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Le marketing du sport: les secrets de Melissa Vincent-Dalais
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Le marketing du sport: les secrets de Melissa Vincent-Dalais
Seule médaillée d’or en natation aux Jeux des îles de 2003 à Maurice, Melissa Vincent, maintenant Dalais, nage dans les eaux profondes du marketing. Elle nous livre quelques-uns de ses secrets de fabrication et prodigue de précieux conseils aux sportifs en herbe. Immersion avec un «dauphin » qui manie le «franglais»…
Vous êtes directrice marketing de RSVP-Events. En quoi consiste ce job ?
– Nous avons commencé comme une compagnie d’événementiel et puis nous avons eu une opportunité avec les centres commerciaux. Après un seul centre commercial, nous en gérons cinq maintenant. Nous avons aussi un département qui s’occupe du retail marketing and social media management du client. Et à travers les événements sportifs où nous nous occupons de l’organisation et de la logistique, nos clients nous demandent du marketing sportif. Donc nous avons restructuré la compagnie pour offrir un one-stop shop pour les événements sportifs.
Quelque part, j’ai fait une boucle, car je suis revenue au sport. J’ai revu des gens, dont des journalistes qui me suivaient avant et qui faisaient partie de ma vie, avant de me marier ou de travailler et cela fait plaisir. Par exemple, il y a un photographe dont je ne me souviens pas du nom qui a les cheveux blancs (NdlR : nous lui soufflons le nom de Lindsay Kadarasen, notre photographe). Je l’ai vu sur mes événements et il y a toujours une boutade sur la natation. C’est sympa.
Qu’est-ce qui vous a poussée à choisir ce secteur du marketing sportif ?
– C’est un concours de circonstances. On fait bien nos événements sportifs surtout le côté logistique. Le système qu’on a mis en place marche bien et la demande est là.
Vous parlez de votre compagnie comme d’une entité qui fait partie de vous…
– On est trois dames directrices, ma soeur Natalie, notre amie Loren d’Arifat et moi. Entre nous, il y a une très bonne amitié et une bonne entente et on gère la compagnie comme une famille, avec beaucoup de sacrifices. Toutes les autres employées sont des femmes. On est à douze (rires). Nos employées sont comme nos filles et des tantes pour mes enfants. Ça discute de tout, on partage tout, comme nos passions en dehors du travail et notre vie familiale.
Comment choisissez-vous un projet ?
– Les clients viennent vers nous et il y a le bouche-à-oreille vu que nous ne faisons pas beaucoup de publicité. La logistique reste plus ou moins la même, surtout pour les événements sportifs. Puis il y a les spécifications propres à chaque sport. C’est excitant parce que ça change tout le temps. On rencontre des gens incroyables et humbles qui sont dédiés à leur sport.
Votre entreprise a travaillé sur un projet squash et vous préparez l’Afrobasket en juillet. Comment vend-on le produit sachant que ce sont deux univers différents ?
– On fait beaucoup de recherche en apprenant l’historique du sport. On communique beaucoup avec le client et on est en contact avec les athlètes qui nous fournissent les informations. Pour le squash, dès le départ on a échangé avec les athlètes et il y a eu une super synergie. Les joueurs internationaux ont vécu une super expérience de l’hospitalité mauricienne et sont repartis avec de très bons souvenirs.
Donc, c’est l’athlète qui devient le centre du projet et qui détermine sa philosophie…
– Oui, parce qu’il faut que tout soit dans les meilleures conditions pour que l’athlète puisse faire une bonne performance. C’est important de prendre en considération le logement. Natalie et Loren me demandent souvent mes conseils par rapport à mon expérience de compétition à l’étranger. Par exemple, quelles étaient mes préférences et les soucis que je rencontrais. Au final, le sportif doit se sentir confortable et bien entouré parce que he needs to perform qu’il ait 15 ou 25 ans.
Cela dit, le budget est un frein. Dans le monde sportif, malheureusement, l’argent est un problème. Il faut être bien soutenu à travers les sponsors que nous ou le client cherchons. Le sponsor veut un retour sur ses investissements et c’est pour cela qu’il faut avoir un bon budget de communication. Ce n’est pas souvent le cas car le marketing est souvent la dernière chose dans laquelle on dépense.
L’aspect communal est enraciné à Maurice. Est-ce que cela entre en considération dans les projets où on essaie d’éviter ?
– Sport is sport! You’re not judged on your religion or your colour, you’re judged on how good you are. If you’re the best, you are the best. C’est ça le plus important. Le «best» veut dire, c’est celui qui a du talent, qui fait le plus de sacrifices et qui travaille le plus dur. Peu importe qui il est et d’où il sort. On fait déjà tellement de sacrifices que d’avoir cette négativité là, ce n’est pas constructif.
Vous qui avez vécu en Afrique-du-Sud, Namibie et les Seychelles, comment avez-vu perçu ce communalisme ?
– Vous savez, ça existe partout. C’est à chacun de voir si on se conforme à cela ou pas. C’est plus facile pour un sportif de dépasser ces barrières parce qu’on est là pour le sport.
Pensez-vous que le message n’est pas assez véhiculé pour dépasser les barrières communales ?
