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Tristan Bréville: capturer l’esprit rodriguais

29 août 2017, 01:00

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Tristan Bréville: capturer l’esprit rodriguais

«L’isle de Rodrigues» est un livre-lettre. C’est la formule atypique qu’à choisie Tristan Bréville pour marquer le 10e anniversaire de la Réserve François Leguat.

Rodrigues n’est pas une île dont on a vite fait le tour. Des collines en pente raide aux plages tranquilles, Tristan Bréville convoque passé et présent pour mesurer ce qui attend l’île autonome. 

À l’occasion du dixième anniversaire de la Réserve François Leguat, Tristan Bréville signe un beau livre, L’isle de Rodrigues. Prolongement de La Vanille Nature Park à Maurice, la Réserve François Leguat de Rodrigues a pour vocation «un projet de ré-ensauvagement de tortues géantes» en provenance du parc de Maurice. Pour célébrer cette initiative d’Owen et Mary-Ann Griffiths, Tristan Bréville, du Musée de la photographie, livre une belle collection de trésors.   

Il saute allègrement audessus de la clôture de la réserve de tortues pour s’en aller gambader dans le toutRodrigues. Dans le passé d’une île, à la rencontre des personnes qui y ont été amenées pour des raisons professionnelles : personnel médical, magistrats, enseignants etc. Autant de personnes qui n’ont pas fait que passer. 

Clin d’œil à des disparus : Lilian Berthelot, Antoinette Prudence, Alfred North-Coombes. On croise des hommes politiques, dont sir Anerood Jugnauth. Mais aussi une foule de visages anonymes. Des hommes et femmes aux champs ou s’occupant d’animaux. Des couples le jour de leurs noces. Un tas d’enfants. Même si on ne connaît pas toujours leur identité, cela invite à imaginer leur destinée.    

Les mille et un visages de Rodrigues au fil du temps.

Dénuement relatif 

Cet ouvrage est construit sur un double travail de recherches : les photos et les lettres. Ce que Tristan Bréville traque au détour d’une phrase, d’une photo, c’est l’esprit rodriguais. Cette spécificité faite à part égale de solidarité, du sens de la famille. Malgré un dénuement relatif.    

La recherche photographique a pour but de révéler des pépites du Musée de la photographie. Tant pis si la postérité n’a pas retenu tous les noms. Reste l’expression de ces visages, le contexte, le décor, les habits, l’habitat. Ces éléments nous renseignent et nous enseignent tant de choses.    

En préface, Anne Bonneau journaliste globe-trotter raconte comment elle n’est pas venue à l’Anse Quitor par hasard. Qu’elle y a suivi Tristan Bréville. «Il m’a menée sur les lieux emblématiques, ceux de la structure même de la société, dans les tréfonds de son histoire.» Un parcours où, «vous vous grifferez les jambes, tordrez les chevilles, brulerez le front et peut-être même mourrez de soif ou de faim, mais jamais ô jamais vous ne vous ennuierez. Car au creux des ombres, il sait l’histoire».  

Deuxième intérêt de ce beau livre : les lettres. La première, celle de l’agent civil Maragon, datée du 25 nivose an 12. À ce ton formel succède l’émouvant plaidoyer d’un esclave pour récupérer ses biens. «Dans un premier temps il quitta à pieds le Port-Sud-Est pour demander audience à l’agent civil Philibert Maragon à PortMathurin. Pour enfoncer le couteau davantage dans la plaie on lui demanda d’écrire une lettre pour réclamer justice. Comme si cet esclave pouvait lire et écrire ! L’Histoire ne nous dit pas : qui l’a aidé écrire ? Qui lui a donné le papier, la plume et l’encre ? A-t-il été entendu ? Combien de fois a-t-il été à Port-Mathurin pour chercher vainement à rencontrer Maragon ?» En tout cas cette lettre est l’exemple même du caractère battant d’un Rodriguais !