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[Vidéo] Trafic de drogue: une mère s’improvise détective après le décès de son fils

16 avril 2017, 21:55

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[Vidéo] Trafic de drogue: une mère s’improvise détective après le décès de son fils

Cette région est connue pour être rongée par le fléau de la drogue. Un quartier «malfamé», dit-on ici. La vente de stupéfiants se fait avec une facilité déconcertante, au vu et au su de tous. Terrifiés, les habitants se calfeutrent chez eux. Yolande Beljambe, elle, n’a plus envie de fermer les yeux sur ce trafic. Surtout depuis que son fils a perdu la vie, terrassé par la drogue synthétique.

Un enfant «obéissant et sage».C’est en ces termes que Yolanda Beljambe nous décrit son fils Jean-Damien. Ce dernier a été victime de la drogue synthétique, le 1er avril. «Il ne manquait de rien. Il obtenait tout ce qu’il voulait. Monn aret travay kan li ti tipti pou ki mo kapav okip li. Apré, kan linn vinn impé pli gran, monn kumans fer tou ti travay mo ti pé gagné, ziss pou ki mo zanfan pa mank narien», confie Yolande. Le regard triste, elle raconte que son fils était respectueux, poli et ne proférait pas la moindre injure. «Kot linn alé, tou dimounn ti kontan li, ki Moris, ki Rodrigues. Mon fils était cuisinier dans un restaurant de Terre-Rouge.» Il avait même l’intention de partir pour la Grande-Bretagne chez son oncle, pour faire des études dans le domaine de l’hôtellerie.

Des fréquentations peu recommandables

Quand Jean-Damien a commencé à fréquenter les gens de certaines régions de cité Argy, les choses ont changé. «Mo démann li sak fwa eski li pé pran ladrog, li dir mwa ‘non Ma, mo pa pran ladrog’. Mo dir li eski to donn kudmé al vann ladrog, li dir ‘Non Ma mo pa fer sa mwa’», se remémore la mère en essuyant quelques larmes. Là, Yolande marque une pause et rappelle qu’au début des années 2000, il faisait bon vivre à cité Argy. Ce qui n’est plus le cas. «Tou finn sanzé isi. Tou kalité dimounn… limouzinn, taxi dépi tou koté – Triolet, Brisée-Verdière, Lallmatie, Poste-de-Flacq… Tou kalité lizié, lizié gro blé, ver, maron vinn dan mo simin…» martèle Yolanda, tout à coup véhémente.

«Zot finn kit so lékor lor enn tom»

Le jour du drame, son fils était venu la déposer à l’arrêt d’autobus. Serveuse au food court du Centre commerciale de Riche-Terre, elle raconte que dès son arrivée sur son lieu de travail, elle a reçu un coup de fil d’un inconnu. Il s’agissait d’un habitant de son quartier, qui lui a annoncé la mauvaise nouvelle : son fils n’était plus. «Dimoun dir mwa ki zot trouv Jean-Damien dan sa simin la, linn al anba pou asté ladrog. Kouma linn fim dé kout, linn tom anplas. Dimounn inn saryé li, inn met li lor enn ti tom lor makadam.» Cette mère dévastée a un regret : n’avoir pas été au courant que son fils consommait de la drogue. Il n’avait rien d’un toxicomane : «Kan ou get so figir ou pa pou dir si li ti enn zanfan ki ti pé drogé.»

«Si zot ti vid délo lor li, li ti pou sapé…

Le jour de son décès, nombre de consommateurs de drogue du quartier étaient avec lui. «Séki mwa monn aprann, sé ki si zot ti vid délo lor so latet, li ti pou sapé. Là, il aurait été encore en vie. Il aurait été à l’hôpital en train de se faire soigner», ne cesse de répéter Yolande. «Au lieu de lui venir en aide, ils l’ont laissé mourir. Mwa, si mo ti là sa ler-la, mo ti pou sov mo garson», dit-elle, contenant à grand peine ses émotions.

«Davantage de descentes de police»

«La police doit assumer son rôle envers la population», lâche Yolande. Qui ne mâche pas ses mots lorsqu’elle parle de policiers «pas assez présents sur le terrain». Elle poursuit en martelant qu’il devrait y avoir des descentes policières plus souvent à cet endroit. «Si les officiers du poste de police de Flacq sont impuissants face à l’ampleur du problème, qu’ils transmettent l’affaire à l’Anti-Drug and Smuggling Unit. Sa bann marsan ladrog la pé touy zanfan dimounn tou lézour. Mo zanfan pa pou rétourné, mé ankor lamor pou éna», affirme-t-elle.

Pour une jeunesse plus responsable

«Komyé véyé enn mama kapav vey enn zanfan. Zanfan ousi zot bizin ékoute zot paran.» Si l’on ne met pas un terme à ce trafic, les morts se compteront par centaines, s’inquièteYolande. «Mon fils était ma fierté, un bel homme de 19 ans mais je l’ai perdu.» C’est la raison pour laquelle elle invite les parents à se montrer vigilants, à faire attention aux signes précurseurs… «Dès que les parents constatent que le comportement des enfants devient étrange, il faut les interroger et tenter de savoir d’où vient le problème.» Et trouver des solutions.

Comment se déroule la vente de drogue ?

C’est une mère abattue mais pas à court de courage qui nous dépeint les dessous du trafic qui ronge son quartier. Selon elle, la vente commence dès l’aube. «Zom, fam, tifi… tou vinn asté… Pa bann dimounn dan mo landrwa sa» témoigne-t-elle. Les allées et venues dans les rues sont incessantes. Des jeunes, des adultes, à vélo ou à moto… Des taxis et des voitures de luxe. Ce que viennent chercher ces clients pas comme les autres ? Du brown sugar, de l’héroïne, des substances synthétiques… on trouve de tout, dit Yolande dans cette grande surface dont les chefs de rayon ont pour noms de code «Marino», «Bouboule», «Wenzo». Et c’est sans compter ceux qui mènent leur petit commerce autour de cité Argy.

Voir de ses propres yeux

Des voitures qui vont et qui viennent. Des jeunes de la localité se livrent à la vente de substances diverses, au nez et à la barbe des autorités. Nous nous rendons d’abord à cité Argy en journée. Puis en soirée, à 20 h 25. Nous nous rendons chez un homme à qui Jean-Damien avait acheté de la drogue. Sur place, on constate que la maison est bien sécurisée, avec des caméras à divers endroits. Le vendeur sert les habitués par la fenêtre. Il ne vend pas aux inconnus. Et comme il est doublement sur ses gardes, il emploie des jeunes ou des «bouncers» qui font le guet pendant que les clients vont et viennent. Ils sont quatre. Il faut être un habitué ou avoir un «access granted» pour pourvoir passer. Car ils savent qu’un client «douteux» peut attirer des ennuis, non seulement aux vendeurs, mais aux autres clients qui sont à l’intérieur. Chez lui, on ne fait pas les choses au petit bonheur. Et c’est là justement le danger.

Résidence Argy, c’est ce qu’on appellerait aujourd’hui un quartier sensible. En cause : la prolifération de drogue dans les rues de cette localité de Flacq. Yolande, mère éplorée qui vient de perdre son fils de 19 ans, lève le voile sur les activités suspectes qui ont cours à cet endroit.