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Jack Bizlall: «Le MSM a peur d’une raclée et d’une hémorragie interne»

27 août 2017, 18:11

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Jack Bizlall: «Le MSM a peur d’une raclée et d’une hémorragie interne»

C’est décidé, il y va ! Jack Bizlall est le neuvième candidat déclaré à la partielle de Belle-Rose–Quatre-Bornes. Il perçoit ce scrutin comme un tour de chauffe pour la joute législative de 2019, où le charismatique syndicaliste nourrit des espoirs neufs. Explications.

À 71 ans, vous restez assigné à résistance. Jusqu’à quand ?

(Sourire) Ma résistance ne s’use pas, elle est naturelle. J’ai eu la chance que mon père quitte la maison à l’âge de 9 ans, je n’ai pas connu l’oppression paternelle, le complexe d’Œdipe, je n’ai pas eu à tuer mon père. À 10 ans, ma mère me considérait comme un adulte. C’est moi qui gérait tout à la maison : les revenus, les dépenses, les repas. Je n’ai jamais dit «non» à ma mère… mais je ne lui ai jamais obéi. C’est dans la désobéissance civilisée que j’ai conçu ma résistance. Et dans l’absence du père que je l’ai développé.

Vous avez dit un jour : «Une élection, c’est quand l’esclave choisit son maître.» C’est comme ça que vous voyez les électeurs de Quatre-Bornes, comme des esclaves ?

 Non, ce serait réducteur. En République, nous sommes libres, j’utilise le mot «esclave» de façon provoquante. Le terme «aliéné» serait plus juste : les électeurs sont aliénés à leurs représentants politiques. Voter, c’est transférer un pouvoir. C’est une aliénation. Là où il y a aliénation, il y a une forme d’esclavage. C’est valable en politique mais aussi dans le couple. Même si des aliénations sont extrêmement jouissives.

Quelle est votre aliénation jouissive du moment ?

L’amour ! La spiritualité. Je prends un plaisir fou, ces jours-ci, à décortiquer un texte de sociolinguistique. Je suis un aliéné heureux (large sourire).

Pourquoi Dev Ramano s’est-il désisté en faveur de l’aliéné heureux ?

Dev et moi on s’est parlé face-à-face. J’ai suggéré qu’il soit candidat, mais lui ne le souhaitait pas. C’est aussi simple que cela.

Que vous inspire cette non-campagne ?

Nous sommes dans une situation ambiguë, car le MSM n’a pas encore décidé s’il alignera un candidat. Je pense qu’ils n’enverront personne, et ce pour plusieurs raisons. La première, c’est la peur d’une raclée, avec un risque d’hémorragie interne. Sept des leurs, en privé, ont fait savoir qu’ils étaient prêts à partir... La deuxième possibilité, c’est la préparation d’une alliance pour 2019. Dans ce cas, ils soutiendront en sous-marin le MMM, je ne vois pas d’autres alliés possibles. Ils peuvent aussi laisser l’opposition se déchirer et miser sur l’abstention, qui pourrait atteindre 40 %. Aucun candidat ne fera mieux. Une victoire de l’abstention serait aussi celle du MSM. C’est ce qu’ils préparent, selon moi.

Et vous, que préparez-vous ?

Les élections générales de 2019, où nous aurons 60 candidats. Et la rédaction du programme gouvernemental, qui sera prêt en novembre.

Depuis quand le Muvman Premye Me se pose-t-il en parti de gouvernement ?

 Je pense qu’il est temps, nous avons les compétences pour cela. Je n’ai pas écrit des livres pour qu’ils restent des livres, il faut passer à la partie pratique. Mais attention, ce que nous proposerons devra être crédible, acceptable et applicable. Si à Quatre-Bornes je ne remplis pas ces trois conditions, je n’aurai aucune (il appuie) légitimité pour être candidat en 2019. Et personne ne doit soutenir un parti de gauche qui ne satisfait pas ces critères. C’est fondamental.

Croyez-vous possible l’union de la gauche ?

J’y travaille, cher ami.

