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Mendiants à Port-Louis: «Swa zwé kouk ar gard, swa mor dé fin»
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Mendiants à Port-Louis: «Swa zwé kouk ar gard, swa mor dé fin»
Clara Marie Lisette n’est pas au bout de ses peines. Expulsée de sa maison après y avoir vécu pendant plus de 30 ans, la septuagénaire a été traduite devant la cour intermédiaire, jeudi 17 août. Son délit ? La mendicité. Elle s’en est sortie avec un avertissement. Mais attention, en cas de récidive, les sanctions seront appliquées, lui a-t-on dit.
Sauf qu’elle n’est pas la seule dans cette situation. La place d’Armes est le refuge de nombreux mendiants. C’est là que Richard Solesse, 56 ans, passe ses journées lorsque la police ne l'y chasse pas. Dans le petit jardin où il se trouve, il est loin des yeux des hommes en uniforme, pour un moment. «Même ici, ils viennent nous déloger des fois. Bizin fer létour ziska zot alé. Mé dépann lapolis sa», explique-t-il.
Adossé à un muret, la casquette bien vissée sur la tête, ses béquilles à ses pieds, le quinquagénaire tient son goblet à la main. Ses béquilles sont posées à côté de lui. Quelques passants y laissent tomber des pièces. «Kapav gagn Rs 150 ou Rs 200 par zour. Zis pou manzé, samem tout.» Il précise qu’il ne consomme pas d’alcool, seulement une cigarette de temps en temps.
Richard Solesse raconte qu’il s’est résigné à demander l’aumône depuis que sa pension est passée de Rs 5 000 à Rs 1 620. «Lontan ti pé vini tanzantan. Mé aster-la, samem resté pou fer», lâche le quinquagénaire. Une situation qui ne lui laisse aucun répit. Une fois, il a été emmené aux Casernes centrales. «Zot inn pran mo nom ek inn tir mo foto. Lot kou, zot inn dir pou met case larceny kont mwa», raconte-t-il.
Mais il n’a pas le choix. À la suite d’un accident, en 2011, sa jambe droite le lâche. L’autre étant déjà partiellement paralysée, conséquence d’une chute. Le gouvernement lui avait accordé une pension d’invalidité. Mais avec la révision de son dossier, sa pension a été supprimée. «Bé aster-la, swa zwé kouk ar gard, swa mor dé fin», conclut Richard Solesse.
Un peu plus loin, dans le même jardin, Brigitte Putois «trace sa vie», elle aussi. Son visage ridé et ses cheveux en bataille sont abrités sous une ombrelle. La dame a 59 ans. Elle mendie depuis des années. «Je n’ai pas de pension et cela, même si je suis veuve. J’ai cherché du travail, personne ne veut d’une vieille. Ki mo pou fer ?»
Elle raconte que lorsque son mari est décédé, elle a rencontré d’énormes soucis au niveau de son identité. Au fil de notre conversation, de bons Samaritains lui laissent quelques sous, qu’elle ramasse précieusement dans son sac. Elle les remercie avant de nous répondre. «Lopital inn dir mwa enn lot dimounn sa. Apré dé zan ki zot inn dir mwa finalman limem sa, vinn pran pou fer lanterman. Monn dir zot kwi li manzé», s’emporte celle qui approche l’âge de la retraite.
Faute de revenus, elle s’est retrouvée à mendier pour pouvoir s’acheter de quoi manger. Pourquoi à la place d’Armes ? Brigitte Putois explique que la police la chasse à chaque fois qu’elle se pose ailleurs. Au Champ-de-Mars, à la rue Royale, devant la SBM… Rien à faire ! À en croire qu’ils la suivent.
Mais dans le petit jardin, elle arrive à récolter un peu d’argent. D’ailleurs, plusieurs hommes en uniforme bleu passent devant elle sans la voir. Comme Richard Solesse, elle soutient que «dépann lapolis sa». Toutefois, elle se sent chanceuse de n’avoir jamais été embarquée ou malmenée, seulement «menacée».
«Je leur dis de me faire avoir un travail, comme ça je ne viendrai plus. Sa kantité kass pé pran pou aranz trin-la, pa dir mwa enn travay pou mwa péna ladan !» lance Brigitte Putois. Elle se tourne ensuite de l’autre côté, suppliant dignement les passants du regard.
«Ils sont tolérés»
<p>Dans les rues de Port-Louis, un policier explique timidement qu’ils ont ordre de <em>«débarrasser»</em> la capitale des mendiants. Mais selon une règle non-écrite entre policiers, tant que la personne ne cause pas de désagrément au public ou n’est pas sous l’influence de quelque susbstance prohibée, ils ferment les yeux. Surtout lorsqu’il s’agit de vieilles personnes. </p>
<p><em>«Bon, lorsqu’ils sont dans des endroits où ils se mettent en danger, comme sur l’autoroute ou aux feux, évidemment, nous devons agir. Mais ailleurs, les mendiants sont tolérés»</em>, souligne-t-il. De mémoire d'homme, il ne se souvient pas avoir déjà assisté à l’arrestation de l’un d’eux. </p>
<p>Selon le code pénal, tout mendiant qui a un travail ou un refuge est passible d’un mois de prison et d’une amende ne dépassant pas Rs 1 000.</p>
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