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[Vidéo] Démolition du QG du Parti travailliste: une page d’histoire se tourne

21 mai 2017, 22:15

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[Vidéo] Démolition du QG du Parti travailliste: une page d’histoire se tourne

Cela fait longtemps qu’il n’a plus fière allure. Que la peinture – rouge à l’origine – recouvrant le bois et la tôle a viré à cette couleur indéfinissable des vieux édifices portlouisiens qui luttent encore vaillamment contre les assauts du temps. Mais pour le bâtiment du square Guy Rozemont, en face des Casernes centrales, le combat est quasi terminé. L’édifice en pierre, en bois et en tôle sera très bientôt démoli. L’annonce a été faite par le Parti travailliste (PTr), qui occupe les lieux, aux côtés de deux commerçants.

C’est au début de l’année que la mairie de Port-Louis a fait servir une lettre aux occupants du bâtiment, les informant que celui-ci constitue un danger public. Mis au pied du mur, ils avaient deux solutions : soit le sécuriser, soit le démolir. Le parti a fait son choix. Adieu l’ancien quartier général, bonjour la nouveauté. Et d’ici un mois, le PTr devra trouver un nouvel emplacement pour tenir ses réunions. Une solution qui chagrine Guy Narainsamy, l’un des plus vieux agents travaillistes.

L’habitant de Coromandel regrette que personne, au parti, n’ait songé à entamer plus tôt des travaux qui auraient pu contribuer à sauver les meubles… ou les murs. Le regard soudain vague, l’octogénaire raconte qu’avant de faire office de quartier général, l’édifice accueillait des mariages ou des soirées dansantes à l’étage. Il a lui-même eu l’occasion d’assister à des fêtes en ces lieux.

Mais le symbolisme est ailleurs. Guy Narainsamy rappelle que l’histoire du parti s’est écrite dans cette salle du premier étage. Et si les murs pouvaient parler, ils raconteraient les discussions autour du choix du quadricolore à la veille de l’accession du pays à l’Indépendance, ou de l’hymne national… voire du symbole du parti lui-même.

 

Guy Narainsamy ajoute que de nombreuses personnalités politiques ont foulé le sol du bâtiment, à l’instar de sir Anerood Jugnauth et d’Abdul Razack Mohamed. Mais ce qui l’attriste le plus aujourd’hui, c’est qu’il a lui-même été l’un des garants de sir Seewoosagur Ramgoolam, lorsque ce dernier a acheté le bâtiment qui était jusque-là en location. C’était dans les années ’80.

Même s’il a un lien affectif avec l’édifice, l’octogénaire concède que celui-ci est vieux et délabré, représentant même un danger pour le public. Sa consolation ? Il sait que «d’autres décisions importantes seront prises dans le nouvel édifice qui remplacera le siège historique».

Kara Soliman, tailleur âgé aujourd’hui de 73 ans ne partage pas cet optimisme. L’homme, qui travaille dans son petit atelier depuis l’âge de 13 ans, sait qu’il devra, dans les jours qui viennent, se trouver un nouvel emplacement. Une tâche qui, selon lui, risque de s’avérer ardue. Nostalgique, il raconte que son magasin, où sont fabriqués des vêtements d’enfants de père en fils, a vu défiler des centaines, voire des milliers de clients.

Son voisin, Ken Lee, est âgé d’une quarantaine d’année. En 2010, au décès de son père, qui s’occupait du magasin St. Patrick, il en a repris la gestion. «Ce magasin existe depuis plus de 60 ans et, depuis que j’ai quitté l’école je suis dans le business», déclare le commerçant, qui déplore la baisse des ventes au fil des ans. Déjà, à l’époque, il fallait «tracer» pour gagner sa vie.

Les chaussures, des chemises «Marlon», et la petite tabagie qui vendait des sodas ont dû céder la place à des photocopieuses, des appareils pour réaliser des photos passeport, des bijoux, du matériel scolaire, des livres consacrés au code de la route.

Ken Lee a réussi à se constituer une clientèle, mais dès qu’il se sera installé ailleurs, «il faudra tout recommencer à zéro». Le commerçant ajoute qu’il a même déboursé Rs 150 000 pour refaire la toiture il y a quelques années par mesure de sécurité. Le départ, il ne voulait pas trop y penser jusque-là.

C’est dans ce bâtiment qu’il a passé son enfance et son adolescence. «Mo sagrin ki batiman pé krazé, mwa mo éna bann gran souvenir isi.» Un de ses meilleurs souvenirs ? Lorsqu’il avait environ trois ans, sir Seewoosagar Ramgoolam l’avait pris dans ses bras. Le commerçant raconte aussi qu’enfant, il «montait» pour assister aux réunions que présidait SSR.

Aujourd’hui, à défaut d’assister aux réunions politiques, l’homme se démène pour faire tourner son commerce. Et espère qu’une fois le nouveau bâtiment construit, il pourra y trouver une place. Un emplacement commercial, ce n’est pas donné, à Port-Louis…