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SDF à Port-Louis: Jean-Louis et Vickram racontent «lavi lor koltar»

31 juillet 2017, 21:00

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SDF à Port-Louis: Jean-Louis et Vickram racontent «lavi lor koltar»

Rue Lislet Geoffrey, Port Louis. Il est 21 heures et le froid commence à s’installer. On rencontre Jean-Louis* et Vickram*, deux sans-abri qui toucheront bientôt la cinquantaine et qui se préparent à affronter cette pluvieuse nuit d’hiver.

Les deux amis habitent cette rue, plus précisément au pied du bâtiment de la South African High Commission. Depuis combien de temps exactement ? «On ne pourrait vous le dire, mais ça fait quelques années déjà.» Nos deux camarades ont perdu la notion du temps, et doivent aussi faire avec tous les caprices de ce dernier. «Nou res isi mem, esay manz ar li, dernié siklonn, Carlos, nou finn pas sa isi mem», nous confie Jean-Louis, qui est à la rue depuis dix ans.

Quid des divers abris de nuit pour les SDF à Maurice, leur demande-t-on. C’est peine perdue, répondent-ils du tac au tac. Ils confient que les abris de nuit n’offrent que des contrats d’une durée maximale de six mois. Du coup, une fois ce temps écoulé, ils n’y ont plus accès car ces centres accueillent constamment de nouveaux venus.

Ni alcooliques ni toxicomanes

«Nou fini bat tou sant ki éna dan Port-Louis ek Roche-Bois.» Ces centres ont pour but d’aider ces gens-là à refaire leurs vies et à trouver un toit. «Mé sa sis mwa-la pa asé pou ou rési ramas ou kas ek al refer ou lavi», nous fait part Vickram, qui dit souffrir de problèmes cardiaques.

Nos deux interlocuteurs, contrairement aux stéréotypes que la société peut avoir sur les sans-abri, ne sont ni alcooliques ni toxicomanes. Tous deux travaillent pour se nourrir. Jean-Louis est camionneur et Vickram lave les voitures des gens qui veulent bien le laisser faire pour gagner sa vie. Mais, «ce n’est jamais assez pour joindre les deux bouts et économiser pour avoir un toit nous semble impossible. É pa tou létan ki éna manzé, travay-la pa fix. Éna zour gagné, éna zour non. Bwar délo dormi lerla».

Au quotidien, ils rencontrent beaucoup de problèmes. Ils avouent devoir se rendre à une rivière toute proche pour se laver et aux toilettes publiques pour leurs besoins. Mais hormis ces problèmes pratiques et la stigmatisation pesante, il y a les vols, les dangers que représentent les rues de la capitale la nuit et les caprices de Dame Nature. «La rivière où nous allons nous laver est fréquentée par beaucoup de toxicomanes et la police nous met alors dans le même panier. À chaque fois, nous devons leur faire comprendre que nous ne sommes pas ensemble», s’indigne Jean-Louis.

Ce dernier fait aussi part qu’ils sont souvent délestés de leurs biens pendant leur sommeil. «Lot fwa-la, mo al dormi ek avek mwa ti éna mo portmoné dan lekel ti éna mo kart idantité ek Rs 75. Gramatin mo levé, li ti népli la. Ek ou koné ki problem ? Bizin al rod Rs 350 pou tir enn nouvo kart!»

Programmes de réinsertion inefficaces ?

Ces deux amis seraient passés par tous les programmes de réinsertion sociale offerts à la fois par des institutions gouvernementales et des ONG. Mais selon eux, ces programmes, exceptées les formations, vendent du rêve aux sans-abri. Parce qu’à la fin, les SDF sont «jetés» de nouveau à la rue et au lieu d’arriver à se réintégrer dans la société afin de mener une vie normale, c’est le cercle vicieux de la rue qu’ils regagnent.

Jean-Louis et Vickram ne sont pas éligibles aux logements sociaux ! Car selon les critères, le demandeur doit être marié, avoir un salaire mensuel d’au moins Rs 6 200 et déposer un minimum de 10 % du prix de vente de la maison avant d’en faire l’acquisition. Le demandeur doit aussi avoir la capacité financière de rembourser la totalité du prêt-logement. Chose difficile dans leur cas.

«Éna bann ka sanzabri pli pir ki pou nou. Nou trasé nou rési viv. Nou pé rod enn ti lakaz ou mem un ti lasam pou lwé ki kout anviron Rs 1 500 par mwa, mé rodé mem napa éna sa é dimounn-la get ou avek enn régar méfian.»

Jean-Louis et Vickram sont d’avis que le gouvernement devrait accorder plus d’importance aux personnes dans des situations similaires. Souvent, disent-ils, ils sont rejetés par leurs familles et n’ont même pas les moyens de subvenir à leurs besoins. Et parfois, leur situation va de mal en pis. Certains succombent aux fatalités de la rue. S’ils ne tombent pas dans la drogue, ils se retrouvent à faire le trottoir ou se transformer en voleurs...

*Prénoms modifiés