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Traitement des maladies respiratoires: «Maurice à la traîne»

4 septembre 2017, 11:33

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Traitement des maladies respiratoires: «Maurice à la traîne»

«Maurice doit se mettre à l'avant-garde des avancées médicales. En particulier dans le domaine de la médecine respiratoire, qui semble avoir accusé du retard par rapport aux autres spécialités médicales.» En vacances à Maurice pour encore quelques jours, le professeur Kian Fan Chung – pneumologue mauricien qui exerce à Londres et qui est considéré comme une sommité en matière de maladies respiratoires et d’asthme (voir bio express) – voudrait bien que les Mauriciens, à travers le service national de santé, bénéficient de tous les progrès en médecine respiratoire.

Les maladies pulmonaires désignant un ensemble de problèmes respiratoires graves sont très élevées dans le monde, révèle-t-il. Parmi les syndromes obstructifs, il cite la bronchopnemopathie chronique obstructive (BPCO). Celle-ci, d’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), tue plus de 3 millions de personnes par an et est la troisième cause de décès dans le monde. 

Cette maladie est à 80 % due au tabagisme et les 20 % restants sont causés par la pollution interne, c’est-à-dire par la biomasse utilisée par les femmes des pays sous-développés pour cuisiner. C’est le cas en Inde et en Afrique. «D’ici les cinq prochaines années, la BPCO sera la deuxième plus grande cause de mortalité au monde. Elle se développe après la cinquantaine», explique le professeur Fan Chung. 

Le tabac et la pollution causent un vieillissement prématuré des poumons qui fait que les fonctions pulmonaires se détériorent plus vite et le malade peut avoir une insuffisance respiratoire ou emphysème et mourir, avance-t-il. On retrouve de nombreux cas de BPCO en Chine. Outre le tabagisme et la pollution intérieure, le degré de pollution de l’air du pays est un des plus élevés au monde.

L’asthme, qui affecte 235 millions de personnes dans le monde, fait aussi partie de ces syndromes obstructifs, bien que son taux de mortalité soit plus faible que la BPCO, à savoir 180 000 personnes par an selon l’OMS. C’est une maladie qui affecte aussi bien les enfants que les adultes de tout âge, qui a une composante génétique et une autre environnementale, comme la pollution de l’air. Chez beaucoup d’asthmatiques, il y a une composante allergique ; mais celle-ci n’est pas présente dans tous les cas d’asthme. 

Avec ses collègues du consortium européen Unbiased Biomarkers for the Prediction of Respiratory Disease Outcomes (U-BIOPRED), le professeur Kian Fan Chung vient de compléter une description des phénotypes de l’asthme, qui est une maladie très hétérogène. «Dans la présentation clinique, nous avons décrit les mécanismes des différents types d’asthme. C’est très important de le savoir car cela permet d’appliquer une médecine de précision, soit un traitement plus personnalisé à l’asthme présenté par un malade asthmatique.»

Thérapies ciblées

Depuis 2014, le pneumologue mauricien est co-auteur d’un rapport sur le traitement de l’asthme sévère et dont une des recommandations est de faire des tests assez simples à l’asthmatique, soit mesurer ses biomarqueurs pour identifier un phénotype particulier où les patients sont susceptibles de réagir positivement à des thérapies ciblées spécifiques. Les thérapies ciblées ont débuté dans le traitement des cancers. 

Avec des médicaments ciblés, les médecins peuvent choisir le traitement qui est le plus susceptible de donner de bons résultats pour un certain patient et son type particulier de cancer. Cette application pourrait être répandue à d’autres maladies non cancéreuses telles que l’asthme ou la BPCO. En fait, on a maintenant deux traitements biologiques très ciblés pour soigner l’asthme sévère allergique ou à la base d’une inflammation de l’œsophage. 

Les infections respiratoires aiguës comme les pneumonies ou bronchites sont responsables de 4 millions de décès par an dans le monde. Un grand nombre d’entre eux sont recensés chez les enfants dans les pays d’Afrique ou d’Amérique du Sud où la malnutrition et le manque d’hygiène, notamment, les rendent vulnérables à la maladie. 

Autre maladie infectieuse qui reste très importante au niveau mondial est la tuberculose qui, selon l’OMS, fait 1,4 million de morts annuellement. Le professeur Kian Fan Chung indique qu’il a été noté que les bacilles de Koch sont plus résistants en Chine, en Inde, en Russie et en Afrique du Sud. «Les souches de la tuberculose sont devenues plus résistantes parce que les gens atteints de tuberculose prennent mal leurs traitements. Ils commencent le traitement, le stoppent et puis le reprennent. Cet arrêt a fait que les souches mutent et résistent.» 

