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Menaces Américano-Britanniques: ces risques qui pèsent sur les échanges commerciaux

29 juin 2017, 23:30

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Menaces Américano-Britanniques: ces risques qui pèsent sur les échanges commerciaux

Le contentieux territorial sur les Chagos entre Maurice, le Royaume-Uni et les États-Unis risque-t-il d’affecter les négociations commerciales entre Maurice et le Royaume-Uni après son retrait de l’Union européenne (UE) ? Fort probablement, selon l’économiste et auteur Eric Ng.

Une question d’autant plus pertinente pour le secteur de l’exportation, dont les principaux marchés sont la Grande-Bretagne et les États-Unis. «Notre combat sur les Chagos aura un prix», soutient Eric Ng. Et ce, bien qu’il ne pense pas que le Royaume-Uni ira jusqu’à fermer ses frontières aux Mauriciens. Ces répercussions pourraient prendre la forme de barrières non tarifaires comme de nouvelles normes sanitaires et phytosanitaires.

En ce qui concerne les États-Unis, Assad Buglah, ex-directeur de la Trade Policy Unit au ministère des Affaires étrangères, estime que les menaces proférées à l’encontre de Maurice de la part des Américains plongent le pays dans une certaine incertitude. Car nul ne sait sous quelle forme ces menaces vont se manifester. Toutefois, explique-t-il, si mesures de représailles commerciales devaient y avoir, leur impact dépend de la marge de manœuvre dont dispose Maurice, dans le cadre de son pouvoir de négociation avec ces deux pays.

«La marge de manœuvre de Maurice par rapport aux États-Unis est très limitée si on suppose que des mesures peuvent être prises au niveau de l’Africa Growth and Opportunity Act (AGOA). Les facilités dont bé- néficie Maurice émanent d’une initiative unilatérale», avance Assad Buglah. Maurice ne pourra rien faire si les ÉtatsUnis décident, par exemple, de revoir les critères donnant droit aux bénéfices de l’AGOA. «Les États-Unis peuvent décréter que la situation économique de Maurice l’exclut de la liste des pays éligibles à bénéficier des avantages associés à l’AGOA. Personne ne peut empêcher les États-Unis de prendre les mesures qu’ils estiment nécessaires.»

Négociations

 Par contre, Assad Buglah est plus mesuré par rapport à la posture des Britanniques. «Le vote concernant les Chagos arrive à un moment où les Britanniques doivent gérer la situation suivant leur retrait de l’Union européenne. Ils seront occupés à négocier des accords.» Cependant, dans une négociation à deux, impliquant un protagoniste de la taille du Royaume-Uni ou des États-Unis, la marge de manœuvre de Maurice est réduite.

Dans ses négociations, Maurice ne doit pas mélanger les questions associées à la résolution concernant les Chagos aux relations commerciales et économiques. Le pays ne doit pas non plus modifier la ligne de conduite de sa stratégie diplomatique, qui repose sur le soutien des pays ayant voté en sa faveur. «Maurice doit travailler pour se rapprocher des pays qui se sont abstenus, surtout la Chine, la Turquie et la Russie.»

Les exportateurs font quant à eux la distinction entre le vote des Chagos et celui des négociations commerciales avec la Grande-Bretagne. Pour Lilowtee Rajmun-Jooseery, directrice de la Mauritius Export Association (MEXA), le cas des Chagos et les négociations commerciales sont «deux choses différentes», l’un étant politique et l’autre économique. C’est surtout les négociations entre l’Union européenne et le Royaume-Uni qui intéressent le secteur actuellement. «Si l’on se dirige vers un soft Brexit, comme tout laisse présager pour l’heure, cela ne sera que bénéfique pour nous.»

La directrice de la MEXA rappelle, dans la foulée, que Maurice fait partie de l’Eastern and Southern African Countries, bloc économique qui a déjà un accord commercial avec l’Union européenne. Les négociations se feront donc en groupe, un avantage certain pour le pays. Par ailleurs, Lilowtee RajmunJooseery indique que, selon les règles établies par l’Organisation mondiale du commerce, il est peu probable qu’un pays puisse prendre unilatéralement des mesures de représailles contre un autre pays.

Quelles sont donc les options pour Maurice dans de telles circonstances ? La meilleure solution, selon Eric Ng, demeure la diversification des marchés. «Maurice devra être moins dépendant du RoyaumeUni. Bien entendu, la diversification est un processus qui prend du temps, mais il faudra que l’on s’y mette davantage.» Si les mesures de représailles se concrétisent, il est évident que la situation de nos échanges commerciaux avec l’étranger, qui sont déjà défavorables à Maurice (NdlR, un déficit commercial en hausse de 38,4 % en avril 2017 comparé à avril 2016), va se détériorer.

D’où l’appel des économistes pour instaurer un vaste programme de diversification. «La diversification, qui nous a été si bénéfique depuis quatre décennies, doit être toujours à l’ordre du jour», selon l’économiste Pierre Dinan. Il propose la diversification des produits manufacturés, des produits agricoles, des services financiers, entre autres.

Avis que partage Assad Buglah. Il préconise la diversification des marchés des produits phares du secteur d’exportation, dont le sucre, le textile, la diversification au niveau de la conception et de la fabrication des produits de tous les secteurs d’activités économiques et la diversification des modes de production.