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Belinda Edmonds: «Tout peut se fabriquer sur le continent»
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Belinda Edmonds: «Tout peut se fabriquer sur le continent»
Maurice accueillera la conférence Origin Africa en septembre prochain. Le point sur les préparatifs.
À quoi ressemblera la prochaine édition d’Origin Africa qui se tiendra à Maurice cette année ?
L’année dernière, nous avons accueilli 140 exposants. Nous en attendons à peu près le même nombre cette année. Quant au nombre de visiteurs commerciaux (trade visitors), nous en avons accueilli 700 l’année dernière et nous en attendons davantage cette année à Maurice. Le but de ma visite est de finaliser les premières étapes en termes de logistique et aussi d’encourager les entreprises locales à participer à l’évènement. D’ailleurs, les réponses ont été très positives au niveau des manufacturiers mauriciens. Nous travaillons étroitement avec la Mauritius Export Association (MEXA) et Enterprise Mauritius à cet effet. L’une de nos priorités et de montrer au monde que nous ne sommes pas arriérés et qu’il y a du développement sur le continent.
Vous avez mis l’accent sur la nécessité pour les États africains de parler d’une seule voix. Le font-ils ?
Il y a certainement une volonté de travailler ensemble. Plusieurs liens ont été tissés lors du dernier événement l’année dernière. Car les principaux acteurs réalisent de plus en plus que les matières premières et les compétences ne se trouvent pas toujours tous dans leurs pays respectifs et qu’ils peuvent donc en trouver dans les États voisins. Nul besoin d’aller en Asie pour s’approvisionner. Tout peut se fabriquer sur le continent. Nous savons, par exemple, que le Nigeria a envoyé une délégation en 2016 à Madagascar et que, depuis, les deux gouvernements essaient de définir des axes de collaboration. De plus, nous savons qu’il y a eu plusieurs échanges entre les exposants l’année dernière. Nous observons de plus en plus d’intérêt pour le commerce intra régional. Ce qui fait que ce chapitre fera l’objet d’un évènement spécifique d’Origin Africa cette année. Il s’agira de définir le statut du commerce intra régional et d’évaluer le potentiel de constituer une zone de libre-échange intracontinentale.
Justement, comment se porte le secteur du textile et de l’habillement sur le continent ?
Tous les pays participants ont identifié ce secteur comme un des principaux piliers de leur développement. Ils sont tous à la recherche d’investissement direct étranger dans ce secteur et sont dans une démarche de marketing agressif à cet effet. L’Éthiopie, par exemple, se développe à une vitesse exponentielle. Il fait montre d’une véritable volonté politique pour développer ce secteur.
Quels sont les principaux défis auxquels est confronté le secteur en Afrique ?
Nous relevons, tout d’abord, le problème d’infrastructures. Rappelons que plusieurs pays africains son enclavés et n’ont pas un accès direct à des zones portuaires. Ce qui contraint les opérateurs à acheminer leurs marchandises par le biais d’autres pays où les routes ne sont pas en bon état ou praticables. Ce problème fait partie des priorités pour plusieurs pays africains. Certains d’entre eux travaillent déjà sur des projets d’améliorations d’infrastructures. Il n’empêche que le coût de la logistique et de l’infrastructure demeure très élevé. Et nous n’avons pas encore atteint le volume nécessaire pour réduire les frais d’expédition et de suivi. Cette situation devrait s’améliorer au fur et à mesure que l’industrie se développe.
Comment les pays africains s’y prennent-ils face à la concurrence asiatique ?
On relève plusieurs approches différentes. Il y a tout d’abord les opportunités qu’offre l’Africa Growth and Opportunity Act (AGOA). Plusieurs États mettent tout en oeuvre pour capitaliser au maximum sur cet accord préférentiel avec les États-Unis. Nous bénéficions des mêmes avantages sur le marché européen. Nous notons aussi que de plus en plus d’acheteurs veulent diversifier leurs sources d’approvisionnement. Cela s’explique par le fait que la Chine dispose de moins en moins de main-d’oeuvre à bon marché et le Bangladesh connaît des problèmes sociaux, bien qu’ils disent que des efforts soient faits pour les régler.
Un fait demeure : les acheteurs étrangers réévaluent leurs besoins en approvisionnement et envisagent d’explorer le potentiel des «nouvelles frontières». Et l’Afrique fait partie des options qu’envisagent ces acheteurs. Nous avons identifié des acheteurs «niches», ceux qui sont à la recherche d’un produit avec une identité. Il s’agit, pour ceux-là, d’acheter des produits avec une histoire et l’Afrique possède cet attrait. Il pourrait s’agir de l’identité africaine elle-même, ou encore du facteur environnemental, des changements climatiques et du volet durable (sustainability).
