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Yash Manick: «Au privé de profiter des opportunités offertes»
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Yash Manick: «Au privé de profiter des opportunités offertes»
Avec l’entrée en opération de la Zone économique spéciale du Sénégal, le directeur du Mauritius Africa Fund fait le point sur les projets à venir en Afrique pour les entreprises locales ainsi que la difficulté d’inciter les entreprises mauriciennes à aller vers le continent.
Le Mauritius Africa Fund (MAF) a amorcé un changement d’orientation en 2015 afin d’avoir un mandat plus conséquent pour booster l’implication de Maurice sur le continent. Est-ce à dire que l’ancienne formule ne marchait pas ?
Il serait difficile de porter un jugement sur l’ancienne approche qui, pour rappel, consistait à financer 10 % du projet des sociétés qui s’implantaient en Afrique sur une base individuelle, sans limite géographique. Cette formule n’a jamais vraiment eu le temps de faire ses preuves. Or, l’Afrique est immense, c’est 54 pays avec des caractéristiques distinctes. Des fonds publics étant impliqués, il était impérieux d’adopter une démarche à fort impact, donc d’entreprendre des projets à un stade plus macro. L’objectif étant d’aller vers des initiatives qui bénéficieraient au plus grands nombre d’entreprises locales. D’où notre stratégie centrée sur les zones économiques spéciales (ZES).
Le but des ZES est de créer un environnement des affaires qui facilite les investissements et en atténue les risques opérationnels (voir mise en contexte). Depuis, nous constatons que ce changement d’initiative porte des fruits. À ce stade on a deux projets de ZES qui avancent très bien et qui ont atteint leur maturité, notamment au Sénégal et en Côte d’Ivoire. Il y en a d’autres dans le pipeline, tout particulièrement au Ghana et à Madagascar. Nous explorons également d’autres possibilités en Afrique de l’Est, soit au Kenya, en Tanzanie, en Zambie ou en Ethiopie. Une étude est en cours en ce sens.
Comment les entreprises locales ont-elles réagi par rapport à cela ?
C’est vrai qu’au départ on a eu à faire face à un certain scepticisme. Nous le reconnaissons car l’initiative était ambitieuse et les résultats incertains. D’aucuns se demandaient si on avait les moyens de réaliser ce projet. Mais au fur et à mesure que les projets ont avancé, que nous avons franchi les étapes importantes (milestones) et que les choses sont devenues de plus en plus claires, je pense qu’il y a eu changement d’attitude. Du scepticisme de départ, nous sommes passés à un stade de curiosité, les sociétés cherchant à savoir ce qu’il y aura dans les ZES. Depuis que nous avons annoncé que le parc industriel au Sénégal est prêt à accueillir les sociétés mauriciennes (voir mise en contexte), il y a un intérêt croissant de la part des entreprises locales car elles réalisent qu’il y a une opportunité réelle.
Concrètement, combien d’entreprises ont pris contact avec le MAF ?
Pour le Sénégal uniquement, nous avons été contactés par au moins six sociétés qui sont plus ou moins fixées sur leur désir de s’aventurer dans la zone. Les efforts au niveau du Board of Investment, incluant ses antennes internationales, devraient déboucher sur d’autres manifestations d’intérêt. Ces sociétés opèrent dans des secteurs assez variés, notamment l’ingénierie légère, l’assemblage, les produits chimiques, l’emballage et la logistique. Pour la Côte d’Ivoire, il y a une demi-douzaine de sociétés intéressées. Certains sont des investisseurs-opérateurs alors que d’autres se positionnent plus comme des développeurs d’espaces pour d’autres sociétés mauriciennes. Le projet en Côte d’Ivoire est un parc technologique. Donc il s’agit là d’accueillir des entreprises qui opèrent dans la biotechnologie, les TIC et les services financiers.
Toutefois, si l’on s’en tient aux chiffres, les investissements mauriciens à l’étranger tournaient autour de Rs 3 milliards et Rs 4 milliards entre 2011 et 2015 (Direct Investment Flows, excluding Global Business), alors qu’en 2016, le montant n’était que de Rs 895 millions. Qu’est-ce qui explique cela ?
