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Me Hervé Lassémillante: «La découverte du Lannate, un incident peu commun»

29 juillet 2017, 17:30

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Me Hervé Lassémillante: «La découverte du Lannate, un incident peu commun»

Lorsque des prisonniers se plaignent de leurs conditions de vie ou que du Lannate est retrouvé dans une cellule, la National Preventive Mechanism Division entre en jeu. Me Hervé Lassémillante raconte que Siddick Islam ne se plaint pas de son séjour et qu’il n’a pu voir de ses yeux le traitement «princier» accordé à Gro Veeren.

Quel est le rôle de la National Preventive Mechanism Divison (NPMD) ?
Nous visitons les prisonniers dans le but d’assurer leur protection contre les formes de punitions dégradantes et les mesures inhumaines. Je sais qu’il y a une incompréhension par rapport à nos actions. C’est un travail qui nous est imposé par l’État mauricien et par l’Organisation des Nations unies. La NPMD a été créée justement dans le but de respecter les obligations sous l’Optional Protocol de la Convention against Torture and Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment. Mais je déplore que nous ne disposions que d’une seule voiture pour trois unités tombant sous la Commission des droits de l’homme. Cela nous permet d’effectuer des visites en prison une ou deux fois au maximum par semaine.

Quelles sont les raisons les plus courantes qui poussent les détenus à avoir recours à la NPMD ?
Diverses raisons existent. Je vous cite l’exemple des détenus de la communauté rastafari. Depuis 2016, ils sont forcés de se couper les cheveux, ce qui va à l’encontre de leur culture. Or, nous plaidons en faveur du respect de la culture. Nous recevons aussi des demandes de transferts.

Les produits au niveau de la cantine sont également décriés. Il y a de moins en moins d’articles et les prix sont souvent élevés. Nous avons écrit une lettre au commissaire des prisons pour rectifier cela. Le prisonnier a le droit d’avoir un choix.

Sachez également qu’il y a une recrudescence d’allégations de violences physiques ou verbales en prison. Et cela, depuis les derniers 12 à 15 mois.

Je fais une petite parenthèse pour faire ressortir que je ne vise personne en particulier car la réaction de certaines personnes par rapport à ce constat m’agace. Nous recevons des appels et des lettres de la part des détenus et nous leur rendons visite ensuite. La loi nous permet d’effectuer des visites impromptues sans l’aval de qui que ce soit. C’est ce que nous faisons la plupart du temps et nos visites nous permettent d’y voir plus clair.

Est-ce que les autorités ont l’obligation de mettre en application vos recommandations ?
Non. Elles ne sont pas obligées, mais elles peuvent les considérer afin de provoquer certains changements visant à faire progresser l’univers carcéral. D’ailleurs, il y a eu des progrès. Par exemple, les détenus peuvent désormais signer un formulaire s’ils veulent plaider coupable et cela permet d’accélérer les procédures.

Je tiens à faire ressortir, qu’en général, nous sommes bien reçus par les autorités du milieu carcéral. Vous savez, les commissaires des prisons nous ont tout le temps répondu dans le passé. Ce n’est plus le cas maintenant. Nous prônons le dialogue.

«Les commissaires des prisons nous ont tout le temps répondu dans le passé. Ce n’est plus le cas maintenant.»

Comment expliquez-vous la découverte du Lannate en prison ?
Je me suis rendu à la prison (NdlR, de Melrose) le lendemain de la découverte. J’ai rencontré Siddick Islam ainsi que d’autres prisonniers. Je sais qu’il y a eu des allégations faites contre des hauts gradés. Nous avons fait notre enquête et tout ce que je peux vous dire à ce stade, c’est qu’on a besoin de plus de preuves. Sachez toutefois que c’est un incident peu commun. En décembre 2016, il y a eu un cas plus ou moins similaire où on a retrouvé une substance nocive en prison. Le but était d’empoisonner à mort un autre détenu. Mais cela n’a pas été prouvé.

