Publicité

Les Salines Pilot - L’or blanc: une histoire de souffrance

29 mai 2017, 23:30

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Les Salines Pilot - L’or blanc: une histoire de souffrance

On le dit sel fin, poudreux, gros sel ou blanc. Le sel fait partie du quotidien de tout un chacun. On peut en trouver à Rivière-Noire. Longtemps appelée les Salines Pilot, la réserve appartient à présent au groupe hôtelier Beachcomber.

Assis à l’ombre d’un arbre, Herman. Âgé de 59 ans, il fréquente l’industrie saline depuis bientôt 32 ans. Son visage, ridé et anguleux, est la preuve du travail sous le soleil de plomb de Rivière-Noire. Et il est loin de raccrocher les crampons. «J’espère travailler dans ce secteur encore cinq ans.»

Il est alimentaire. «Il faut être tout le temps aux aguets. Ce travail exige régularité et ponctualité.» Son collègue Clency Casimir et lui se partagent les tâches. Au cas contraire, «j’aurais dû travailler sept jours sur sept».

 

Dans un premier temps, il faut que toutes les salines soient propres et prêtes pour accueillir les eaux salées. «Notre eau provient de Petit-Bambou, qui se trouve un peu plus loin, en direction du Morne.» Il y a 62 bassins dans ces salines où une douzaine de personnes trouvent leur pain quotidien.

Avec l’entrée de l’hiver, les données ont changé. Il faut être «plus patient», l’évaporation prenant plus de temps. En été, «nous avons deux groupes qui travaillent aux salines. Un groupe bosse le matin alors que l’autre s’active l’après-midi».

«La pluie est notre ennemi»

Le travail d’Herman consiste avant tout à ouvrir la pompe et attendre que l’eau soit au même niveau dans chacun des bassins. «Apré bizin atann li kayé ek li pou fer enn laglas lao. Landémin, éna zis pou pas balyé ek ramasé.» Autre travail délicat : le ramassage des fleurs de sel. «Elles sont fragiles. Il faut le faire avec délicatesse.» Il précise : «C’est le sel qui sera utilisé comme gros sel.»

 

De son côté, Clency Casimir affirme que le travail dépend beaucoup des intempéries. «La pluie est notre ennemi. Elle lave le sel et il faut alors tout reprendre à zéro.» Lui aussi soutient qu’il faut être patient. Quatorze ans déjà qu’il est dans le domaine. «Quand l’eau salée a rempli les bassins, il faut boucher les ‘manteliaires’ (les petits trous qui se trouvent dans les bassins par où l’eau passe).» À ce moment, ceux qui doivent extraire le sel sont amenés à faire d’autres tâches. «Ils doivent enlever les algues et les boules de mousse qui couvrent les bassins.»

Petite parenthèse pour parler de la température du sel. Clency Casimir soutient qu’il faut rester vigilant. «L’eau se change en sel, certes. Mais il ne faut pas que la température de l’eau soit au-delà de 28 degrés.» Sinon, le sel ne peut être consommé. «Mon travail consiste justement à veiller à ce que cette eau reste à cette température. Franchement vous dire, ce n’est pas facile.»

 

Par moments, précise Clency Casimir, le sel prend la forme de petites piques. «Impossible d’y marcher. Et une fois les 28 degrés dépassés, c’est encore plus difficile de récolter le sel avec la brosse.» Ce métier, il l’a appris comme Herman, sur le tas. «Les anciens nous montrent comment faire et il faut par la suite en comprendre les rouages.»

Rs 4 la journée… Mais ce travail ne peut être complet sans la collaboration de ceux qui ramassent le sel. Ce métier, Réginial Auguste, 75 ans, l’a exercé pendant plus d’une quarantaine d’années. «Il faut gratter, pousser, mettre en tas et remplir des paniers. Je ne vous dis pas le poids de ces paniers qui contiennent non seulement le sel, mais aussi de l’eau.»  Un travail qui se fait sous un soleil de plomb. «Par jour, il faut compter au moins 120 voyages à effectuer avec les paniers pleins de sel. Et, contrairement à maintenant, la charge des paniers était d’environ 75 à 80 livres…»

Pour cet habitant de Petite-Rivière-Noire, travailler pour Rs 4 la journée n’était certes pas alléchant. «Il fallait se réveiller à trois heures du matin. Puis, il fallait marcher jusqu’aux Salines. À quatre heures, on commence à travailler jusqu’à neuf heures.» Aujourd’hui, constate-t-il, les jeunes ne sont pas intéressés. «Ce travail est en perdition. C’est bien dommage.»