Publicité
Ramesh Caussy: «Les choses prennent beaucoup de temps à se matérialiser à Maurice»
Par
Partager cet article
Ramesh Caussy: «Les choses prennent beaucoup de temps à se matérialiser à Maurice»
L’inventeur du robot Diya One, fait le point sur les récents développements dans le domaine de la robotique et explique pourquoi Maurice devrait s’intéresser au potentiel de l’économie numérique, des technologies digitales, de la robotique de service et de l’intelligence artificielle.
Après la création du robot Diya One capable de purifier l’air, Partnering Robotics vient de sortir Diya One X, un robot capable d’améliorer le bien-être des humains, quelles en sont les principales caractéristiques ?
Ce robot peut mesurer les paramètres de l’environnement intérieur à savoir tout ce qui est température, hygrométrie (NdlR : humidité de l’air) et qualité de l’air (ex. CO², COV, ozone, etc.). Il mesure également les ambiances sonores et lumineuses qui sont des facteurs extrêmement importants pour le bien-être des travailleurs. Au-delà de ces fonctions, Diya One X sera en mesure de réparer l’air comme faisait Diya One, mais il va être aussi capable de signaler aux gens lorsqu’il y a trop de bruits ou lorsqu’il n’y a pas assez de lumière. Il va proposer des cartographies des environnements intérieurs.
Il s’agit d’un service qui constitue une première mondiale. Il ressort que, de façon dynamique, on va comprendre les paramètres des atmosphères intérieures. On pourra voir si les environnements dans lesquels évoluent les employés sont vraiment confortables à tous niveaux et les rendent aptes à produire le meilleur travail possible.
Vous faites partie de ces rares Mauriciens de la diaspora qui veulent partager leur savoir-faire avec leur pays d’origine. Quelle a été jusqu’ici la réaction tant du gouvernement que du secteur privé par rapport à votre proposition d’aide ?
Les choses prennent beaucoup de temps à se matérialiser à Maurice. Ce n’est certainement pas un scoop. Au niveau des institutions, les choses sont en état d’attente. En ce qui concerne le pôle industriel, on discute, même si cela prend du temps. Des individus ont manifesté un intérêt certain pour les services proposés par notre société. Maurice est portée sur une organisation d’activités centrées sur le tourisme, l’immobilier et un, peu plus loin dans le temps, la canne à sucre, le textile. Maurice développe certaines activités dans le secteur maritime et dans celui de la technologie un peu durable. Mais le pays n’a pas encore compris réellement l’importance de l’économie numérique et des technologies digitales, de la robotique de service et de l’intelligence artificielle.
Pourquoi maintenir dans votre préoccupation, cet intérêt pour l’île Maurice où la probabilité qu’on s’intéresse à vos découvertes est faible alors que vous pouvez obtenir plus de dividendes ailleurs ?
On ne choisit le lieu de sa naissance. Le mien, c’est Port-Louis. Je suis très fier d’être Mauricien. Les décideurs ne mesurent pas assez à quelle vitesse, le monde est en train de se développer avec les technologies cognitives, la robotique de service et l’intelligence artificielle. Lorsqu’on est Mauricien, on peut se dire que l’île Maurice est un endroit comme la considéraient les Hollandais, à une époque où Maurice n’était qu’un point de passage vers l’Inde. On y venait pour se ravitailler.
Ma conception de l’île Maurice est complètement différente. C’est un vrai pays avec des gens intelligents, capables d’apprendre. On se doit de leur proposer de vraies opportunités pour se développer intellectuellement mais aussi pour développer des compétences qui déboucheront sur la création d’emplois passionnant.
Les technologies arrivent partout dans le monde. Il serait absolument dommage que l’île Maurice ne forme pas ses jeunes, ne prenne pas conscience de l’importance de ces briques technologiques pour créer ses propres ressources en interne. Il y a des services que l’on ne pourra plus sous-traiter pendant encore trop longtemps. Le fait de ne pas tenir compte de l’importance de ces bases de connaissances tout de suite pour les laisser se développer va créer du retard pour Maurice. C’est un retard qu’elle ne pourra pas rattraper. Pourquoi je m’obstine avec Maurice ? C’est parce que je crois dans les hommes. Cette terre qui a été habituée à être sur-dirigée et sur-contrôlée à besoin de libérer ses énergies. Le pays a besoin d’accélérer le processus démocratique. Pour cela, on a besoin d’avoir de nouvelles opportunités de développement.
Une telle situation pourrait provoquer l’exode des compétences surtout celle des jeunes. Qu’en pensez-vous ?
Il n’est pas normal que les jeunes soient obligés de quitter le pays pour prendre de l’emploi comme ingénieur ailleurs, pour y faire de la recherche. Bref, tous les éléments susceptibles de créer de la valeur pour un pays. Maurice voit partir des enfants pour ne pas revenir. Je fais partie de ses agents de changement qui pensent que le monde est important ; que Maurice fait partie du monde et que l’île ne doit pas se laisser «disrupter». Cela tout simplement parce que les acteurs n’ont pas encore d’intérêts économiques assez importants pour opérer ce changement; ou parce qu’ils n’ont pas encore formé la lignée suivante qui prendra le pouvoir.
Tout le monde a sa capacité et son opportunité, à l’ère du digital et du cognitif, pour apporter de la valeur sur tout. Pour faire que des Mauriciens ne deviennent pas inutiles. Dans ce monde de technologie, on peut rapidement devenir obsolète. Il est donc important qu’on puisse former les Mauriciens et qu’on leur fasse mesurer la portée de ces challenges et leur donner de vraies opportunités de travail.
