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Carreau Esnouf: le village du cresson s’essoufle

23 mai 2017, 02:30

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Carreau Esnouf: le village du cresson s’essoufle

À une époque, se plaît à raconter Sujeet Balchand, c’était l’abondance à carreau Esnouf. Mais, aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Tant et si bien qu’il ne veut pas que ses enfants marchent dans ses pas…

«La majorité du cresson qui s’écoule sur le marché en ce moment vient d’ici.» Sujeet Balchand le dit avec un brin de fierté dans la voix. Cela fait des générations que sa famille en cultive, dans ce petit hameau du Sud, Carreau Esnouf, reconnu pour ses mares de cresson.

Si vous débarquez dans le village de Carreau Esnouf, situé entre l’aéroport et Trois-Boutiques, les mares de cresson vous sauteront aux yeux. Celles-ci sont séparées par des carrés de pierres empilées les unes sur les autres, permettant ainsi aux planteurs d’y circuler.

«Tout ce que vous voyez là a été fait des mains des coolies qui vivaient ici. Ils ont été les premiers à y lancer la culture de cresson», raconte Sujeet Balchand. L’homme nous offre une visite guidée dans le lieu connu comme «Les Mares». C’est là que se trouve la source alimentant tout le réseau d’eau qui irrigue plusieurs autres petites mares où vit le cresson.

Le cresson, Sujeet Balchand connaît très bien. «Depuis mes douze ans, je vis de la culture de cresson, comme mes oncles et la majorité de ma famille.» Le cresson, il l’a dans le sang, affirme-t-il. «Mes grands-parents, à la fois maternels et paternels, étaient cultivateurs de cresson. Mon père aussi.» Reste qu’il ne saurait dire quand exactement a commencé la longue histoire de sa famille avec le cresson.

Mais ce dont il est certain, c’est qu’il n’est pas question que ses enfants reprennent le flambeau. Et ce, bien que «le cresson (ait) permis à mon père de nourrir quatre enfants, de progresser en construisant une maison et en achetant des véhicules». Mais ce n’est plus, aujourd’hui, le cas de Sujeet Balchand. «Au lieu d’acheter des véhicules, j’ai dû vendre ceux que je possédais», lâche, amer, l’homme qui dit lutter la plupart du temps.

Afin de «survivre et joindre les deux bouts», poursuit-il, il se retrouve obligé de cultiver des légumes. Sujeet Balchand blâme les foreuses qui pompent de l’eau de la nappe d’eau souterraine sur laquelle se trouve Carreau Esnouf pour en fournir aux établissements sucriers. Résultat : «Nous n’avons de l’eau en abondance que quatre mois, contre 10, 11 mois dans le passé.»

Et ce passé, il aura été glorieux, souligne Sujeet Balchand. «À l’époque, le cresson était acheminé d’ici à Port-Louis en train. Aucun planteur ne s’y rendait et ce n’est qu’à la fin de la semaine qu’il allait récupérer son argent dans la capitale. C’était l’abondance et la confiance…»