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Nirmala Boodhoo: «La perception d’ingérence politique due à la frustration des candidats malheureux»

9 septembre 2017, 07:30

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Nirmala Boodhoo: «La perception d’ingérence politique due à la frustration des candidats malheureux»

Elle est la première femme à avoir présidé le conseil d’administration de la Public Service Commission (PSC) et de la Disciplined Forces Service Commission (DFSC). Le contrat de Nirmala Boodhoo a pris fin le 31 juillet. Son successeur est Sutiawan Gunessee. Quel bilan fait-elle de son mandat ? Tour d’horizon.

Vous êtes la première femme à avoir occupé le poste de présidente de la PSC. Comment avez-vous vécu cette expérience ?
En tant qu’ancienne fonctionnaire, j’étais de l’autre côté de la barrière administrative. (NdlR : Nirmala Boodhoo a cumulé 41 ans dans la fonction publique et terminé sa carrière en tant que Senior Chief Executive.) On travaillait avec la PSC pour le recrutement du personnel et pour toutes les autres nominations et promotions. Quand je suis arrivée à la PSC, la boucle était bouclée !

À la commission, je pouvais mieux comprendre mes anciens collègues des ministères, à l’instar des Permanent Secretaries, entre autres. Des fois, les recrutements tardaient et cela causait un handicap. Je suis arrivée à la PSC en août 2014 avec tout ce bagage d’ancienne haut fonctionnaire. Je voulais faciliter et accélerer les procédures .

Un exemple flagrant est le recrutement massif des «holistic educators» pour le Nine-Year Schooling l’année dernière. Si je n’avais pas eu cette formation, je n’aurais peut-être pas compris à quel point ces recrutements étaient urgents. En décembre, tout devait être finalisé pour que les enseignants soient en poste en janvier. J’ai même demandé aux membres de la DFSC de nous aider.

Et puis, bien sûr, en tant que femme, je pense avoir eu un regard différent. La différence, c’était peutêtre que j’étais plus à l’écoute. J’ai organisé des formations pour les employés du service client. Je me suis investie dans le rebranding. J’ai fait améliorer l’aspect des locaux, pour qu’on s’y sente bien… 

Des statistiques montrant le nombre de recrutements étaient publiées ponctuellement par la PSC. Était-ce dans le but d’amener de la transparence ?
Oui, ça n’existait pas avant. On ne savait même pas combien de postes étaient remplis, les chiffres étaient approximatifs. Lorsque je suis venue, on critiquait la commission de toutes parts. Je savais qu’on faisait du bon boulot, mais comment le prouver ?

Alors j’ai eu l’idée de faire publier des chiffres régulièrement et j’ai contacté le Bureau des statistiques. Ce qui est intéressant, c’est que nous avons également publié le nombre de postulants et le nombre de postes à pourvoir pour chaque exercice de recrutement. On nous reprochait de prendre du temps. Il nous est arrivé d’avoir 200 demandes pour deux postes libres. Il nous faut étudier chaque dossier avant de choisir le meilleur candidat. Une fois les chiffres publiés, les gens comprenaient mieux pourquoi certains recrutements tardaient.

Il y a toujours cette perception d’opacité qui perdure. Que répondez-vous aux allégations d’ingérences politiques ?
Il y a des rumeurs, il y en a toujours eu. Mais je n’ai pas subi de pression. La commission est une institution indépendante, intègre et constitutionnelle. J’ai toujours été très discrète. Je ne sors pas beaucoup. J’ai voulu projeter une image irréprochable de la commission. J’ai dit à mes collaborateurs que la PSC devrait être un centre d’excellence.

Peut-être que cette perception d’ingérence politique est partiellement due à la frustration des candidats malheureux. On peut toujours donner des explications. Je n’ai jamais rien eu à cacher. Il faut faire confiance au système établi.

N’empêche que les recrutements effectués sont souvent critiqués. Pouvez-vous nous éclairer sur ces procédures ?
Cela dépend avant tout du Scheme of Service. Il faut analyser toutes les demandes et voir d’abord si les candidats sont éligibles et répondent aux profils demandés selon le cahier des charges particulier du poste. Par exemple, au départ, nous pouvons avoir 12 000 postulants. Après les premiers examens, seule la moitié des candidats peuvent être retenus.

Ces postulants seront appelés pour un entretien. Il y a plusieurs critères à observer. Chacun comporte des points. On établit une liste de candidats par ordre de mérite, au cas où un de ceux retenus se désiste. Cette liste est compilée car la commission ne peut pas, à chaque fois, organiser de nouveaux recrutements.

Tous les recrutements passent-ils automatiquement par un entretien ?
Non. Il faut regarder les règlements de la commission. Il y a différentes façons de procéder. Les entretiens en sont une. Mais quand il y a un grand nombre de recrutements et un délai limité, nous procédons à la vérification des documents. Des fois, il nous faut organiser des examens comme spécifié dans le cahier des charges particulier du poste à pourvoir. C’est très varié.

