Publicité

Neil Kaplan: «Il existe plusieurs options pour contester un jugement d’arbitrage»

13 juillet 2017, 01:07

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Neil Kaplan: «Il existe plusieurs options pour contester un jugement d’arbitrage»

Le président de la cour d’arbitrage de la MCCI évoque les projets de l’organisme qu’il dirige et les options qui pourraient éventuellement s’offrir à l’État mauricien dans l’affaire Betamax.

Avec 20 ans d’expérience dans l’arbitrage international, comment se porte cette activité dans le monde ?

L’arbitrage international est devenu la méthode privilégiée pour la résolution de litiges entre des parties qui résident dans des juridictions différentes. Il y a eu, dans les années 80, une multiplication des cas de litiges commerciaux, un phénomène qui s’explique par divers facteurs : l’ouverture économique de la Chine, le chute de l’Union soviétique ou encore le retrait des barrières tarifaires, par exemple. L’augmentation des échanges commerciaux a conduit à une hausse du nombre de litiges. Ce qui a incité un grand nombre de pays à signer la convention de New York, un cadre juridique qui facilite l’application des lois d’arbitrage.

On a aussi constaté la multiplication des centres d’arbitrage à travers le monde. Il y a d’ailleurs plusieurs anciennes institutions telles que la Chambre de commerce internationale (CCI), le centre de Kuala Lumpur ou encore le centre de Stockholm. Les années 80 ont également été la période qui a vu la montée de Hong Kong et de la Corée du Sud. C’est également une période au cours de laquelle il y a eu une croissance conséquente de l’arbitrage régional. Autre institution notable : la cour d’arbitrage de Londres. Une juridiction peut accueillir plusieurs organisations, l’idée étant de pouvoir offrir une panoplie de choix en matière de résolution de conflits aux clients.

Quelles sont les perspectives de développements pour Maurice dans ce domaine ?

Je pense que le pays a un bel avenir dans l’arbitrage international. Maurice se présente comme une juridiction neutre pour la résolution de litiges impliquant des activités sur le continent africain. Et nous savons tous que la Chine, par exemple, investit massivement en Afrique depuis ces dernières années. Maurice serait donc une excellente juridiction neutre pour des cas de litiges en ce sens. La meilleure façon de capter ce marché est d’offrir aux entreprises une juridiction indépendante et transparente. Cette juridiction devra être soutenue par des juges ayant une solide expérience dans l’arbitrage international. À Maurice, vous bénéficiez du soutien du judiciaire tout en étant signataire de la Convention de New York. Vous disposez également d’un cadre légal adéquat pour l’arbitrage, d’un tribunal indépendant qui peut se prononcer sur les situations où l’arbitrage lui-même donnerait lieu à des litiges, ainsi que sur la nomination d’arbitres expérimentés à travers la MARC Court.

Justement, pouvez-vous nous en dire plus sur cette nouvelle structure ?

La cour a été créée pour se prononcer sur certains problèmes qui pourraient surgir au cours de l’arbitrage du MARC. Il s’agit, par exemple, du choix de la juridiction où se tiendra l’arbitrage. S’il y a un litige autour de cela, la cour tranchera. Il y a aussi des cas où les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord sur le choix de l’arbitre. Nous travaillons actuellement sur des changements au niveau de nos règlements pour décentraliser ces fonctions vers la MARC Court.

Ce qu’il y aura de nouveau, c’est le financement-tiers, conçu pour les entreprises qui n’ont pas les moyens de financer une procédure d’arbitrage et pour celles qui en ont les moyens, mais qui préfèrent ne pas prendre de risques. Hong Kong et Singapour travaillent actuellement sur leur cadre légal pour clarifier cela. Je ne connais pas très bien les lois mauriciennes mais je compte en apprendre davantage à ce sujet cette semaine.

La MARC Court comprendra également des membres du continent africain ainsi qu’un ancien Attorney General, originaire du Pakistan. L’objectif est d’avoir la meilleure représentation possible, avec du personnel indépendant, qui s’est distingué, chacun dans ses secteurs respectifs, afin que la transparence et l’indépendance de la MARC Court ne puissent être remises en cause.

Comment sont réglés les litiges entre une entreprise détenue par l’Etat et une autre du privé, comme c’est le cas pour l’affaire Betamax avec la State Trading Corporation (STC)?

Il n’y a pas de traitement différentiel entre une entreprise d’État et une autre dans le privé. Toutefois quand un État est impliqué dans un litige commercial de ce genre, cela se règle au niveau du traité d’investissement bilatéral. J’ai traité beaucoup de cas similaires au cours de ma carrière. Les investisseurs déplorent souvent que leur activité a été lourdement affectée par une rupture de contrat de l’initiative de l’État. Par exemple, si l’État exproprie sans compensation, l’entreprise peut se tourner vers l’arbitrage. Il y a eu plusieurs cas de ce genre à l’étranger et ils sont très impopulaires.

La STC a signifié son intention de contester la sentence du Singapour International Arbitration Centre en Cour suprême mauricienne. Qu’en pensez-vous ?

Je souligne que je ne connais pas les détails de ce cas particulier. Ce que je peux dire toutefois, c’est qu’il existe plusieurs options pour la partie perdante. Celle-ci peut se tourner vers la cour de Singapour, c’est-à-dire là où l’arbitrage a eu lieu, et demander que la décision soit ignorée (mise de côté) pour des raisons très spécifiques et limitées. Le perdant peut également objecter à l’application de la sentence dans une autre juridiction en se basant sur les points évoqués dans la Convention de New York. Dans le cas où l’arbitrage a eu lieu selon les règles de l’International Centre for Settlement of Disputes, la partie perdante peut demander une annulation de la décision d’arbitrage.

Quid de la confidentialité, qui est l’un des principaux atouts d’arbitrage ? Cette affaire par exemple est de notoriété publique, plusieurs questions ayant été posées au Parlement…

Il est très difficile de maintenir la confidentialité dans les cas où un État est impliqué. Je ne connais pas bien les lois sur la confidentialité à Maurice. Y a-t-il une loi spécifique à l’arbitrage qui stipule que celui-ci doit rester confidentiel ou une clause dans le contrat qui inclut cela ? Dans la plupart des cas, dès que l’affaire va en cour, elle perd sa confidentialité.

Revenons à la MARC Court, quels sont vos projets par rapport à cette instance dans les mois à venir ?

Notre priorité est d’établir une efficacité opérationnelle. Nous devons retravailler nos règlements en ce sens, ce qui veut dire d’ajouter des mesures innovantes, notamment d’introduire les fonctions de la cour. Je souhaiterais également organiser un Mauritius Arbitration Day pour attirer les entreprises du monde entier vers la juridiction mauricienne. Je souhaiterais aussi que plus de jeunes choisissent ce métier. C’est l’un des projets auxquels nous travaillons. Nous aurons à cet effet cette semaine une séance d’information avec des praticiens du droit de moins de 45 ans. C’est un projet très excitant et je suis très reconnaissant envers le MARC pour la confiance placée en moi ainsi qu’en toute l’équipe qui rejoindra la cour. Plusieurs choses peuvent être faites pour rendre la juridiction mauricienne plus compétitive mais n’oublions pas que la compétition est également très forte. Toutefois, les retombées du congrès de l’International Council for Commercial Arbitration (ICCA) qui a eu lieu en 2016 sont très prometteuses. Nous devons y travailler.