dans la promotion de Maurice et à notre stratégie nationale. LA MEXA a déjà tenu une première séance de travail avec un comité interministériel institué pour le secteur de l’exportation. De notre part, nous avons déjà une stratégie à proposer et nous allons la partager avec ce comité sur tous les secteurs. La MEXA préconise une symbiose entre tous les secteurs qui sont impliqués dans l’exportation. Aujourd’hui, on aborde la situation sous l’angle des exportateurs seulement. Nous préférons analyser la situation en tenant compte de l’ensemble de la chaîne logistique.
La NES met également l’accent sur l’internationalisation de petites et moyennes entreprises (PME)…
Tout à fait. La MEXA compte travailler de concert avec d’autres associations qui défendent les intérêts des PME. Le secteur manufacturier, par exemple, doit pouvoir soutenir l’exportation, ce qui n’est pas encore le cas. Je crois qu’on a trop longtemps confiné les PME au marché local. Nous étudions, avec l’Association of Mauritian Manufacturers (AMM), la construction d’une structure d’entreposage en Afrique et celle d’une structure logistique qui servira de plateforme de transit pour les produits mauriciens sur le continent. La taille de nos PME pose aussi problème. Nos entreprises étant restées petites, ne sont pas assez compétitives. Il faut que les PME manufacturières s’organisent en cluster et envisagent de bouger en Afrique.
La Mauritius Chemical Fertilizers Industry (MCFI), dont vous êtes le Managing Director, a une longue expérience sur le continent. Quel regard posez-vous sur l’Afrique ?
Déjà l’Afrique, c’est 54 États différents. LA MCFI a beaucoup appris et nous avons su développer des stratégies sur différents marchés. L’Afrique pose plusieurs défis : la culture, les structures et l’incertitude de paiement. Si, dans toute relation d’affaires, il est primordial de se renseigner au préalable sur le client, ce principe de précaution prend en Afrique une dimension additionnelle. Les petites et moyennes entreprises sur le continent font affaire de manière différente. Je dois dire que les entreprises locales maîtrisent très mal la chaîne logistique sur le continent. Acheminer des produits de Durban à Harare, par exemple, implique plusieurs jours de camionnage, plusieurs passages aux frontières et aux douanes. Ce sont des choses que nous pensons être simples à Maurice. Non pas que cela soit compliqué, mais il faut y être bien préparé. J’arrive peut-être au bon moment en tant que président de la MEXA, et je compte partager mon expérience africaine avec tous les stakeholders
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