Venons-en aux pouvoirs délégués de la PSC, qui permettent aux ministères d’organiser eux-mêmes les recrutements. Cela est perçu comme un moyen pour certains ministres de caser leurs mandants et agents politiques. Ne serait-il pas temps de revoir ces pouvoirs ?
L’option «delegated powers» est légale et fait partie des règlements de la PSC. À l’époque, c’était pour des postes au bas de l’échelle. La PSC y a aussi sa part de travail. Ces pouvoirs ne sont pas délégués aux ministres mais aux hauts fonctionnaires qui sont responsables des ministères. Toutefois, il y a des conditions à respecter. Il faut avoir l’aval de la commission pour le panel. Les gens croient que ce sont les ministres qui font le recrutement, mais c’est faux ! La PSC doit également ratifier la liste.

Donc, selon vous, les pouvoirs délégués ont toujours leur raison d’être ?
Oui, mais les paramètres doivent être suivis à la lettre. Ce n’est pas un «blank check». Et puis, nous faisons confiance aux responsables. Il faut qu’ils fassent leur travail correctement. La PSC a un droit de regard et ratifie la liste finale.

Si dans le cadre d’un recrutement effectué sous le régime des pouvoirs délégués, la commission se rend compte d’anomalies, peut-elle faire annuler l’exercice ?
La liste finale est avalisée par la PSC. Je me souviens qu’une fois un ministère organisait un recrutement mais je n’étais pas satisfaite du panel de sélection. J’ai demandé aux responsables de revoir ce panel car il y avait dessus des gens qui n’étaient pas appropriés. Ils étaient d’accord et ils ont changé de panel.

Pour annuler un exercice, il faut avoir des raisons valables, dont le non-respect des conditions imposées par la commission. Mais pendant mon mandat, aucun exercice n’a été annulé. Par contre, nous avions pris la décision de suspendre les recrutements par pouvoirs délégués pendant la période électorale de 2014.

12 000 demandes pour 350 postes dans le cas des «holistic educators». Y a-t-il souvent des candidats surqualifiés ?
Quand je venais d’arriver à la commission, il y avait une inadéquation entre l’offre et la demande. Nous avons eu des médecins qui postulaient à des postes subalternes dans la fonction publique. Un ingénieur aéronautique avait fait acte de candidature pour un travail clérical. Même pour les postes de «holistic educators» il y avait des candidats surqualifiés.

Depuis, cette situation s’est améliorée. En 2016–2017, on a rempli tant de postes que les gens ont eu le choix. Cela a été un changement positif. Nous sommes sur la bonne voie. Pour le dernier Budget, nous avons rempli 90 % des postes budgétés.

L’enregistrement vidéo des entretiens effectués par la PSC a été une promesse électorale en 2014. Elle n’a jamais été menée à bout. Pourquoi ?
Vous savez, la commission, je le répète, est une institution indépendante qui est redevable seulement à la Cour suprême. Nous sommes appelés à donner certaines précisions au Public Bodies Appeal Tribunal (PBAT). Et si quelqu’un n’est pas satisfait d’une décision prise par cette instance, il peut faire appel à la Cour suprême.

Si on enregistre les entretiens, il faut réfléchir à la logistique. Dans certains cas, nous avons des milliers de demandes. Ensuite, que fait-on de ces enregistrements ? Comment utiliser ces vidéos ? J’y ai réfléchi sans trouver la bonne formule. Qui pourrait juger la façon de faire des commissaires ? La Cour suprême est déjà là.

Vous avez évoqué le PBAT. Est-ce un mal nécessaire ?
Maintenant, dès qu’il y a un recrutement et que certaines personnes ne sont pas choisies, elles se tournent systématiquement vers le PBAT. Même si ce sont des cas qui ne tiennent pas la route, cela crée beaucoup de travail pour la commission. Peut-être qu’il faudrait revoir ce système.

Et l’après PSC ? Quels sont vos plans?
J’ai eu une longue carrière. J’ai dû m’occuper de mes enfants toute seule pendant 24 ans, tout en travaillant. Maintenant, je vais prendre du temps pour moi. Je suis contente de me poser. Je pars la conscience tranquille, avec le sens du devoir accompli, en ayant servi le pays.

À mon arrivée, on recrutait au maximum 1 000 personnes par an. Avec moi, ce nombre est passé à 2 000, puis à 4 000 et puis à 6 000 à mon départ. Comme je l’ai déjà dit, il faudrait que la PSC devienne un centre d’excellence. Il faudrait un personnel dynamique, des gens qui ne sont pas réfractaires aux changements. Il faut faire progresser les choses et que les gens respectent la commission. Je souhaite beaucoup de succès à mon remplaçant et je souhaite que la PSC continue à progresser.