Publicité

Club Aka : Les classes de la seconde chance

15 juillet 2017, 01:30

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Club Aka : Les classes de la seconde chance

L’emplacement roti aka à residence vallijee n’accueille pas que des clients. Depuis un an, le propriétaire a ouvert ce lieu à Smita Sahaye pour qu’elle prenne sous son aile une trentaine d’enfants ayant des difficultés scolaires. Qu’importe si l’endroit est inhabituel, ensemble, petits et grands ont su faire beaucoup... Avec peu de moyen.

«Miss, miss !» crie Noah, 8 ans. Il tient entre les mains un carnet bleu qu’il veut à tout prix montrer à son enseignante. Il s’agit de son bulletin scolaire. Et il est fier de ses résultats. C’est la première fois qu’il n’aura pas échoué dans toutes les matières. Sa «miss», comme il l’appelle, c’est Smita Sahaye, une jeune femme au sourire radieux. Elle habite Roche-Bois, mais fait le déplacement à Résidence Vallijee cinq fois par semaine pour accompagner une trentaine d’enfants. Elle leur enseigne l’anglais, le français et les mathématiques. Mais le plus surprenant, c’est sans doute l’endroit où nous la rencontrons.

Il est 16 h 40 et nous sommes à l’emplacement de Roti Aka, à Résidence Vallijee. Pas la peine de présenter l’enseigne réputé pour ses faratas. Entre ses quatre murs, des clients qui font la queue, d’autres qui se sont installés pour manger sur place. Et en face, sur l’autoroute, un va-et-vient incessant de véhicules et des klaxons. Au beau milieu de ce vacarme, six gamins ont la tête plongée dans leur cahier.

«Je suis étonnée du progrès qu’ils ont fait en si peu de temps. Ce sont des enfants qui n’arrivaient pas à compter ou à réciter l’alphabet. Et pourtant, ils sont en Grade 3 ou 4. Á cet âge, on sait déjà lire. J’ai tout recommencé avec eux et je suis très fière. Ils avancent doucement mais sûrement !» affirme Smita en regardant ces petits.

La jeune femme, dotée d’une patience qui ne laisse pas indifférent, a presque les larmes aux yeux lorsqu’elle nous raconte ce qu’elle vit avec ces enfants qui ont souvent un passé trop lourd. Elle raconte qu’un de «ses» petits a perdu sa mère. «Il y a un lien que je ne saurais décrire entre les enfants et moi. Mais c’est encore plus fort avec lui. Il a pu me parler de choses qu’il ne peut dire à personne. Je deviens alors comme une psy !» dit-elle en rigolant. Mais son regard redevient sérieux lorsqu’elle évoque la situation dans laquelle vit ces enfants.

«Ils font face à beaucoup de choses difficiles. J’essaie de m’occuper de leur éducation mais aussi de les inculquer des valeurs. J’ai des parents qui m’ont dit que leurs enfants étaient très turbulents à la maison et qu’à présent, ils sont étonnés de voir que leurs enfants disent merci, bonjour, bonne nuit», poursuit-elle. 

Smita Sahaye a l’air de bien s’y prendre avec les enfants mais elle n’est pas enseignante. Elle a suivi des cours en pédagogie et elle a été travailleuse sociale pendant des années au Mouvement pour le progrès de Roche-Bois. «Il y a eu un volet psychologique dans mon apprentissage mais c’était plus pour nous aider à encadrer les enfants et à les approcher. Sauf que maintenant, je dois souvent écouter les enfants et les guider. C’est autre chose», rajoute-t-elle. 

Et pour attirer davantage ces derniers, Smita organise des activités les samedis dans le jardin de la localité. Pour les amener à bien se comporter dans le restaurant en présence des clients, elle a fait preuve de créativité. «J’ai inventé un jeu de mime. Je leur dis qu’il ne faut pas parler une fois à l’intérieur et qu’il faut tout mimer. Et je vous jure que ça marche !» s’écrie-t-elle aux éclats. 

Nous avons demandé à parler aux plus bavards. Smita nous indique Matthieu. Lui, il nous fait même de la place pour qu’il puisse nous montrer ses tables de multiplications. Nous lui demandons : «Qu’est-ce que tu aimes ici ?» «Ma miss et mes amis !» répond-t-il d’un ton assuré. Matthieu aime les mathématiques et l’anglais et il a eu un B en sciences… mais il confie que lui et le français ne sont pas bons amis ! C’est promis, il essaiera d’avoir plus de B et moins de C, dit-il. Et pour conclure le deal on se fait un high-five.

Manque de soutien des autorités
<p>L&rsquo;aventure qui a commencé il y a un an et demie n&rsquo;a pas été de tout repos pour l&rsquo;accompagnatrice. L&rsquo;initiative a démarré à la demande de Sivajee Samynaden, gérant de Roti Aka Vallijee. Ce dernier explique avoir &laquo;<em>réalisé</em>&raquo; qu&rsquo;il était temps de faire quelque chose pour aider les jeunes du quartier. D&rsquo;ailleurs dans le restaurant, il y a de drôles affiches collées aux murs. Elles parlent du Club Aka. Écrites en Kreol, les affiches lancent un appel à ceux qui veulent, d&rsquo;une manière ou d&rsquo;une autre, empêcher que les jeunes ne se laissent entraîner par des fléaux.</p>

<p>C&rsquo;est comme ça que Sivajee Samynaden a baptisé le volet social de son entreprise. &laquo;J<em>&rsquo;opère mon commerce de 5 heures à 21 heures. Et j&rsquo;ai beaucoup d&rsquo;employées qui habitent la région. Elles viennent travailler à pied. En discutant, elles m&rsquo;ont parlé des problèmes qu&rsquo;elles ont à la maison, surtout avec les jeunes. J&rsquo;ai réalisé qu&rsquo;il était trop tard. Mais que je ne pouvais pas rester sans rien faire</em>&raquo;, affirme l&rsquo;entrepreneur.</p>

<p>Donc, il décide de fonder le Club Aka. Il contacte Smita Sanaye pour qu&rsquo;elle s&rsquo;occupe des enfants. &laquo;<em>Je sais que je ne pourrai pas empêcher que tous les jeunes du quartier ne tombent dans les fléaux. Mais si on a dix enfants et qu&rsquo;à travers l&rsquo;initiative, quatre sont sauvés, c&rsquo;est déjà une victoire</em>&raquo;, souligne le gérant. Mais il déplore qu&rsquo;il n&rsquo;a pas toujours bénéficié du soutien qu&rsquo;il s&rsquo;attendait pourtant à avoir des autorités.&nbsp;</p>

<p>Après avoir, à plusieurs reprises, approché la mairie de Port-Louis pour avoir un endroit approprié pour accueillir les enfants, Sivajee Samynaden a fini par les installer dans son restaurant. &laquo;<em>Je n&rsquo;ai pas le choix. Les enfants aiment venir, donc ils font avec le parfum de curry, la musique de la radio ou le bruit des récipients dans la cuisine</em>&raquo;, dit-il. Mais il est déterminé à poursuivre son initiative. C&rsquo;est qu&rsquo;il y a une école non loin du restaurant qui est inoccupé mais pour le moment, il dit ne pas avoir eu l&rsquo;autorisation d&rsquo;utiliser l&rsquo;espace. &laquo;<em>La mairie m&rsquo;a demandé de faire une autre demande parce que mes précédentes démarches ont été annulées, donc je vais recommencer !</em>&raquo; soutient-il.&nbsp;&nbsp;</p>