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Alexandre Barbès-Pougnet: «Chez les Blancs, il n’y a pas que des riches»

2 juillet 2017, 15:56

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Alexandre Barbès-Pougnet: «Chez les Blancs, il n’y a pas que des riches»

Primo-candidat dans la petite trentaine, juriste de profession, Alexandre Barbès-Pougnet, président du Ralliement citoyen pour la patrie (RCP), a été le premier à se déclarer pour la partielle à Belle-Rose - Quatre-Bornes (n°18). Pour proposer quoi? Le plus simple était de le lui demander. Rencontre à la pause-déjeuner autour d’un club sandwich.

Commençons par une devinette. Qui a dit : «Maurice est pourrie de l’intérieur. La démocratie est de façade et les institutions sont une farce» ?

Ça pourrait être Parvèz Dookhy (NdlR, le fondateur et vice-président du RCP).

Bien vu. Êtes-vous du même avis ?

Totalement.

À quoi bon briguer les suffrages dans une démocratie de façade ?

Ce n’est pas parce qu’on n’est pas d’accord avec la façon dont fonctionne la société qu’on ne doit pas être là quand il y a un rendez-vous politique. Le but ultime de mon parti va au-delà de la partielle : c’est l’adoption d’une nouvelle Constitution rédigée par les citoyens. Celle que nous avons date de 1965, il y a comme un vieux relent de colonialisme. C’est un texte qui divise les Mauriciens et verrouille l’avenir.

Une nouvelle Constitution, c’est ce que vous allez «vendre» à la partielle ?

Le principal enjeu est de nous faire entendre un peu. En dehors d’une campagne, les propositions qui innovent sont inaudibles. On va en profiter pour expliquer nos idées et présenter deux programmes, un régional et un national.

Quel sera le principal message ?

Le changement est entre vos mains. On ne peut pas passer son temps à critiquer les partis traditionnels et, au moment de voter, réinstaller les mêmes. En 2014, les Mauriciens ont exprimé leur dégoût d’une certaine politique à l’ancienne, celle du Parti travailliste et du MMM. Depuis, le MSM, le dernier des «gros», suscite un fort rejet. Je suis curieux de voir si les électeurs iront au bout de la démarche, s’ils achèveront le vieux système.

À votre avis ?

Il n’y a aucune raison de subir l’incompétence et de se taire. L’autre jour, je regardais une vidéo de Monsieur Dan Baboo (NdlR, l’ancien ministre des Arts et de la Culture). Un journaliste le taquine sur son bilan et sa réponse est juste hallucinante. En gros : «On dit que mon ministère n’a rien foutu alors qu’on a organisé un défilé de chars Disney.» C’est embêtant… Ne pas subir, c’est aussi porter les intérêts des citoyens. Pourquoi les questions d’environnement ou d’accès aux loisirs seraient-elles hors sujet dans une partielle ? Ce n’est pas plus con que le reste. L’environnement devrait être l’enjeu numéro un. Ce n’est pas juste des plages qui s’érodent et des filaos qui crèvent. C’est aussi les pesticides, tout ce qui est destructeur, tout ce qui fait qu’on mange mal et qu’on meurt de ce qu’on mange. Il y a un monde qui se détruit.

Et vous, quel est votre monde ?

 Je viens du monde associatif. J’ai pas mal milité autour des questions d’écologie et de lutte contre la pauvreté.

Comment êtes-vous né à la politique ?

Quand j’ai touché du doigt les limites de l’action associative, c’est là que j’ai sauté le pas. En 2014, le MMM m’a contacté. J’écrivais beaucoup dans les journaux, un militant m’a repéré et m’a dit : «Je vais parler de toi à Paul.» J’ai été invité par Satish Boolell à passer une sorte d’entretien d’embauche, ça s’est bien passé mais je n’ai pas donné suite.

Pourquoi ?

Ils m’ont proposé de rejoindre leur équipe de communication. Au début, je me suis dit pourquoi pas. J’ai vite été mal à l’aise par la hiérarchie très verticale. Pour faire avancer le moindre truc, il fallait douze autorisations, ou bien attendre de monter en grade, ça ne correspondait pas à ma vision de la politique. Le RCP est venu me chercher peu de temps après, je m’y suis plu tout de suite. On est en mode start-up, avec un management horizontal et un shadow cabinet de quinze personnes, toutes des pointures dans leur domaine.

Par exemple…

Notre responsable de la politique agricole est chercheur en biologie moléculaire à l’université McGill, au Canada. Il est spécialisé dans l’adaptation des techniques agricoles au changement climatique. De quel meilleur ministre de l’agriculture pourrait-on rêver?

Votre «start-up» arbore le mot «patrie» alors que son fondateur vit à Paris. On a vu plus patriote…

Depuis Paris, Parvèz est bien mieux informé que la majorité des Mauriciens. Nous avons un réseau d’informateurs et un archiviste très efficaces. Il sait tout sur tous les politiciens. Il a des centaines de fiches où il note tout : parcours, réseaux, déclarations publiques... C’est précieux.

