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Mavendra Singh Gohil: «L’homosexualité n’est pas que l’affaire des pauvres»
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Mavendra Singh Gohil: «L’homosexualité n’est pas que l’affaire des pauvres»
Mavendra Singh Gohil était chez nous pour participer à la Marche des fiertés, qui a eu lieu, samedi 3 juin. Militant international des droits humains et particulièrement de la cause LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et trans), le Prince revient sur son «coming out», qui a ébranlé la royauté indienne, ses points de vue et sa vision des choses pour Maurice.
Quand est-ce qu’un Prince se rend-il compte du fait qu’il est gay ?
Un peu comme tout le monde, je présume. À l’âge de 12 ou 13 ans. Mais à l’époque, je ne savais pas ce que c’était. Il n’y avait pas les moyens d’aujourd’hui. Ne parlons même pas de la communication avec les parents au sein de la famille royale. Nous sommes élevés par des gouvernantes. J’ai pris conscience de l’ampleur de la chose graduellement et naturellement.
Et pourquoi un Prince déciderait-il de faire son «coming out» ?
Commençons par faire face à la réalité. Il y a beaucoup d’hypocrisie dans nos sociétés, surtout en ce qui concerne l’homosexualité. À un moment, je me suis marié. Cela a duré 15 mois. Puis, j’ai divorcé…
Marié ? À qui ?
Une femme issue d’une famille royale. Le mariage n’a jamais été consommé. Et en Inde, c’est une raison valable pour demander un divorce…
Votre femme ne vous a-t-elle jamais posé de questions ?
Elle a cru que j’étais impotent. Mais j’ai fait des tests pour prouver le contraire. Et d’autres examens médicaux ont confirmé sa virginité après 15 mois de mariage. Je n’ai pas contesté cela et le divorce s’est fait à l’amiable.
Revenons au «coming out»…
Je disais donc qu’il y a de l’hypocrisie partout. Je suis le seul fils d’une famille, l’héritier du trône, 38e descendant de la lignée Gohil dont l’histoire remonte à 650 ans. Même si l’Inde est une démocratie, nous sommes toujours les garants de cette riche culture et de la tradition qui en découle. Je me suis rendu compte que j’avais une double vie. J’étais homosexuel, mais je ne pouvais pas l’avouer. J’ai fait mon «coming out» auprès de mes parents en 2002. Je suis passé par une dépression et tout ! Ce n’est qu’en 2006 que j’ai fait mon véritable «coming out» public, à travers la presse.
J’ai monté mon organisation non gouvernementale en 2000 et, depuis, je travaille pour la communauté homosexuelle. Pendant tout ce temps, j’ai remarqué qu’il y avait cette perception que l’homosexualité était réservée à la classe moyenne et aux pauvres. Cela ne pouvait pas toucher les riches.
On imagine que cela a dû secouer un peu les riches traditions et cultures…
Évidemment ! Après ce «coming out» public, mes parents m’ont publiquement déshérité. Avec des communiqués dans la presse et tout ! Mais bon, ils se sont vite ravisés car en Inde, il est illégal de déshériter ses enfants. D’ailleurs, toutes les chaînes de télévision avaient fait appel aux avocats du Parquet et ces derniers ont dit que les hommes de loi de mes parents étaient susceptibles d’être radiés pour avoir soutenu une telle mesure.
Mais graduellement, au-delà de l’aspect légal, mes parents sont revenus à de meilleurs sentiments. Après un mois, mon père a émis un autre communiqué pour dire qu’il avait agi sous la pression de la famille et de la société. Pour en revenir aux traditions, lorsque j’ai fait mon «coming out», j’ai dit que j’étais le premier membre de la royauté ayant exposé son homosexualité, mais je n’étais pas le seul. Je sais de quoi je parle lorsque je mentionne l’hypocrisie. Il y a d’autres homosexuels au sein de la royauté. J’étais au courant, tout le monde était au courant, mais personne n’en parle. Mais oui, cela a confirmé une évidence : l’homosexualité n’est pas que l’affaire de pauvres.
Mais on présume que le «coming out» passe mieux avec un titre de noblesse ?