– Le sport peut véhiculer ce message et bien d’autres encore. C’est une good zone. C’est quelque chose de constructif. Ça fait des gens se dépasser, se discipliner.
Justement, comment le sport vous a aidée dans votre vie ?
– Cela m’a beaucoup aidée dans ma vie professionnelle. En étant disciplinée, dedicated, à savoir faire des sacrifices et à avoir l’esprit d’équipe. Le sport véhicule tous ces messages-là et cela donne une direction à des gens qui n’en ont pas. Surtout que les jeunes, maintenant, ne font pas assez de sport. La priorité, c’est les études. Il faut une balance.
Il faut aussi work hard car nothing comes easy. Si on veut réussir, il faut se battre car rien n’est offert sur un plateau. J’ai toujours été indépendante depuis très jeune et c’est le sport qui a fait de moi ce que je suis. Quand on est jeune, on ne s’engage pas vraiment dans quelque chose. Dans le monde du travail, on doit faire preuve de l’engagement et prendre nos responsabilités. Donc le sport est une bonne école pour se préparer à cela.
Vous avez déclaré dans le passé : «La natation est une discipline égoïste et je n’aime pas cela. Des fois, je me dis que je suis trop sensible pour faire ce sport.» Qu’est-ce qui vous a fait tenir aussi longtemps dans la natation ?
– J’ai fait un sport individuel mais il y a quand même toute une équipe autour. Pour pouvoir réussir dans notre couloir, on est seul et c’est une performance individuelle. Dans les sports d’équipe, il y a des valeurs incroyables. Tour le monde travaille ensemble en unité pour nous amener vers le haut. Dans le business, c’est exactement cela. C’est la united force qui brille, pas seulement une personne. Si tu apprends cela dès le jeune âge, quand tu entres dans le monde du travail, tu es plus dans l’optique de construction, building up every body around you que d’être singular. Je suis convaincue que de bons sportifs make good leaders. C’est vrai que la natation est une discipline égoïste. Je vois ça en mon frère (NdlR : Le nageur Bradley Vincent). Il adore son équipe, mais il est aussi très focalisé sur lui. Il a besoin de bien manger, de bien dormir, donc être à son rythme pour pouvoir bien perform.
Comment fait-on face à des injustices, comme celle où votre bourse avait été réduite de moitié alors que vous n’aviez pu faire de performances aux Championnats d’Afrique au Sénégal parce que vous étiez malade ?
– J’ai fait face à beaucoup de choses pendant ma carrière de natation (soupir…). On était, je crois, 22 nageurs, toutes délégations confondues à être malades ce jour-là à cause de la nourriture. Il y avait une nurse dans ma chambre pour veiller sur moi parce que j’étais sous perfusion. Et j’avais tenu à nager. Je m’en souviendrai toute ma vie parce que pour la première fois, j’avais dû creuser au fond de moi pour ne serait-ce que finir ma course. Même lever les bras était difficile.
Comment ces déceptions vous ont-elles forgée ?
– On passe par toutes les émotions. You just pick yourself up and you keep going because you know what you want to do. You know what you want to achieve because you’ve got a goal. A la fin de la journée, ce n’est pas uniquement la performance, c’est la persévérance. J’avais aussi le soutien de Michael Glover (NdlR : ancien ministre des Sports).
Aujourd’hui, je peux dire que cela m’a aidée. Quand il y a des injustices et des difficultés, you get up and move on. Either you give up or you keep going. Je pense que c’est dû à mon esprit de compétition.
D’où vient cet esprit de compétition ?
– Je crois que c’est inné.
Ça se construit aussi ?
– Non, je crois que c’est inné…
Grâce à vos parents sportifs ?
– Ma mère était athlète et avait participé aux Jeux des îles de 1979 à la Réunion. Et mon père a fait tous les sports et ça a toujours été son grand discours. Il a été très dur par rapport à ça. Il nous a toujours dit que cela va nous aider dans notre vie.
C’est inné et je vois ça avec mes enfants. Surtout ma fille (sourire). Elle est incroyable, elle n’aime pas perdre (rires). Mon fils aussi et mon mari qui a aussi l’esprit compétitif. C’était sûr qu’on allait produire des petits…
…champions ?
– Je ne sais pas s’ils vont être champions, mais en tout cas, ils n’aiment pas perdre (rires). Mais on peut aussi devenir compétitif parce qu’on veut réussir dans quelque chose. Mais le fait de l’avoir dans ses tripes et qu’on n’a même pas le choix et que ça sort malgré toi, cela fait une grande différence. On ne cède pas face à l’autre.
C’est ce qui fait la différence entre un champion et un sportif «ordinaire» ?
– C’est clair.
C’est ce qui a fait la différence en 2003 pour la médaille d’or ?
– Oui, je pense. Ce n’était pas facile. La Réunion était toujours forte, mais ils ont été particulièrement très forts en 2003. Depuis quelques années, Maurice et les Seychelles montent en puissance.
Malheureusement à Maurice, à un certain âge, tout le monde, y compris de bons talents, arrête. Chaque quatre ans, on se retrouve avec encore une équipe jeune qu’on doit reconstruire. C’est dommage.