«Lalit ne prend plus Jack Bizlall au sérieux», dixit Ram Seegobin. Pas gagnée, l’union…

Faire de la politique, c’est rassembler. Seegobin doit comprendre ça. Le sectarisme et le nombrilisme ne mènent nulle part.

C’est quoi le malaise entre vous ?

 En 2008, j’ai eu une altercation avec Lindsey Collen. Elle m’a agressé et ma réaction a été viscérale. Depuis, Ram, Lindsey et moi, on ne se parle plus. Mais cela ne veut pas dire que les militants du Muvman Premye Me et ceux de Lalit n’échangent pas, eux.

Êtes-vous prêt à faire le premier pas ?

Je n’ai jamais eu de haine en moi, juste des colères. Seegobin n’est ni un demi-dieu, ni un demi-diable. S’il a mal défendu son épouse à l’époque, c’est son problème. M’asseoir à sa table ne me gêne en rien. C’est même un souhait : parlons-nous.

Quels sujets aimeriez-vous porter quand la campagne sera lancée ?

 Les vrais sujets, ceux qui touchent les gens comme les questions de sécurité : physique, alimentaire, mais aussi la protection sociale, la sécurité au travail. Mon idée – et je ne sais pas encore ce que les camarades en pensent – c’est d’utiliser cette partielle pour déclencher un mouvement national. Parce qu’en 2019, nous aurons des candidats partout. Quatre-Bornes sera l’occasion de tester les idées, le programme, la stratégie et l’organisation.

Maintenant que le projet de Metro Express est sur les rails, quel sens donner à ce scrutin ?

 Bhadain comprend mal la politique. Je l’excuse, il est jeune. Démissionner de l’Assemblée nationale sur la question du métro, c’est casse-gueule et je l’avais pré- venu. S’il gagne, il aura l’air de quoi maintenant que le projet va de l’avant ? Il va devoir organiser une révolte. S’il perd, il va renforcer l’hégémonie des Jugnauth. Démissionner était la bonne décision, mais pas comme ça. D’autant qu’il avait du «matériel» pour justifier son départ.

Pourquoi ne l’a-t-il pas utilisé, selon vous ?

Parce qu’il a une grande affection, voire un amour certain, pour sir Anerood Jugnauth. SAJ voulait le nommer ministre des Finances. À un certain moment, il a même menacé d’installer Bhadain comme Premier ministre.

Vous tenez ça de qui ?

De Bhadain lui-même.

Vous le croyez sur parole ?

(Ferme) Si je ne croyais pas à la bonne fois des hommes, pensez-vous que j’aurais accepté cette interview ? La confiance est le socle de ma conception de la vie.

Votre crédibilité médiatique est aussi forte que votre cote électorale est faible, comment l’expliquez-vous ?

Je suis responsable de cette situation dans le sens où je n’ai jamais cultivé le «pouvoirisme». Depuis que j’ai quitté l’Assemblée nationale en 1980, je suis resté dans l’opposition extra-parlementaire. C’est un choix. Le Parlement bride, il castre, c’est la raison pour laquelle je n’ai jamais cherché à être élu à tout prix, j’ai cherché à être le porte-voix d’une lutte, d’un courant de pensée.

Vous avez donc changé d’avis ?

Non. Et j’assume mes paradoxes.

Quels sont vos autres vices cachés ?

 Je n’ai pas de vices. Je suis un homme simple, sans excès ni interdits, très heureux.

L’avez-vous toujours été ?

Je n’ai été malheureux qu’une seule fois dans ma vie, quand ma fille est tombée malade. Mais des vices, non. Je ne bois pas, je ne fume plus, je ne fréquente pas les prostituées. Je ne suis pas égoïste, pas gourmand, cela me protège des frustrations matérielles. Mes frustrations sont intellectuelles, j’aurais tellement aimé que les choses aillent plus vite, plus loin (pensif). Prenez l’affaire Air Mauritius : j’y ai mis une énergie folle. Après ça, je pensais qu’on en aurait fini avec les caisses noires. Tu parles, ils les ont légalisées ! (rires)