La période 2011-2015 coïncide avec d’importants investissements de la part de grosses sociétés mauriciennes en Afrique, notamment Omnicane, par exemple. Ces chiffres démontrent quand même que les montants d’investissements en provenance purement de Maurice sont importants. C’est un signe prometteur pour l’avenir.
«L’objectif étant d’aller vers des initiatives qui bénéficieraient au plus grand nombre d’entreprises locales.»
Combien de sociétés projetez-vous d’attirer sur le continent ?
Il est difficile de faire des projections car tout dépend de la nature du business. Notre objectif premier est de créer des opportunités d’investissement et d’opération au sein des Zones économiques spéciales tout en dénichant des opportunités d’investissements hors zones qui peuvent bénéficier aux sociétés mauriciennes. Ces opportunités ont le potentiel d’ouvrir des avenues d’investissement énormes à partir de Maurice et devraient galvaniser à la fois le secteur financier, l’industrie ainsi que l’internationalisation de l’expertise mauricienne.
Justement, les entreprises locales qui ont réussi à s’installer en Afrique sont surtout des grandes entreprises. Qu’en est-il des petites et moyennes entreprises (PME) ? Avez-vous une stratégie dédiée à ce segment ?
Il faut souligner qu’il y a pas mal d’entreprises moyennes qui ont tenté l’aventure africaine et qui ont très bien réussi, notamment en Afrique de l’Est, à Madagascar, en Tanzanie, au Kenya et même en Ouganda. En Afrique de l’Ouest, tout particulièrement au Ghana, une entreprise mauricienne produit de l’Omega 3 pour les marchés européen et américain. Plus près de nous, ABC Coach Works s’est bien implanté au Kenya. Les PME figurent définitivement dans nos plans. Dans l’environnement d’aujourd’hui, les PME qui commencent par une stratégie globale peuvent rapidement tirer parti des activités transfrontalières, ce qui offre non seulement une croissance des revenus, mais aussi un échange de connaissances et l’amélioration des capacités, renforçant ainsi la compétitivité à long terme de l’entreprise. Il y a peutêtre plus de grosses sociétés parce qu’elles ont accès plus facilement au financement. Nous travaillons à pallier ce déficit. Cela rejoint l’un des mandats du MAF qui a pour objectif d’établir des instruments de financement aux sociétés pour accéder au marché africain.
«À terme, on devrait pouvoir parler de multinationales Mauriciennes, un ‘Global Mauritius’ en quelque sorte.»
C’est-à-dire ?
Il s’agit du Business and Investment Platform for Africa (BIPA), qui est une mesure budgétaire qui sera mise en place par le MAF. À travers cette plateforme, des instruments de financement seront mis à la disposition des entreprises. L’un d’eux est une garantie multilatérale qui permet de sécuriser les investissements notamment contre les risques politiques, entre autres. Par ailleurs, nous avons récemment signé un protocole d’entente avec le Fonds de solidarité africain en ce sens. On discute également avec des development finance institutions (DFI) telles que Trade and Development Bank, Afrexim Bank ou encore la Banque africaine de développement pour essayer de mettre en place des ligne de crédit qui permettront aux sociétés mauriciennes d’avoir accès à des prêts bancaires à un taux très compétitif.
Ces projets sont-ils en préparation de concert avec le secteur privé ?
Tout à fait. Le secteur privé est appelé à jouer un rôle important dans la stratégie Afrique. Cela inclut les sociétés qui sont basées dans le Global Business mauricien. Par exemple, il y a pléthore de fonds à Maurice qui sont dédiés à l’Afrique. On parle notamment de fonds d’aide, de Venture Capital, de Private Equity, entre autres. Nous travaillons très activement sur la création de cet écosystème qui permettra de financer des projets, que ce soit des projets naissants ou bien établis. Le concours de Venture Capital permettra aux PME et startups de faire une percée sur le continent, à condition bien sûr qu’ils aient des idées intéressantes pour le continent. Cette approche permet un plus grand recours au financement et d’accroître la force de frappe des entreprises mauriciennes. C’est ce genre d’écosystème que le BIPA va mettre en place. À terme, on devrait pouvoir parler de multinationales mauriciennes, un ‘Global Mauritius’ en quelque sorte.
