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Productivité: le port tourne au ralenti

20 juillet 2017, 00:30

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Productivité: le port tourne au ralenti

Les statistiques de performance témoignent d’un net recul de la productivité dans le port.

Avec un taux de productivité de seulement 17,3 mouvements de conteneurs par heure, le service portuaire de Port-Louis s’est dégradé pour la période de janvier à mai 2017. À la même période en 2016, la productivité s’élevait à 20,5 mouvements de conteneurs à l’heure, soit une diminution de 15 %. Le recul noté en 2017 n’est qu’une aggravation de la tendance amorcée depuis 2016 quand la productivité calculée sur une base annuelle avait déjà reculé de 2 % par rapport à celle de 2015. 

Une baisse qui s’expliquerait, en partie, par les travaux dans le port. Pourtant, cette explication demeure trop rapide et cacherait, selon les opérateurs, des raisons plus fondamentales à cette productivité en berne, susceptible de refroidir les compagnies maritimes. 

Les opérateurs du privé pointent du doigt les faiblesses du système actuel de rémunération. Ce système prévoit le paiement d’incitations financières lorsqu’une productivité supérieure à 20 mouvements de conteneurs par grue par heure est atteinte. Or, ce système, qui se voulait incitatif, aurait conduit davantage au ralentissement qu’au rythme plus élevé. 

«Le système de rémunération favorise le tini la lamé, soit de ralentir le rythme pour passer en opérations de weekend, quand les salaires sont plus avantageux», explique le capitaine René Sanson, Chief Executive Officer de la Mediterranean Shipping Co (Mauritius) Ltd. Du coup, la productivité peut tomber jusqu’à 14 mouvements de conteneurs par heure pendant la nuit, quand il n’y aurait pas de superviseurs pour contrôler les activités des cols bleus, selon des sources. 

À cela s’ajoutent des comportements qui font fi des impératifs de productivité, tels que «les arrêts de travail les 24 et 31 décembre, les fermetures du port pour des réunions syndicales de huit heures d’affilée, les fermetures de quatre à cinq heures pour les funérailles d’un travailleur», se lamente le capitaine Sanson. Il déplore une attitude contre-productive de la part de travailleurs qui sont «soutenus et tolérés par nos politiques». 

Les employés du port seraient-ils mal rémunérés au point de ralentir ainsi le rythme des activités ? Tel n’est pas le cas selon le capitaine Sanson : «aujourd’hui ce sont les machines qui font le travail et pourtant le salaire d’un stevedore est énorme par rapport à ceux d’autres secteurs». Selon une grille de salaire rendue public en septembre 2015, un stevedore gagne, en effet, un salaire de base de Rs 28 000 qui peut monter à une rémunération effective de Rs 65 000 à Rs 100 000 par mois quand les primes et incitations sont prises en compte. 

Les syndicats, cependant, estiment ces salaires justifiés. Rama Valaydon, surintendant à la Cargo Handling Corporation et négociateur syndical du Port-Louis Harbour & Docks Workers Union, pense que «seuls ceux qui ignorent les conditions de travail dans le port peuvent trouver à en redire». Il refuse qu’on attribue aux travailleurs la baisse de productivité : «Notre performance a déjà atteint les 19,1 mouvements par grue par heure. Ce qui signifie que la productivité s’améliore graduellement et va s’améliorer», affirme-t-il. Et d’ajouter qu’il faut tenir compte de la vétusté des équipements sur la performance globale du port. Une situation qui, dit-il, devrait s’améliorer quand de nouveaux équipements seront installés. 

Quant à la direction de la Cargo Handling Corporation, compagnie qui gère les activités portuaires, sollicitée à plusieurs reprises par l’express, elle n’avait pas répondu à nos questions à l’heure où nous passions sous presse faute d’avoir obtenu le «feu vert». 

Outre la faiblesse de sa main-d’œuvre, le port souffre aussi de l’incapacité du port à poursuivre ses activités dès l’annonce de fortes houles. L’installation de brise-lames susceptibles d’atténuer les effets de fortes houles sur la stabilité des bateaux est vivement souhaitée mais ne semble pas être un projet qui verra le jour. 

La faible productivité des activités portuaires fait de Port-Louis le mauvais élève de l’océan Indien. Ses concurrents, notamment les ports de Madagascar, Colombo, Salalah, Djibouti et King Abdallah, le devancent. Ce retard est susceptible de compromettre les ambitions de Maurice de faire du port un catalyseur du développement du pays.