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Jean-Michel Giraud: «Aujourd’hui, la GRA décide de tout au Champ-de-Mars»

26 juillet 2017, 22:00

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Jean-Michel Giraud: «Aujourd’hui, la GRA décide de tout au Champ-de-Mars»

Toutes les initiatives et actions prises par le gouvernement, ces dernières semaines, au niveau de l’organisation des courses hippiques et du fonctionnement du Mauritius Turf Club (MTC) ne relèvent-elles pas ni plus ni moins que d’un début de nettoyage ? C’est connu que le Champ-de-Mars est devenu au fil du temps un repoussoir avec ses paris illégaux et truqués et l’infiltration de la mafia de la drogue parmi certains propriétaires de chevaux... 
Si c’était vraiment du nettoyage, le gouvernement aurait dû à mon avis faire deux choses. D’abord, appliquer sans tarder le rapport intérimaire des Britanniques, qui a disparu depuis deux ans et qui, étrangement, refait surface aujourd’hui. Ensuite, il aurait dû demander à la Gambling Regulatory Authority de contrôler sévèrement les paris illégaux, ce qui demeure, d’ailleurs, sa fonction première.

Allez-vous jusqu’à dire que la décision d’amender la GRA Act, en vue de conférer à l’organisme plus de pouvoirs pour contrôler l’organisation de courses, est justifiée ?
Absolument pas ! Je ne comprends pas la démarche du gouvernement de donner plus de pouvoirs à la GRA pour contrôler l’organisation des courses. Du coup, je juge inacceptable que les membres de cette autorité puissent se permettre d’intervenir sur les redevances que les opérateurs de paris lui versent. De la même manière, je me révolte à l’idée que la GRA puisse dans la foulée remettre en cause les décisions validées par le conseil d’administration du MTC.

Ce qui ne relève pas de son rôle ? 
Bien sûr que non. J’estime que les membres de la GRA doivent se limiter à leur rôle, soit de contrôler les jeux et de s’assurer que les paris soient en règle et non de s’ingérer dans l’organisation des courses, fonction pour laquelle ils n’ont pas de compétences. Or, je comprends que ce ne sera plus le cas aujourd’hui avec ces amendements. Il faut s’attendre au pire…

«Les membres de la GRA sont incapables de s’assurer que les paris soient en règle et maintenant ils vont s’ingérer dans l’organisation des courses.»

C’est-à-dire ?
Que le MTC n’ait plus son destin en main. D’ailleurs, il ne lui reste plus aucun pouvoir. Au fil des mois et des années, ces pouvoirs ont tous été confiés à la GRA. Car il faut comprendre qu’aujourd’hui, la GRA décide de tout au Champ-de-Mars : le nombre de journées de courses à organiser, s’opposer au choix d’un jockey approuvé par un entraîneur, valider les sanctions prises par les commissaires, ou encore décider des revenus alloués au MTC.

Face à une telle situation, quelle pourrait être la marge de manoeuvre du MTC ?
Je ne sais pas s’il existe encore une marge de manoeuvre. Mais si j’étais aux affaires, je n’aurais certainement pas organisé la prochaine journée de courses. De ce fait, je forcerais le gouvernement à s’asseoir autour d’une table pour négocier et trouver des solutions aux nombreux litiges qui existent entre les deux parties. Je veux dire entre le MTC et la GRA.

Est-ce que vous craignez le pire pour l’avenir des courses hippiques à Maurice ?
Bien sûr. Je ne vois pas comment le MTC va s’en sortir si la GRA décide de tout. Imaginons un seul instant que l’instance régulatrice des jeux décide de baisser de 1 % les recettes que le MTC engrange à partir des redevances que les opérateurs de paris lui versent. Ou encore si la GRA peut revenir sur une décision prise démocratiquement par les commissaires de courses. Le Champ-de-Mars deviendra un fancy-fair.

Est-ce que la GRA a la compétence de le faire ?
Bien sûr que non. Quand les membres de cette autorité sont incapables de contrôler efficacement les jeux et de s’assurer que les paris soient en règle, je me demande comment ils peuvent maintenant s’ingérer dans l’organisation des courses pour laquelle ils n’ont pas de compétence.

Entre-temps, la situation se détériore. Il n’y a qu’à voir le nombre de paris qui se font en dehors du circuit officiel. Ce qui implique un manque à gagner important pour tous les stakeholders, dont l’État.