«Du scepticisme de départ, nous sommes passés à un stade de curiosité, les sociétés cherchant à savoir ce qu’il y aura dans les zes.»
Quels ont été les défis auxquels vous avez eu à faire face en tant qu’institution sur le continent ?
Les défis sont énormes. Le premier challenge se situe au niveau du relationnel. Même lorsqu’on parle d’un accord de gouvernement à gouvernement, il faut savoir que plusieurs acteurs et institutions sont impliqués. Il faut pouvoir inspirer confiance à ces institutions pour pouvoir avancer dans la direction préconisée. Malheureusement, de façon générale, on note une certaine faiblesse de la part des entreprises mauriciennes, qui peinent à emboîter le pas. Donc comment les inciter à sortir de cette zone et d’aller sur le continent ? Nous pouvons dénicher des opportunités mais c’est au secteur privé d’en tirer avantage. Cela reste ungros challenge. Mais c’est dans l’intérêt des sociétés, qui peuvent gagner en compétitivité internationale et améliorer les perspectives de croissance sur la durée.
Quid de Mauritius Corporation Enterprise (MCE) ? Ce projet annoncé en 2016 par le ministère des Finances était très attendu par des opérateurs locaux pour aller travailler sur des projets en consortium en Afrique…
La collaboration coopérative, un consortium building en quelque sorte, permet de renforcer les capacités des uns et des autres pour entreprendre de gros projets. C’est une approche qui sera dans doute adoptée d’une certaine façon à travers le BIPA.
Qu’en est-il de votre nouveau rôle au sein de l’Economic Development Board qui sera bientôt lancé ?
Nous attendons d’avoir le plan stratégique pour déterminer le rôle des uns et des autres, dont la FSPA, le BOI et Enterprise Mauritius.
Contexte
<h3>La zone économique spéciale du Sénégal opérationnelle</h3>
<p>Un des premiers projets de Zone économique spéciale (ZES) du Sénégal est officiellement opérationnel depuis le 4 août. Né d’un accord entre le gouvernement mauricien et sénégalais, l’objectif de la ZES est d’offrir un espace économique aux entreprises locales. Dédié au secteur manufacturier, la ZES du Sénégal, se trouve au Parc industriel international de Diamniadio (PIID), dans la ville du même nom, près de l’aéroport international et proche du port maritime. Cet espace industriel comprend des installations industrielles et commerciales sur une superficie supérieure à 33 000 mètres carrés. Selon Yash Manick, plusieurs dispositions ont été prises pour s’assurer que les entreprises locales puissent développer leurs activités en toute sérénité. Par exemple, la ZES est gérée par une société dont l’État mauricien est actionnaire. <em>«Il y a des négociations qui ont été faites en parallèle pour qu’il y ait un encadrement basé sur des cadres juridiques»</em>, explique le directeur général du MAF. D’ajouter que plusieurs risques ont été éliminés en ce sens, dont celui de l’expropriation, de nationalisation ou encore des risques liés à l’instabilité politique. Les lois du travail y ont été assouplies afin de faciliter l’embauche de travailleurs étrangers, notamment de Mauriciens. <em>«Nous y avons également ajouté des certitudes tant au niveau fiscal qu’à celui du taux de change»</em>, avance Yash Manick. Les entreprises locales pourront en effet bénéficier des avantages liés au fait que le Sénégal fait partie de l’<em>Economic Community of West African States</em> (ECOWAS) et de l’Union monétaire ouest-africaine, ce qui élimine les risques liés aux fluctuations du taux de change. <em>«La prochaine étape sera de faciliter l’accès aux marchés, soit le marché local, régional et international.» </em>Le projet a été mis en oeuvre par le biais d’un <em>Special PurposeVehicle</em> incorporé au Sénégal. Le MAF détient 51 % des fonds propres de cette société et le gouvernement sénégalais en détient 49 % à travers deux agences, soit le FONSIS et APROSIS.</p>
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