«Dans certains pays comme l’Afrique du Sud, il y a beaucoup d’immunodéprimés comme les drogués et les personnes vivant avec le VIH. Et on parle alors de souches de tuberculose qui sont ultrarésistantes.» À Maurice, la situation est sous contrôle, estime-t-il. «Vous avez annuellement environ 80 nouveaux cas de tuberculose, maladie qui provient des immigrants travaillant dans l’île ou des immunodéprimés.» Mais ce mal est bien cerné à Maurice où il y a un très bon système de dépistage, dit-il.

En outre, le cancer du poumon, qui ôte la vie de 1,4 million de personnes par an dans le monde, est lié en grande partie au tabagisme et pour lequel une médecine de précision est prescrite à l’étranger. Le professeur Kian Fan Chung précise toutefois que durant les dix à 15 dernières années, on a noté le développement d’un cancer du poumon chez les femmes non-fumeurs, avec une plus grande incidence chez les Asiatiques. «Ce sont des cancers virulents, à évolution rapide, qui ont sans doute une composante génétique mais qui sont peut-être aussi liés à des particules radioactives.» 

Stopper la pollution

Comment faire face à ces problèmes respiratoires ? Pour les maladies comme la BPCO, l’asthme, les infections pulmonaires et le cancer du poumon, il s’agit bien d’une part d’un problème d’environnement et de dépistage, et aussi d’avoir des traitements efficaces. «Il faut stopper la pollution aussi bien intérieure qu’extérieure, minimiser les autres polluants dans l’environnement, régler le tabagisme, se faire dépister pour ces malades», lâche le pneumologue.

Pour ce qui est des syndromes obstructifs, en Chine par exemple, ils viennent de recommander l’obligation de faire vérifier les fonctions pulmonaires au niveau national et ainsi essayer de faire un dépistage précoce des maladies respiratoires obstructives telles que la BPCO où le diagnostic se fait très tard, souligne-t-il. Au niveau mondial, il y a déjà des directives sur le traitement des maladies respiratoires émanant tant de l’OMS que des sociétés internationales comme l’European Respiratory Society, la Société thoracique américaine et la Société Asie-Pacific de médecine respiratoire. 

Tout a commencé avec le traitement de l’asthme et aujourd’hui avec les directives du Global Initiative for Asthma et du Global Initiative for Chronic Obstructive Pulmonary Disease, qui sont désormais très bien suivis dans le monde. Et bien sûr, les directives de l’OMS sur la tuberculose. D’autres maladies respiratoires ont été établies ces dernières années telles que les maladies professionnelles respiratoires, la bronchiectasie, le syndrome d'apnée du sommeil, les maladies pulmonaires interstitielles, l’hypertension vasculaire pulmonaire, entre autres. Ce qui représente des progrès du point de vue d’une meilleure compréhension des maladies pulmonaires. 

Il y a par ailleurs eu des progrès substantiels dans les traitements non seulement du point de vue des nouveaux médicaments spécifiquement ciblés de type biologiques, mais aussi des traitements non-invasifs de support à la respiration et des traitements à partir de la technique de la bronchoscopie interventionnelle et diagnostique, ainsi que les nouvelles techniques d’imagerie des bronches et des poumons. Et comme nouvelles techniques, le professeur Kian Fan Chung cite la bronchoscopie. 

«C’est une technique qui utilise le fibroscope pour examiner et traiter les poumons en conséquence. À travers un système de Global Positionning System, le fibroscope dépiste les tumeurs à l’intérieur des poumons et permet aussi de mieux cibler le traitement.»

Bio express

<p>Le professeur Kian Fan Chung a une carte de visite impressionnante. Cet ancien lauréat est notamment le chef de la médecine expérimentale au<em> National Heart and Lung Institute</em> du Imperial College à Londres, médecin consultant et chef d&rsquo;un consortium sur l&rsquo;asthme à la <em>National Institute for Health Research </em>(NIHR) <em>Biomedical Research Unit </em>au <em>Royal Brompton Hospital</em>, à Londres. Il est d&rsquo;ailleurs un Senior Investigator du NIHR qui est l&rsquo;arme de recherche clinique du <em>National Health Service</em> du Royaume-Uni. Il est aussi un des leaders dans la recherche sur l&rsquo;asthme sévère dans le cadre d&rsquo;une programmation d&rsquo;approche de biologie de système et de médecine de précision, un des grands projets financés par l&rsquo;Union européenne.&nbsp;</p>