À combien vous chiffrez ces paris illégaux ?
Chaque semaine, il y a entre Rs 150 millions et Rs 160 millions qui se jouent à travers le circuit officiel, soit par le biais des bookmakers ou des opérateurs de paris comme le Tote et SMS Pariaz. Mais vous serez choqué d’entendre qu’il y en a autant qui se jouent en dehors de l’hippodrome. Ce qui m’amène à dire qu’au bas mot, les paris illégaux représentent un chiffre d’affaires de Rs 5 milliards sur l’ensemble d’une saison hippique. 

J’estime, par ailleurs, à Rs 500 millions le manque à gagner pour l’État en termes de taxe non perçue sur les paris illégaux. Quant au MTC, il perd entre Rs 150 millions et Rs 175 millions chaque année en raison du phénomène des paris illégaux.

Que fait, entre-temps, la police des jeux ?
Il faut renforcer la police des jeux qui n’était pas à la hauteur ces dernières années. Et chercher de l’expertise étrangère tout en formant parallèlement les jeunes cadres en informatique pour qu’ils puissent intervenir à n’importe quel moment sur les machines des opérateurs de paris pour contrôler la présence des transactions suspectes.

Et quid d’un nouvel hippodrome pour remplacer l’actuel Champ-de- Mars ?
Je vois difficilement les opérateurs intéressés par ce projet se lancer dans une telle aventure après les amendements apportés à la GRA Act. Autant que je sache, à moins d’être fou, je ne vois aucun opérateur sensé prendre le risque d’investir dans un nouvel hippodrome où, en fin de compte, c’est la GRA qui en assurera la gestion. Et pourtant, tous les stakeholders sont unanimes à reconnaître que c’est plus qu’une priorité, compte tenu de l’état du bâtiment actuel qui date de 1933.

«Au bas mot, les paris illégaux représentent un chiffre d’affaires de Rs 5 milliards sur l’ensemble d’une saison hippique.»

Quelles sont les options qui sont à l’étude ?
Trois sites avaient été identifiés : Médine, Terra et Côte-d’Or. Je sais qu’en cours de route, l’option Terra a été abandonnée. Le choix final devrait se faire entre Médine et Côte-d’Or. Personnellement, j’ai toujours privilégié la région de Médine comme le site idéal pour abriter le nouvel hippodrome qui devrait donner aux courses hippiques une nouvelle attraction, compte tenu de la situation géographique et de sa température.

Compte tenu des besoins du pays en investissements directs étrangers, ne pensez-vous pas que le MTC aurait pu inviter les rarissimes propriétaires comme les Arabes à venir faire courir leurs chevaux à Maurice ?
Certainement. Mais pas dans les conditions actuelles. Et pas au Champ-de-Mars. Pensez-vous que les propriétaires de chevaux feraient venir leurs meilleurs cracks, achetés à plus de USD 1 milliard, pour courir au Champ-de-Mars, dont le circuit a une distance limitée à 1 500 mètres ? Sans compter qu’il est dans un état délabré. Aujourd’hui, ces propriétaires préfèrent la saison hippique à Dubayy. J’ai toujours pensé qu’un partenariat entre Dubayy et Maurice dans les courses hippiques serait une situation gagnante-gagnante pour le pays.

Pourquoi ?
Tout simplement parce que leur hors-saison à Dubayy correspond à notre saison de courses à Maurice. Cela aurait contribué au rayonnement de notre hippisme, tout en rehaussant son niveau d’attraction. Mais évidemment, pas dans un poulailler comme le Champ-de-Mars.

Contexte

<h4>Les courses hippiques sous pression</h4>

<p>C&rsquo;est le grand déballage au Champ-de-Mars. Depuis la parution récente du rapport intérimaire des Britanniques sur l&rsquo;organisation des courses, les critiques fusent de toutes parts : sur des courses truquées, sur des paris illégaux, ou encore sur des propriétaires de chevaux soupçonnés de trafic de drogue. Du coup, le gouvernement a été contraint d&rsquo;amender la <em>Gambling Regulatory Authority</em> pour donner plus de pouvoirs à cette instance afin qu&rsquo;elle soit en mesure de mieux superviser l &rsquo;organisation des courses.</p>

<p>Des amendements que récusent les membres du MTC, convaincus qu&rsquo;ils vont dans le sens d&rsquo;une mainmise de l&rsquo;Etat sur leurs activités. À tel point que certains observateurs et d&rsquo;anciens commissaires se disent pessimistes sur l&rsquo;avenir des courses hippiques. Ils s&rsquo;interrogent, par ailleurs, sur le phénomène des paris illégaux dont les montants se conjuguent en milliards de roupies.</p>