Selon l’épouse de Siddick Islam, ce dernier ne se sent pas en sécurité depuis son audition devant la commission drogue…
Je lui ai rendu visite pas plus tard que mercredi dernier. Il m’a expliqué qu’il se sentait bien et qu’il n’avait pas à se plaindre. Mais je tiens à saluer le travail effectué par la commission d’enquête sur la drogue. Nous sommes prêts à collaborer, comme d’habitude.

Les langues se délient au sujet de Peroomal Veeren, le «patron» de la prison. Est-ce vrai qu’il bénéficie d’un meilleur traitement que d’autres prisonniers ?
Nous avons eu des informations selon lesquelles il jouit de séances de massage en prison, qu’il y a des détenus qui lui apportent des gâteaux ou encore qu’il bénéficie de la nourriture VIP. À notre niveau, nous n’avons rien vu de tel lors de nos visites. Ce n’est pas pour autant que les informations sont fausses, mais nous n’avons pas de preuve.

N’êtes-vous pas inquiets que les prisonniers, notamment les barons de la drogue en prison, puissent utiliser la Commission des droits de l’homme à des fins illégales ?
Je ne ressens pas cette inquiétude, mais il faut que nous restions à chaque fois sur nos gardes. Bien évidemment, il y a souvent des exagérations, souvent des mensonges ou d’autres allégations non fondées. Je suis tout le temps accompagné du psychologue clinicien, Vijay Ramanjooloo. Et, il y a également nos enquêteurs qui travaillent tous en équipe. Cela nous permet d’éviter les pièges.

Vous êtes souvent en contact direct avec les détenus ? N’avezvous jamais reçu des propositions, voire des menaces ?
Jamais. Nous entretenons des relations harmonieuses, que ce soit avec le personnel des services pénitentiaires ou encore avec les détenus.

Selon les derniers chiffres de Statistics Mauritius, 67 % des condamnés sont des récidivistes. Qu’est-ce qui ne tourne pas rond ?
Nous sommes concernés. Ces chiffres sont la preuve que le système est un échec total en ce qui concerne la réhabilitation et la réinsertion. Ce n’est pas dans les pâtisseries, dans les ateliers pour fabriquer des sacs ou devant une télévision que cela se fait. Ce n’est pas possible non plus qu’il n’y ait qu’un seul psychologue pour plus de 2 000 détenus. La réhabilitation et la réinsertion se font à travers la compassion et non pas à travers la répression. Il faut savoir être souple et agir avec humanité. Je souhaite sincèrement qu’il y ait une meilleure politique.

La fortune de Peroomal Veeren estimée à Rs 650 millions

<p>À faire pâlir d&rsquo;envie un coffre-fort ! Les travaux de la commission d&rsquo;enquête sur la drogue et ceux de la commission anti-corruption, en parallèle, permettent peu à peu de faire la lumière sur le modus operandi de Peroomal Veeren. Le caïd est à la tête d&rsquo;une institution similaire à une banque d&rsquo;investissement. Les enquêtes en cours révèlent que Peroomal Veeren investit dans des concessionnaires de voitures, dans l&rsquo;immobilier, les bureaux de change, entre autres, avec un capital liquide s&rsquo;élevant à Rs 300 millions en devises étrangères et ce, à Maurice, en Afrique du Sud ou encore à Dubaï. En moyenne, il vend 10 kg d&rsquo;héroïne à Rs 30 millions. La fortune personnelle de Peroomal Veeren est, elle, estimée à Rs 650 millions. Par ailleurs, dans le cadre des <em>&laquo;Audit Trails&raquo; </em>enclenchés sur les avoirs des personnes inquiétées par la commission, un appartement à Londres fait l&rsquo;objet d&rsquo;un intérêt particulier. Mais, à ce stade, peu d&rsquo;informations sont disponibles.</p>