Qu’en est-il de la commercialisation de vos robots ?
On beaucoup de chance car on a démarré la commercialisation de cette technologie émergente en 2016, poussé par de grands partenaires industriels. On aborde maintenant une phase où on va se développer au niveau international. Que ce soit en Asie, où on a eu la chance d’être lauréat du trophée Huawei, une entreprise chinoise de renommée internationale avec laquelle nous allons étudier les possibilités de développement en Chine. Ou que ce soit aux États-Unis où je vais partir dans quelques semaines pour présenter notre robot bien-être, Diya One X. Ou encore la région Afrique, qui est chère à mon cœur.
Au Moyen-Orient on démarre la commercialisation avec la zone de Dubaï qui est très intéressée d’avoir le robot Diya One X. La raison c’est que les dubaïtes évoluent dans un environnement très contraint. La qualité de l’air y pose des problèmes. Ils ont besoin de mieux gérer l’énergie. Diya One X a une forte proposition de valeur.
C’est bien de penser à l’Europe et aux États-Unis, mais Maurice a une place à jouer en Afrique. Maurice a un potentiel de leadership pour contribuer au développement du continent africain et à son propre développement. C’est la raison pour laquelle, dans ma vision d’internationalisation, je n’oublie pas l’ile Maurice et l’Afrique.
Combien de temps faut-il pour fabriquer un robot de type Diya One ?
J’ai démarré il y a une dizaine d’années. Il y a eu une époque où il n’y avait absolument pas grand-chose. On a dû imaginer l’architecture de ce robot, la modalité de l’intelligence artificielle, ses fonctionnalités, ses services, son business model et, aussi, monter une capacité de production. Cela nous a pris pratiquement neuf ans.
J’ai voulu recréer, de l’intérieur, des possibilités qui allaient m’aider à développer des couches de services et une plateforme qui ne sera pas rapidement copiée ou attaquée par les grands groupes.
Cela nous a pris du temps notamment pour monter la capacité industrielle. Maintenant on y est. Il faut appuyer justement pour montrer qu’on fait sa place dans cet environnement technologique, qui est extrêmement concurrentiel. Nous sommes très heureux de faire partie de ces industriels émergents dont le robot et les services offerts ont été repérés. Il reste encore beaucoup à faire. Nous restons très concentrés.
Vous évoluez dans un domaine de développement technologique qui suscite quelques appréhensions. Et non des moindres. Quelle devrait être la place de l’homme dans un environnement de plus en plus appelé à être animé par des robots et des capteurs dotés d’intelligence artificielle ?
C’est une question de fond. Elle suscite de vrais débats. Cette question a donné lieu à l’émergence de plusieurs courants de pensées. Certains avancent comme argument que l’homme sera remplacé complètement par la machine et l’intelligence artificielle et les robots. D’autres estiment que la prochaine étape de notre évolution fera de nous des cyborg (NdlR : hommes bioniques) soit des êtres moitié organiques et moitié bio-mécatronique. Une autre école de pensée souscrit au principe de singularité technologique où on va être complètement «disrupté» en tant qu’être humain par les technologies et on va passer à la post-humanité. On ne sera pas seulement augmenté mais complètement remodelé ou refaçonné.
Quelle est votre position par rapport à cette question ?
Je fais partie des gens qui, depuis dix ans, militent pour avoir des technologies, une robotique où les hommes restent au cœur du processus de création de valeur, au centre des activités.
Concrètement qu’est-ce que cela donne-t-il ?
Il est trop tôt pour avoir des robots humanoïdes ou animaloïdes. Il faut produire des robots complémentaires à l’homme. Cela afin de donner du temps stratégique à ce dernier pour apprendre de ces nouvelles technologies; pour tirer profit de la coopération qui est en train d’émerger avec ces robots; pour être en mesure de se réinventer et pour pouvoir reprendre du positionnement.
La crainte du rôle que les robots peuvent jouer dans le futur n’est-elle donc pas justifiée ?
On fantasme beaucoup sur les robots mais ils ne sont pas encore prêts et loin de là pour être le robot Sonny de I Robot ou encore le robot fictif R2D2 de Star Wars. On assiste aujourd’hui à une sorte de combat mental. Chacun veut imposer une vision derrière laquelle il y aurait des intérêts ou une position qui donnerait du pouvoir, pourrait mieux orienter l’industrie et en extraire des rentes.
Sur quels facteurs votre démarche repose-t-elle ?
Elle s’articule autour de l’identification de nos besoins en tant qu’être humain. Aussi les besoins de nos sociétés afin de développer des opportunités économiques et pouvoir déterminer quelle place et quel équilibre trouver entre la technologie, le robot et l’homme. Fondamentalement, nous avons notre place et nous sommes vraiment très loin d’être inutiles. Il n’est pas nécessaire de se faire du souci par rapport aux robots, l’homme sait s’adapter, il est le « design dominant » de ses 40000 dernières années, mais il faut l’aider à se préparer. Par contre, c’est à nous d’inventer un modèle de société où les technologies arrivent, comme cela a été le cas pour les voitures, l’internet et le téléphone mobile. Il est de notre devoir de nous préparer à repérer les ressources de sorte que nous puissions nous adapter à la venue de cette intelligence artificielle et de ces robots de service. Il n’est pas nécessaire de se faire des soucis par rapport aux robots,.
Publicité
Les plus récents