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Jean-Michel Giraud: «Il faut interdire à un directeur de siéger sur plus de deux conseils d’administration»
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Jean-Michel Giraud: «Il faut interdire à un directeur de siéger sur plus de deux conseils d’administration»
Cela fait deux ans que vous vous êtes retiré de la vie professionnelle. Quel regard portez-vous sur la communauté des affaires ?
Je note une réalité du secteur privé qui perdure toujours. Il s’agit de la présence de plusieurs groupes mauriciens qui sont présents de façon dominante dans un grand nombre de secteurs d’activités à Maurice. Par conséquent, les petits entrepreneurs qui veulent développer des activités n’ont plus d’espace pour opérer et ne peuvent offrir leurs services qu’à plus de 1 000 compagnies qui font ellesmêmes partie de gros conglomérats. Du coup, ces petits entrepreneurs sont condamnés à rester petits.
Quelles sont les solutions ?
Il n’y pas mille solutions. Il faut limiter les activités de ces groupes à trois ou quatre secteurs économiques, c’est-à-dire qu’ils ne doivent pas contrôler les conseils d’administration de plus de trois ou quatre compagnies. Il faut également interdire à tout directeur de siéger sur plus de deux conseils d’administration. Dans la foulée, j’estime qu’il est aussi raisonnable d’interdire à des holdings de percevoir des management fees de compagnies listées. Cela, surtout lorsque ces feessont basés sur le chiffre d’affaires.
Est-ce une pratique courante au niveau de grands groupes ?
Bien sûr. Il n’y avait pas que le groupe BAI qui le pratiquait. D’autres conglomérats le font aujourd’hui. Ce que je considère comme étant injuste pour les petits actionnaires!
Pour revenir aux risques de concentration de certains groupes, où des directeurs siègent sur une douzaine de «boards», que proposez-vous ?
Il faut que la Competition Commission s’assure qu’il n’y ait pas d’abus de la part de compagnies qui se regroupent pour contrôler le mar- ché. À terme, il faut taxer lourdement les dividendes des entreprises perçus par les gros actionnaires. Je sais que le dernier exercice budgétaire a pris une décision dans ce sens. Il faut aller plus loin pour décourager la présence du même directeur sur plusieurs conseils d’administration.
Comment analysez-vous aujourd’hui, avec du recul, le rapport employés-entreprises ?
Depuis que je me suis retiré d’UBP en juin 2015, je me suis rendu compte que j’évoluais dans une entreprise où j’avais beau- coup de pouvoir. Globalement, les employés y avaient développé un sens d’appartenance et de responsabilité, voire une fidélité. Dans ma naïveté, j’imaginais que, généralement, c’était le cas dans la plupart des grands groupes mauriciens. Or, en parlant autour de moi, je note que cela n’est pas nécessairement la même réalité dans d’autres entreprises.
Pourquoi ?
Tout simplement parce que les employés sentent qu’ils ne sont pas on board pour participer à l’activité économique de l’entreprise. Aujourd’hui, force est de constater que le fossé entre les riches et les pauvres se creuse. Il y a visiblement des signes qui montrent que la classe moyenne est au bout du rouleau et n’a pas d’espoir. Ce qui me désespère le plus, c’est qu’à la fin de la journée, tout le monde a les mêmes aspirations, soit gagner plus d’argent pour pouvoir éduquer, nourrir et soigner sa famille.
Que faut-il faire pour sortir de cette impasse ?
J’ai pensé à quelques mesures qui pourraient être facilement mises en pratique et aider les gens de la classe moyenne à respirer. Je recommande ainsi à réduire le temps de travail de 45 heures à 40 heures par semaine, là où ce n’est pas encore le cas, évidemment. Ce qui implique cinq jours de travail de 8 heures à 17 heures, en plus de cinq heures le samedi.
Je propose également que les salariés touchant Rs 30 000 ou plus et qui ne perçoivent générale- ment pas d’heures supplémentaires puissent en disposer jusqu’à un salaire mensuel de Rs 60 000. Mieux : les revenus engrangés par ces heures supplémentaires ne doivent pas être taxés.
Plus généralement, je pense que toutes les compagnies listées ou ayant un chiffre d’affaires de plus de Rs 500 millions doivent obligatoirement introduire un système de participation au profit. Et qu’à partir du moment où elles dis- tribuent des dividendes aux action- naires, elles doivent aussi distribuer un bonus à tous les employés, en appliquant le même pourcentage de dividende sur le salaire annuel de base de l’employé.
J’estime qu’il faut arrêter avec l’idée que le patronat répète à longueur de journée qu’il ne peut pas augmenter les salaires. Cela, par crainte de perdre la compétitivité de l’entreprise. Eh bien, quand ils font des profits, il faut qu’ils partagent avec tous les employés.
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