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Perspectives: l’État et la Culture

29 mai 2017, 00:17

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Perspectives: l’État et la Culture

Champ d’intervention de l’État. Celui-ci doit-il intervenir dans le domaine de la culture? Quels sont son champ d’intervention, ses modalités et ses finalités? Le champ d’intervention regroupe quatre aspects : ce que fait l’État, ce qu’il peut faire, ce qu’il doit faire et ce qu’il ne doit pas faire.

Ce que peut faire l’État. Que peut faire un pays démocratique dans le domaine de la politique culturelle? Étant donné que l’État n’est pas le seul opérateur dans le domaine culturel, le débat porte sur les fonctions culturelles qui seraient par excellence étatiques et celles qui relèveraient du privé. En règle générale, le clivage passe entre «enseigner et conserver», d’une part (patrimoine, musées, grands établissements d’enseignement) et, «créer et produire», d’autre part (arts vivants, commandes aux artistes, etc.). Les comparaisons internationales montrent que le consensus s’établit sur le premier versant et en particulier sur la nécessité de contribuer, par des aides appropriées, à un plus large accès à la culture. Le Royal Charter de 1967 de l’Arts Council en Grande-Bretagne définit ainsi cette mission: «Développer et améliorer la connaissance, la compréhension et la pratique des arts, rendre les arts plus accessibles au public.»

Ce que doit faire l’État. L’État doit intervenir sur trois plans. Pour commencer, la préservation du patrimoine, en évitant le piège du «Tout-culturel». Puis le droit à la culture qui renferme deux notions: la notion de «droit-liberté», qui limite l’intervention de l’État et garantit le citoyen contre l’imposition de tel ou tel type de culture, et la notion de «droit-créance», qui implique au contraire une extension de l’activité de l’État pour donner aux citoyens les moyens intellectuels d’accéder à la culture. Finalement, la réglementation: en fixant les règles, l’État doit permettre le libre jeu des forces de la création.

Un Arts Council (Angleterre) à la place d’un ministère de la Culture…

Ce que l’État ne doit pas faire. L’État n’est pas et ne doit pas être un mécène. Pour trois raisons. D’abord L’argent public n’appartient nullement à l’État moderne. Un ministre de la Culture ne doit pas allouer directement des contrats à des «opérateurs culturels». Toute attribution de contrat doit se faire dans un cadre légal rigoureux.

Par ailleurs, l’État est un mauvais mécène. Personne ne peut décréter qu’un artiste est un artiste. Une autre raison c’est qu’il y a un risque de confusion entre ce rôle d’acteur de l’État dans la fabrication de l’imaginaire social et son rôle d’arbitre impartial. Un ministre de la Culture n’en demeure pas moins ministre, c’est-à-dire homme politique. L’histoire fourmille d’exemples où cette confusion de rôles aboutit à une Culture d’État au service d’une clique politique.

Bref, l’État, à travers le ministère de la Culture, n’a «absolument rien à voir avec les enjeux de l’art, ses tendances, ses valeurs. Il a à voir avec l’accès à l’art, sa diffusion, sa conservation».

National Endowment for the Arts, aux États-Unis, où il n’existe pas de ministère de la Culture…

Modalités. Pour ce qui est des modalités de l’intervention de l’État, la question qui se pose est la suivante: qui décide? En France, c’est le président de la République qui décide dans deux domaines qui relèvent du ministère de la Culture: les Grands Travaux (Pyramide du Louvre, Bibliothèque nationale de France, etc.) et les Commémorations. À Maurice, qui, au sein de l’État, prend l’initiative dans le domaine culturel?

Pour plus de démocratie, il est souhaitable que les modalités de l’intervention de l’État fassent l’objet d’un débat et d’une décentralisation. Il faudrait s’interroger sur le rôle mineur du Parlement, qui est pourtant la représentation politique nationale, dans le domaine culturel.

Finalités. Toute politique culturelle progressiste devrait s’efforcer de mettre la culture la plus riche à la portée du plus grand nombre. La culture la plus riche, c’est-à-dire le meilleur de ce qui a été pensé, écrit, peint, sculpté, mis en scène, chanté, dansé par les hommes, au-delà de toutes les frontières.

Mettre à la portée du plus grand nombre, c’est-à-dire faire en sorte que le plus grand nombre de citoyens puisse découvrir et apprécier ces oeuvres marquantes de l’humanité, qu’ils jouissent «dans les faits» de l’égalité d’accès à la culture, ce qui implique que l’État, à travers le ministère de la Culture et également le ministère de l’Éducation, en enlève les nombreux obstacles et exige que l’École et les centres culturels locaux jouent vraiment le rôle de médiateur entre les citoyens et la culture.

Quelle politique culturelle pour l’État? Pour qu’une politique culturelle ne soit pas une politique du spectacle ou le spectacle d’une politique, elle doit être d’abord une «politique», c’est-à-dire une action collective structurée par un projet, un ensemble de décisions et des choix à long terme. Elle est jugée sur le nombre, la qualité et la solidité de ses réalisations.

Une politique culturelle doit être «culturelle», c’est-à-dire reposer sur une vision claire et cohérente de la culture. Elle doit démocratiser la culture en respectant l’autonomie de l’art. L’égalité se construit, car la culture, comme la démocratie, n’est pas un état, mais un effort.