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Événement : Les divas s’attaquent aux grands airs

7 septembre 2017, 15:10

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Événement : Les divas s’attaquent aux grands airs

Interdiction de chanter de la musique locale dans certains hôtels. Difficulté de trouver sa place dans la chanson made in Mauritius. Cinq artistes racontent le côté obscur de leur métier. Ce qui n’empêche pas Darianna Ameerally, Linzy Bacbotte, Anne-Sophie Paul, Jasmine Toulouse et Mary-Jane Gaspard d’être pleinement dans la lumière.

Jasmine Toulouse : Question de feeling

La chanson n’est pas son gagne-pain. Jasmine Toulouse est secrétaire de l’Ecole des Techniciennes de Maison à Rivière-Noire. Donner de la voix, cela lui est venu en écoutant Céline Dion, Whitney Houston. «Ti zanfan Rivière-Noire pe sant sante lakaz pe fer louvraz». Elle les imite, «kan zot fer zot bann vibes». À l’époque, elle ne sait pas qu’il existe des cours de chant.

La suite logique : la chorale de l’église Saint-Augustin de Rivière-Noire, «met enn ti pe alert ladan kan monn ekout bann variete». Aujourd’hui, si son répertoire consiste principalement de la musique locale, elle constate qu’il y a de plus en plus de soirées où elle inclut des chansons internationales à son tour de chant. «Je le fais au feeling, dépendant du public. Cela donne un certain cachet au show. Les gens aiment bien entendre des titres qui leur fait dire, ‘mo lepok sa’».

Anne-Sophie Paul cherche sa place

Connue pour sa reprise de Anita my love, de Mario Armel, Anne-Sophie Paul ne vit pas de la musique. Elle est dans l’enseignement, au niveau primaire. «Mo enn ti baba net dan sekter lamizik». Alors qu’elle prépare actuellement un single, Anne-Sophie Paul confie qu’il lui est difficile de trouver son style dans la musique locale. «Je cherche». Quand elle est sollicitée pour animer des cabarets, des dîners et cocktails, «je mets en valeur ma voix avec un répertoire étranger».

Elle se souvient que pour sa participation au concert Koze Fam, l’an dernier, quand Linzy bacbotte lui propose de s’attaquer à Ki to ete twa de Kaya, cela a été un choc. «Je n’aurais jamais osé le faire. Mo per». Avec le recul, elle reconnaît : «Je suis contente d’avoir essayé car j’ai découvert une facette de moi que je ne connaissais pas».

Darianna Ameerally «bloquée à l’époque d’Aretha Franklin»   

À 25 ans, cela fait 10 ans que Darianna Ameerally chante dans des hôtels. «Mo pa ti paret mo laz. On vous prend si vous portez des talons et que vous vous faites belle». Sa première chanson en cabaret: Unfaithful de Rihanna. Elle continue avec Saving all my love for you de Whitney Houston et s’essaie à du Beyoncé, parce que c’est une, «mari lekol».

Autant d’expérience qui fait dire à Darianna Ameerally : «Il y a des hôtels où vous n’avez pas le droit de chanter de la musique locale». Et si l’interprète persiste ? Reproches et interdictions l’attendent. «Je me sens mal par rapport à cette situation. Les touristes viennent à Maurice et on leur chante des choses qu’ils entendent déjà chez eux. Zot pa konn nou kiltir. C’est pas logique».

Le répertoire local, Darianna Ameerally le pratique en cabaret depuis cinq, six ans. «J’ai décidé de changer les choses». Conséquence : les portes de certains établissements lui sont fermées.

Même dans la variété internationale, la jeune femme a ses préférences. «Je suis restée bloquée à l’époque des Aretha Franklin et autres chanteuses à voix». Le plus actuel Shape of you par exemple, «ça passe pas trop, c’est pas mon style». Résultat: quand Darianna Ameerally reprend des vieux tubes en cabaret, «bann la gagn mwa enn bom». Ce qui réduit encore plus le nombre d’hôtels où elle peut être engagée.

Pourtant, c’est grâce à la variété que la chanteuse gagne sa vie. Cela fait trois ans qu’elle est montée sur la scène locale. Darianna Ameerally s’essaie aussi à la composition. (NdlR : elle a présenté l’une de ses chansons l’an dernier au concert Koze Fam). Son envie : «mélanger le local avec la musique de l’époque qui me plaît tant».

Mary-Jane Gaspard : «militante» de la musique locale

«Tout ce qui est black me fait vibrer. Black la dan mwa». Mary-Jane Gaspard n’est pas diva à mâcher ses mots. À l’âge de sept ans, elle apprend les paroles de tout un album de Stevie Wonder, Hotter than July. «C’est mon préféré». Mais en grandissant, elle devient une, «militante pure et dure de la musique locale. Je suis aussi une féministe. Mo kontan kan mo pe trouv enn fam pe sant lamizik lokal, ki li pe arive». Référence à Linzy Bacbotte et Mauravann.

