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Parapli Rouz: redonner espoir aux travailleurs du sexe

14 juillet 2017, 01:06

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Parapli Rouz: redonner espoir aux travailleurs du sexe

Dans un monde où tout se monnaie, n’est-il pas temps de mettre un stop aux préjugés qui entourent le plus vieux métier du monde? Alors que dans certains pays, comme les Pays-Bas, tout est fait pour légaliser et sécuriser la prostitution, à Maurice, nous ne pouvons pas nous en vanter. Rencontre avec l’ONG Parapli Rouz et des femmes fières qui luttent pour les droits des travailleurs du sexe au quotidien.

Nous sommes dans le bureau de Parapli Rouz à la rue De Courcy à Port-Louis, l’ambiance est détendue et conviviale. Nous prenons place dans le petit salon à l’accueil et après quelques minutes d’attente, la porte s’ouvre et nos hôtes nous reçoivent, nommément Shameema Boyroo et Mélanie Babet. Les deux jeunes femmes font parties de la famille Parapli Rouz depuis un certain temps. L’association a été lancée en 2010 par des travailleurs sociaux. Le but étant de lutter contre la violation des droits humains dont sont victimes les travailleurs du sexe à Maurice.

Shameema est mère de quatre enfants. À 34 ans, elle est Outreach Worker pour le compte de l’association. Son parcours mériterait une autobiographie, ce dont elle a conscience. Dans un éclat de rire, Shameema lance alors qu’elle «finira bien par en écrire une». Son métier ? S’occuper des femmes qui, dit-elle, «trasé». Sous sa supervision, trois filles, dont Mélanie. Celles-ci ont pour tâche d’aller à la rencontre de ces femmes pour les cibler, partager les informations, et être à leur écoute. Le plus important étant qu’elles prennent connaissance de leurs droits.

Ces rencontres, au dire de l’Outreach Worker, se passent très bien. «Elles sont réceptives et ensemble nous arrivons à faire un travail formidable. On leur explique par exemple comment convaincre un client d’utiliser un préservatif, etc». Mais surtout, insiste Shameema, «nou aprann zot réklam zot drwa é sa li bien inportan.»

Et c’est en connaissance de cause que parle notre interlocutrice. En effet, dans le passé, elle a, elle-même, été travailleuse du sexe. «Je le faisais car j’en avais besoin. C’était mon choix pour m’aider dans ce que je devais faire et dans mes responsabilités. Pou viv ek fer mo zenfan viv!» Raison pour laquelle, aujourd’hui, elle lutte contre la violence, qu’elle soit physique ou morale, que subissent les travailleuses du sexe.

On and off pendant neuf ans

À l’époque où elle se prostituait, Shameema se cachait. De sa famille, de son mari et de ses enfants. Elle l’a fait «on and off» durant presque neuf ans, indique-t-elle. Mais à l’ouverture du centre, elle s’ouvre finalement à sa famille. Son père ne voulait rien entendre, n’affectionnant pas particulièrement les travailleurs du sexe. Toutefois, il est aujourd’hui plus réceptif. Son mari, quant à lui, a accepté et respecté son choix et sa franchise.

Cependant, le plus délicat, se souvient la mère de famille, c’est quand sa fille a reconnu sa photo dans un journal, même si celle-ci avait été prise de dos. «Elle était à cette époque en Form 3 et ses amis m’avaient également reconnu», raconte cette dernière. Ce jour-là, poursuit-elle, lorsque sa fille est rentrée, on pouvait lire sur son visage que quelque chose n’allait plus. L’adolescente finira par lui poser la question fatidique. Shameema lui fera alors comprendre qu’il s’agit d’un choix. Ce que respectera aussi sa fille. D’ailleurs, sous le feu roulant des questions de ses camarades, raconte la mère, celle-ci n’aurait pas hésité à lancé : «Wi, mo mama fer sa. Eski twa to mama ti pou kapav li ?» Ses fils ont aussi fait preuve de la même compréhension à son égard.

Mélanie, à son tour, affirme que c’est souvent la concurrence qui est la cause des maux. Nous citant l’exemple de trois catégories d’élèves. C’est toujours les plus démunis, dit-elle, qui tenteront par n’importe quel moyen de se procurer ce dont ils manquent.

Aujourd’hui mariée et mère de deux enfants, Mélanie se donne à fond dans le combat que mène l’association. Parce qu’elle aussi a été travailleuse du sexe. Sous ses airs timides, elle ne l’est pas. «Zafer zafer, enn dimounn pa viv d’amour et d’eau fraîche», nous lancera-t-elle.

Grâce à leur rencontre avec Sophie Montocchio, coordinatrice de l’association, et la venue de Parapli Rouz, ces deux femmes ont pu regagner confiance en elles, s’exprimer et militer à leur tour. Son implication au sein de l’ONG a même permis à Shameema de voyager à plusieurs reprises.

Aujourd’hui, ce que souhaitent les deux mères est que Parapli Rouz devienne un jour un village. Accommodé comme il se doit, pouvant accueillir des filles, et être un bel endroit pour échanger, créer et éradiquer les violences dont sont victimes les travailleurs du sexe.