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Roger Julien, forgeron: «Mo kontan mo finn met mo destin ant marto ek lanklim»

27 juillet 2017, 00:27

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Roger Julien, forgeron: «Mo kontan mo finn met mo destin ant marto ek lanklim»

Il a arrêté l’école à 12 ans, les aléas de la vie obligent. Roger apprend dès lors le métier de forgeron aux côtés de son père, qui leur laissera à son frère et à lui un bel héritage, qui date des années 1900.

À la rue La Poudrière, coincée entre les plus hauts bâtiments de la capitale, se dresse fièrement la forge de la famille Julien. Toujours opérationnelle, elle est un héritage inestimable qui se transmet depuis deux générations. C’est dans les années 1900, après le départ de M. Lafitte, le propriétaire, que Louis André Julien, père de Roger et d’André, prend la responsabilité de la forge. Le jeune Roger, âgé de 12 ans, est obligé de quitter l’école pour débuter son apprentissage comme forgeron et en ferronnerie aux côtés de son père.

À cette époque, Louis André Julien travaillait en étroite collaboration avec l’industrie sucrière de Beau-Champ pour la fabrication de clous en fer pour la fixation des rails des voies de chemin de fer. Il est un spécialiste de la réparation des balances plateformes pour la pesée des camions et charrettes de bœufs chargés de cannes à sucre pour les usines sucrières. Pour se rendre aux industries sucrières de Chamouny, St-Félix et Bel-Air-Rivière-Sèche, entre autres, il enfourche son vélo, faute d’un autre moyen de transport, ayant dix bouches à nourrir, en plus de son épouse.

Ses solides jambes lui ont permis de faire le tour du pays, là où il avait du travail à finir. Une fois son travail accompli, il arrivait à Louis André, qui habite Tranquebar, de passer la nuit sur place après le coucher du soleil. Reconnu comme un des meilleurs serruriers, son aide était d’une grande importance pour ceux qui égaraient leur clé de coffre-fort. D’ailleurs, Roger se souvient du jour où il avait accompagné son père à la Banque de Maurice pour ouvrir le plus gros coffre-fort.

La master key était restée à l’intérieur. Techniquement, trois clés différentes sont utilisées pour ouvrir ou fermer le coffre-fort de la banque ; la troisième clé représente la master key. Le Mauricien au talent de Houdini, a plus d’un tour dans son sac pour ouvrir des coffres-forts.

Roger et son frère André ont hérité de la forge en 1976. Cette année-là, Louis André Julien commence à sentir la fatigue. Il passe le flambeau à ses deux fils après avoir décroché un contrat par la compagnie Harel frères pour construire, au Jardin de Pamplemousses, quatre stands pour les usines sucrières de Solitude, Mount, Beau-Plan et Belle-Vue en vue de la grande exposition agricole. Louis André Julien s’est éteint à l’âge de 93 ans.

Roger est, lui, un artisan professionnel qui forge à la main. Même s’il avoue ne pas être doué pour les maths, il dit fièrement ne jamais avoir commis la moindre erreur en prenant les dimensions pour les travaux qu’on lui a confiés ; que ce soit en millimètre, centimètre ou en pouce. La modernisation de la forge, avec l’introduction d’équipements électriques, a été une étape importante de son histoire. Que du chemin parcouru par Roger en 52 ans de métier. Des années qu’il ne regrette pas. «Mo kontan mo finn met mo destin ant marto ek lanklim. Aujourd’hui, j’ai construit ma propre maison, sur les conseils de mon père.»

Roger a su mener sa barque au fil des années, malgré la venue de concurrents et de nouveaux matériaux. Il s’est battu pour décrocher des contrats, avec l’aide de M. Maurice Lacoste, pour la fabrication d’enseignes pour les supermarchés Winner’s. Sa plus grande satisfaction c’est d’avoir, avec son frère, travaillé en collaboration avec des ingénieurs indiens pour l’installation de machines pour le compte de l’usine Yeo’s. Après le décès de son frère André, Roger a créé une nouvelle équipe avec ses deux neveux.