Par rapport à l’AGOA, comment les pays se préparent-ils à un éventuel «après AGOA», sachant que les accords préférentiels s’effritent… ?
Les pays éligibles travaillent dur pour utiliser au maximum l’extension de 10 ans qui leur a été accordée afin d’être plus productifs, tout en améliorant leurs infrastructures. De plus, ce qui changera la donne, c’est la technologie. D’ailleurs, toute la conférence y sera consacrée. L’idée est d’expliquer aux opérateurs comment la technologie peut les aider à améliorer leur rentabilité, car le monde entame ce que l’on appelle la quatrième révolution industrielle ou l’industrie 4.0, à travers l’apport de la technologie aux modes de production traditionnels.
Comment les entreprises du continent répondent-elles à la tendance du fast-fashion qui impose des délais de livraison de plus en plus courts ?
Les opérateurs africains s’attaquent à ce segment actuellement. Toutefois, force est de reconnaître que tous les pays ne seront pas en mesure d’être compétitifs sur le marché européen dans le segment du fast fashion. Des pays plus proches de l’Europe, tels que l’Éthiopie, parviennent à tirer leur épingle du jeu. D’ailleurs plusieurs entreprises turques y ont investi. Le fast fashion, tel qu’on le connaît aujourd’hui, devrait également subir des transformations avec l’avènement de l’industrie 4.0. Il restera toujours un aspect du marché. Maurice, par exemple, s’est aussi positionné pour répondre à cette demande.
Pensez-vous que les États africains puissent aspirer à exporter vers des pays tels que la Chine ou la Thaïlande ?
Je pense que ces marchés grandiront. Nous exportons déjà au Japon, chose qui était inimaginable il y a 40 ans. À l’horizon 2040, et au fur et à mesure que nous créerons de la richesse et de l’emploi sur le continent, l’Afrique deviendra le plus gros marché en termes de population, encore plus gros que la Chine et les États-Unis. Nous devrons donc nous adresser au marché continental régional. La Chine connaît une forte croissance intérieure, tout omme l’Inde. Puisqu’il est plus rentable de vendre sur leurs propres marchés, ils ont décidé de réduire leurs exportations et de se consacrer à leur marché intérieur respectif. Cela veut dire que la Chine et l’Inde deviendront des marchés à part entière. Ils feront du commerce avec les pays les plus proches et cela va créer des opportunités d’exportations pour nous sur leurs marchés.
CONTEXTE
<h5>Origin Africa : la foire commerciale et le congrès</h5>
<p>Origin Africa est un événement annuel qui vise à promouvoir la filière du textile et de l’habillement africain dans le reste du monde. Il est en à sa huitième édition cette année. Origin Africa se tient chaque année dans un pays différent. Il s’est tenu à Madagascar en 2016 et, en 2015, en Éthiopie. L’évènement a connu de grandes évolutions depuis ses débuts. D’une simple foire commerciale, Origin Africa prend cette année la forme d’un congrès pour le secteur du coton, de l’habillement et du textile en Afrique, une première pour ces industries sur le continent. Outre deux jours de foire commerciale, Origin Africa comptera également plusieurs événements sociaux, certains formels et d’autres pas.</p>
<h5>L’association professionnelle</h5>
<p>L’African Cotton and Textile Industries Federation, l’organisation que représente Belinda Edmonds, est une association à but non lucratif qui regroupe et représente les industries du coton, du textile et de l’habillement ainsi que l’industrie de la mode en Afrique. Cet organisme émane du besoin pour les industries et entreprises de ce secteur de parler d’une seule voix au lieu que chaque pays y aille de son côté, notamment dans le cadre de négociations commerciales.</p>
<p>L’association respecte la législation et les différents cadres propres à chaque État du continent. Elle a aussi pour mandat de promouvoir le continent africain comme une destination d’approvisionnement et d’investissement. Elle encourage les acheteurs à venir s’approvisionner en Afrique et à investir dans la région.</p>
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<h5>Industrie 4.0</h5>
Ce terme fait référence à la quatrième révolution industrielle après la mécanisation, l’industrialisation et l’automatisation. L’industrie 4.0 correspond à une nouvelle façon d’organiser et de gérer les moyens de production avec l’apport de la technologie. Ce qui a pour but de rendre les usines plus intelligentes en ayant recours à l’internet des objets ainsi qu’aux systèmes cyber-physiques. Il s’agit, en quelque sorte, de la numérisation de l’industrie manufacturière. L’industrie 4.0 fait partie des priorités de l’Association of Mauritian Manufacturers pour le développement du secteur. Elle y a d’ailleurs consacré une table ronde le 31 mars dernier.
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