Mary-Jane est de la lignée de Jean Claude Gaspard et de Roger Augustin. C’est à 14 ans qu’elle débute dans le séga. «Je me suis retrouvée très tôt à l’hôtel, pour chanter de la musique locale». Et la variété ? Gros soupir. Mary-Jane Gaspard explique qu’elle n’a pas eu à en faire, pour gagner sa vie. «La variété, j’en mets dans mon spectacle, parce que le public écoute de tout. Kan mo pe fer li, mo pe pran enn nissa. Je choisis des morceaux que j’aime écouter, comme du Lauryn Hill, du Diana King. Dans mon répertoire, il y a aussi du dancehall. Je le fais par plaisir, pas par nécessité professionnelle». Elle ajoute que l’expérience d’Afrodance, l’année dernière, «c’est même pas une parenthèse dans ma carrière artistique, c’est un point-virgule. Mon rêve c’est qu’un jour le séga devienne tube de l’été sur la chaîne NRJ sans que l’on ait besoin de mettre un beat dance dessus». Sa crainte : «Si on continue de manquer de respect à la musique locale, peut-être qu’elle finira par disparaître».

Linzy Bacbotte : «Nou pankor krwar dan nou rasinn» 

Linzy Bacbotte a l’habitude des doubles casquettes. Artiste, elle a été animatrice radio et télévision, tout en se produisant en cabaret. Autant d’expériences qui ont forgé son sens critique. «C’est inévitable que les chanteurs Mauriciens tombent dans la variété. Pour la simple raison que la programmation des radios nous impose la variété. Nou pankor krwar dan nou rasinn». Ce n’est pas étonnant que des chanteurs locaux diversifient leur style. Elle estime que «Comme ça, ils peuvent être dans diverses émissions radio et ne pas se contenter de celles consacrées à la musique locale».

Dans les coulisses des établissements hôteliers, la situation n’est guère reluisante. «Certains chefs d’animation pensent que la musique locale n’a pas sa place. Ils se disent que les oreilles des touristes ne sont pas habituées à la musique locale. Il y a donc une perception selon laquelle, pour chanter à l’hôtel, les artistes sont obligés de faire de la variété. Il faut se demander comment est fait le marketing du pays et quel type de touristes on vise ? On vend la destination, sans croire dans les artistes locaux

Linzy Bacbotte se souvient d’avoir participé à ses premiers spectacles de séga à l’hôtel Paradis avec Frico Labelle. «C’est mon mentor en séga». Une prestation qui en général dure 45 minutes, pendant lesquelles il faut faire, «comprendre la langue créole à l’auditoire.» Elle ajoute : «la troupe de séga est considérée comme ‘pe fer tapaz’. C’est une réalité : souvent les chefs d’animation ne sont pas des artistes. Kouma bater koumans zwe, dir li bes volim. Il y en a même qui se bouchent les oreilles pour faire comprendre qu’on joue trop fort».

Elle affirme que, «à ’hôtel, ceux qui font du séga sont considérés comme les derniers des derniers. Bizin pass par laport derier, pa gagn drwa koz avek touris». Linzy Bacbotte rappelle qu’il y a «beaucoup de gens qui font carrière à l’hôtel, le public mauricien ne les connaît pas, ce sont deux univers totalement différents».

Il existe pourtant des personnes qui «se sont battues pour la musique locale dans le circuit hôtelier.» Elle cite Mike Grassy, Patrick Dumolard et Toto Lebrasse. «Il faut des hommes de fer pour s’imposer dans ce milieu. La première personne à convaincre c’est le directeur de l’hôtel qui bien souvent est un étranger qui ne connaît pas grand-chose à la culture mauricienne». Elle ne manque pas de souligner que, «musiciens et chanteurs d’hôtels souvent n’ont pas de statut légal, pas de contrat, pas de sécurité d’emploi».

Les Divas by Kas Poz & Talia 

	<p>Jasmine Toulouse, Linzy Bacbotte, Mary-Jane Gaspard, Anne-Sophie Paul et Darianna Amerally vous donnent rendez-vous le vendredi 15 septembre prochain au Backstage at Hennessy Park Hotel, à Ebène, pour l&#39;événement &#39;Les Divas by Kas Poz &amp; Talia&#39;. Les cinq chanteuses reprendront les plus grands&nbsp;titres des divas internationales, à savoir Céline Dion, Alicia Keys et Whitney Houston, entre autres. Tous les détails sur la <a href="https://www.facebook.com/events/133046540564287/" target="_blank">page Facebook</a> de l&#39;événement.&nbsp;</p>
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Texte : Aline Groëme-Harmon

Photos : Sachin Sagar