Je ne sais pas si ça passe mieux, mais il est vrai que certaines personnes ont plus d’influence que d’autres. Mon «coming out» a eu l’effet d’un tremblement de terre, mais cela a été très positif. Par exemple, mon histoire a été la première histoire homosexuelle racontée de manière positive dans les médias, surtout les journaux régionaux conservateurs.
Mes ancêtres ont acquis le respect de la population et nous avons toujours cela. Il y a eu de la sensibilisation, les gens ont compris. Vous savez, il y a un club de seniors dans la région. Lorsque mon histoire a été publiée, ils m’ont contacté pour me dire qu’ils souhaitaient me remettre un prix. Pas parce que j’ai dit que j’étais homo, mais pour avoir dit la vérité. Tous ces gens ont vu cette orientation sexuelle d’un autre œil depuis mon histoire. Si c’était la vie de quelqu’un d’autre, cela n’aurait pas eu le même impact. Ma bataille a été pour la vérité et l’honnêteté.
Pensez-vous que votre présence princière puisse changer une partie de la mentalité mauricienne ? Définitivement. Je ne vais pas dire que cela va se faire demain, mais il y aura un impact graduel. Les nouvelles voyagent vite à travers le monde de nos jours. Ma présence fera que, bientôt, le monde sera au courant de ma présence ici et le monde sera sensibilisé aux problèmes des LGBT ici…
Justement, parlons des problèmes locaux. Nous avons l’article 250 du Code pénal qui fait de la sodomie un crime. Un peu l’équivalent de votre article 377. Vous en pensez quoi ?
Ah ! Ces vestiges de la colonisation anglaise. En Inde, comme ici, cette loi a été appliquée après une mutinerie des Indiens, chose impensable pour les Anglais. Ils ont donc essayé, par tous les moyens, d’y mettre bon ordre. À l’époque, les personnes les plus influentes de la société indienne étaient les Hijras (transgenres). Elles avaient le pouvoir, les connexions et l’argent. Il fallait une loi pour les mettre hors d’état de nuire et ils ont pondu ces fameuses lois sur la sodomie et le naturel. Il est intéressant de noter qu’aucune mention des lesbiennes n’est faite dans cette loi qui fait du «non naturel» un crime. Voici un peu l’histoire de notre article 377 et de votre article 250.
Maintenant, la question qui se pose est : qu’est-ce que le gouvernement a à dire sur ce qui se passe dans l’intimité, entre deux individus ? D’ailleurs, cette loi ne sert à rien. Les couples ne vont pas se dénoncer et personne ne s’intéresse à eux. En Inde, cette loi est utilisée pour faire chanter les autres. C’est une loi qui est là pour faire peur.
Mis à part notre article 250, que savez-vous des conditions des homosexuels à l’île Maurice ?
Ils sont un peu comme les nôtres. Nos sociétés sont configurées de la même manière. Ce ne sont pas les lois qui font les hommes, mais les hommes qui font la loi. Du moins, ils la façonnent. C’est la société qui dicte ce que les autres doivent faire. C’est la société, et non les lois, qui impose des restrictions sur tout ce qui est considéré comme non naturel ou non moral ou je ne sais quoi. C’est la société qui décide du futur des gens.
Par exemple, avec la pression du mariage, il y a des gays qui finissent par se marier avec des filles malgré l’absence d’attirance sexuelle. Qui y gagne ? Ni la fille, ni l’homme. Je suis bien placé pour le savoir. Dans nos sociétés, il n’y a aucune loi qui oblige les enfants à obéir à leurs parents, qui les forcent à se marier. Ce sont les gens eux-mêmes qui décident.
Et puis, on sait tous que dans nos sociétés, on en fait tout un drame. Le chantage émotionnel existe. La mère va menacer de se jeter dans un puits si son fils ne se marie pas et le fils finira par s’y résigner.Comme en Inde, la communauté LGBT mauricienne ne demande pas de faveurs. Elle ne demande que ses droits. Cette communauté contribue à la société comme toutes les autres. Elle mérite donc le même traitement.
Que fait un Prince durant son temps libre ?
Je joue de l’harmonium et je fais du yoga. Je milite aussi pour la conservation de notre héritage. Je suis également un passionné de nature. J’ai mes animaux de compagnie… comme tout le monde.
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