Imaginez que vous êtes ministre des Sports, quelle est votre première priorité ?
– Quelle question ! (sourire…). Il faut mettre l’athlète au centre de toutes les décisions et se dissocier de la politique. Dans certaines disciplines, ils mettent l’athlète au centre. D’autres sont très politisées. A chaque fois qu’on ouvre les journaux, il y a des scandales et c’est dommage parce que le sport en lui-même est sain. Même les gens qui ne sont pas dans le sport pensent qu’il y a des problèmes dans ce domaine.
Il faut mettre le sportif en avant. Dans la campagne marketing qu’on a faite, c’était «all about the athlete». Qu’est-ce qu’ils font ? Comment ils se préparent ? Tous les sportifs ont leurs petites habitudes. Je me souviens que j’avais un rituel alimentaire. Le matin je préparais mon linge comme ça, je prenais tel sac et je remarque que c’est la même chose avec mon frère parce qu’on a peur que si on bouscule ces habitudes, on ne peut pas perform (rires).
Quand on écoute les radios aussi, par exemple, il y a 5% de ce qui se passe chez nous et le reste c’est de l’international. On veut savoir aussi ce qui se passe à Maurice. On ne sait pasassez. Je salue l’initiative du ministère qui a fait un atelier de travail dernièrement avec les médias, les dirigeants et les anciens sportifs pour voir comment on peut s’améliorer.
Et la deuxième priorité ?
– Il faut avoir des infrastructures de niveau international et qu’elles soient accessibles. Depuis que je nage, il y a les mêmes plots ! Il n’y a pas de warm down pool. Je parle pour la natation parce que je connais cette discipline. Il faut qu’il y ait des équipements de niveau mondial. Au stade Anjalay, par exemple, il y a des trous sur la piste.
Pour une petite île comme Maurice, nous avons énormément de talents. Nous n’avons pas d’infrastructures comme à l’extérieur. C’est d’ailleurs pourquoi beaucoup de nos athlètes vont à l’étranger. C’est incroyable que même sans tout cela, on peut produire des world-class athletes en boxe ou en athlétisme.
Avec vos connaissances du sport, pensez-vous que Maurice est prête pour les JIOI de 2019 ?
– C’est une question que chaque pays se pose tous les quatre ans. Il n’y a pas beaucoup de temps, mais s’ils ont une bonne stratégie et un bon plan et de bons partenaires, ils peuvent y arriver. Il faut rester concentré, unis et ne pas s’éparpiller. Et j’espère que le secteur privé va aider.
Pour le sportif, c’est maintenant qu’il faut travailler, et pas un an avant. Pendant les Jeux, enjoy it au maximum ! Profitez de tout. Partagez avec les autres ! Allez voir les autres sports. Support your team, Mauritius. Je garde de super souvenirs, et je regrette de ne pas avoir assez enjoy. Avec le recul, je me dis quej’aurais dû aller regarder davantage les autres athlètes.
Mais j’aurais adoré donner un coup de main pour les prochains Jeux. J’ai du vécu et je peux apporter quelque chose.
Dauphin, carpe ou requin dans la vie ?
Cela dépend de la situation. (Rires) Dans la vie, il faut savoir s’adapter et ne pas rester rigide. Des fois, je suis un dauphin et des fois un requin, pas un requin sournois, mais direct, I go for what I want. (Longue réflexion). Je pense que je suis juste un dauphin, parce qu’un dauphin sait ce qu’il veut en étant émotionnel.
«No man is an island» (NdlR: elle y fait mention dans sa description personnelle sur le site de RSVP-Events), cela sous-entend quoi pour vous ?
– Il ne faut pas croire qu’on est seul. Il y a toujours quelqu’un qui peut nous aider. C’est marrant parce que je viens d’envoyer un mail à mon équipe pour leur dire que «vous n’êtes pas seul». Many brains are better than one. Tout le monde peut apprendre des situations des autres. We can also observe and learn, learn from other people’s mistakes instead of making your own. Making your own is good, mais si on peut l’éviter, pourquoi pas.
Sa vie en résumé
<p>20 octobre 1984 – Naissance en Afrique du Sud</p>
<p>2001 – Retour à Maurice</p>
<p>Août 2003 – Seule médaillée d’or mauricienne en natation aux Jeux des îles de l’océan Indien (JIOI) à Maurice.</p>
<p>2006 – Intègre le «High Performance Center» de natation en Afrique du Sud. Elle nage, étudie et travail à mi-temps. Apprend que sa soeur est diagnostiquée d’un cancer. Sa soeur se bat, Melissa aussi et réussit à traverser cette partie éprouvante de sa vie.</p>
<p>2007 – Finit ses études et prend sa retraite sportive après les JIOI de Madagascar. Débute sa carrière professionnelle.</p>
<p>24 octobre 2009 – Mariage avec Guillaume</p>
<p>26 août 2010 – Naissance de sa fille Louise</p>
<p>25 Juillet 2013 – Naissance de son fils Samuel</p>
<p>9. Juillet 2017 – Naissance à venir du petit dernier</p>
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