Que dit la fiche de Roshi Bhadain ?

Pour lui, je n’ai pas besoin de fiche (rire). C’est un homme intelligent mais manipulateur. Je ne crois pas qu’il ait démissionné à cause du Metro Express, c’est un prétexte. Ce qui l’intéresse, c’est de donner une légitimité à son parti.

Et le Premier ministre, qu’évoque-t-il à un jeune politicien de 30 ans ?

(Il réfléchit) Comme je n’ai pas envie d’être blessant, je me contenterais de dire que rien n’est plus frustrant que de voir un fils contestable succéder à un père contesté. Mais ce n’est pas ce qui me scandalise le plus.

Qu’est-ce qui vous scandalise ?

L’incompétence, le fait de placer les mauvaises personnes aux mauvais postes pour de mauvaises raisons. La dictature de la rentabilité financière immédiate. Le manque de confiance en nous, je trouve insupportable cette mode du soyons-Dubaï, soyons-Singapour. Soyons nous-même, ce sera très bien! Pourquoi faudrait-il un Macron mauricien ? Pourquoi n’aurait-on pas un Sanjay qui impressionne le monde ? Nous sommes un peuple qui n’a pas confiance en lui, un peuple qui ne s’aime pas beaucoup.

Justement, dans un pays qui se dit dégoûté par sa classe politique, à la fin, ce sont toujours les «gros» qui gagnent. Pourquoi ? Et comment tirer les barons du feu ?

La fainéantise intellectuelle de l’électorat est en partie responsable de cette situation. Nombreux sont ceux qui votent les yeux fermés, sans faire l’effort de comparer les discours aux actes et aux résultats. Ceux-là se font facilement berner par un beau discours ou un bon briyani. Une autre raison est liée à notre époque, où l’immédiateté et l’individualisme dominent. L’électeur veut bien aller voter, mais à condition de gagner quelque chose, et tout de suite. Quand vous faites ça, quand vous privilégiez votre confort immédiat, vous hypothéquez le bien-être collectif à long terme. Moi, mon but n’est pas de distribuer des frigos ; c’est de faire en sorte à ce que les gens puissent se l’acheter.

Et maintenant, le chiffre qui fait mal: 80 % des candidats n’ont pas fait 1 % des suffrages en 2014 au n° 18. Avez-vous peur du ridicule ?

Les ridicules sont ceux qui appellent au changement mais refusent de lever le petit doigt.

Qui sont vos électeurs potentiels ?

Théoriquement, tout le monde. Après, je ne suis pas naïf, le communautarisme est une réalité bien ancrée. On a «travaillé» la circonscription, je sais exactement qui vote quoi, quartier par quartier. J’irai en priorité là où on ne m’attend pas, pour casser les préjugés, c’est même le principal objectif de ma candidature. On aurait pu envoyer quelqu’un d’autre, on a fait le choix d’un candidat à contre-courant, un Blanc, pour appeler un chat un chat.

Pour prouver quoi ?

Pour prouver que le dédain n’a pas lieu d’être.

Quel dédain ?

Sur le terrain, c’est ce qu’on me renvoie parfois : «Il veut quoi, ce Blanc ? Pourquoi fait-il semblant de s’intéresser à nous ?» Ce qu’ils ne savent pas, c’est que le Blanc a sans doute galéré plus qu’eux. J’ai grandi dans une famille modeste, à quatre dans un petit deux-pièces. La voiture, ou même l’ordinateur, ce n’était pas pour nous, on était à dix roupies près. J’ai amélioré ma situation parce que je me suis battu. J’ai repris mes études à 24 ans parce que je n’avais pas les moyens d’étudier avant. Et encore, j’ai dû faire un prêt qui me bouffe aujourd’hui la moitié de mon salaire.

Pourquoi me racontez-vous tout ça ?

Parce que je ne supporte pas qu’on me prenne pour un gosse de riche. Il n’y a pas que des nantis chez les Blancs.

Côté budget, combien prévoyez-vous pour faire campagne ?

Je n’en ai aucune idée. On contribuera tous de nos poches. On a un très bon informaticien, un Mauricien qui a travaillé sur la campagne de Macron. Il nous a proposé de mettre en place une plateforme de crowd funding.

Pour qui avez-vous voté en 2014 ?

Je n’ai pas pu voter, j’étais en France. Nous étions 250 000 dans ce cas, ce n’est pas normal. Le parti travaille sur un projet pour accorder le droit de vote aux Mauriciens de l’étranger.

Et si vous aviez pu voter ?

J’avoue que j’aurais eu beaucoup de mal à choisir…

Ses dates

<p>1985. Naissance à Quatre-Bornes.</p>

<p>2007-2008. Clerc d&rsquo;avoué.</p>

<p>2009-2016. Études en droit et en sciences politiques.</p>

<p>&nbsp;2015. Rejoint le Ralliement citoyen pour la patrie</p>

<p>Depuis 2016. Juriste auprès d&rsquo;un cabinet d&rsquo;avocats.</p>