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Résidence Briqueterie: à 103 ans, Irène, couturière, raconte le fil de sa vie…
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Résidence Briqueterie: à 103 ans, Irène, couturière, raconte le fil de sa vie…
Combien de centenaires compte la Résidence Briqueterie ? Au moins deux, semble-il. En sillonnant la localité à la recherche d’Evelyne Paletan, qui a célébré ses 100 ans, lundi 18 septembre, nous sommes tombés sur son aînée. Irène Ramsamy soufflera ses 104 bougies dans quelques semaines.
Assise sur son lit, elle est dans un premier temps quelque peu froissée d’avoir été interrompue pendant sa séance de couture. Mais, elle ne fera pas la moue pendant longtemps. À peine a-t-elle commencé à parler, qu’elle oublie vite la machine à coudre et replonge dans ses souvenirs. Des souvenirs qui datent de plusieurs années mais qui, dans sa mémoire, sont restés intacts.
Son objet fétiche, sa machine à coudre, est placée juste à côté de son lit. Emplacement stratégique pour que la centenaire n’ait pas à se déplacer. De plus, dès que la fatigue se fait sentir, elle peut s’allonger et même faire une petite sieste. Et oui, son âge avancé n’empêche pas Irène de penser à tout, dans les moindres détails. «Mo bizin koud dan gramatin mem, sinon kan fer nwar, mo kapav koud mo lédwa mem…», dit-elle en riant.
Le destin d’Irène
Sur son lit ; des ciseaux, des bouts de tissus, des sacs et une vieille radio. La dernière grande création d’Irène remonte à 2016. Elle avait confectionné la robe de première communion de son arrière-petite-fille. Ou était-ce son arrière-arrière-petite-fille ? Elle ne s’en souvient plus exactement. «J’ai cinq enfants, 20 petits-enfants, 39 arrière-arrière-petits-enfants. J’ai des arrière-arrière-arrière-petits-enfants aussi. Ils sont plusieurs», confie Irène. Et à force de lui poser des questions, elle finit par délaisser dés à coudre et bobines de fil pour raconter sa vie.
Irène est née en 1913. Elle avait neuf ans quand son père a été emporté par la maladie. Sa mère se remariera avec le chef-mécanicien de la propriété sucrière de Rose-Belle. La position du beau-père conférait un certain statut à la famille. Et ses années d’école ? Elle y est allée. Mais, Irène n’aimait pas se rendre en classe. Elle préférait de loin rester aux côtés de sa mère et la regarder coudre. «Li ti enn gran modis. C’est elle qui confectionnait tous les vêtements pour les patrons et leurs enfants.» D’ailleurs, Irène a appris à coudre rien qu’en observant sa mère après les heures de classe. Des cours de couture, elle n’en a pas suivis.
«Mo kontan ena kass mwa. Kisanla pa kontan ena kass, dir mwa oumem»
À 14 ans, Irène tombe malade et doit s’absenter de l’école pendant un bon moment. Elle arrêtera de s’y rendre complètement lorsque ses amis se moquent d’elle en lui disant «to kouma enn zéan dan nou ti klas». C’est ainsi que débute son aventure avec les tissus. Un bonnet se vendait à cinq sous à l’époque tandis qu’une chemise à 10 sous. Petit à petit, Irène commence à économiser. «Mo kontan ena kass mwa. Kisanla pa kontan ena kass, dir mwa oumem», rigole-t-elle. Mais ce n’est pas pour autant qu’elle pouvait dépenser sans compter. Sa mère contrôlait ses dépenses. Irène prêtait aussi de l’argent aux autres travailleurs de la propriété contre un intérêt. Aider les autres tout en gonflant ses économies… Irène n’était pas contre.
Qu’en est-il de ses amours ? À la seule évocation de son premier mari, les yeux d’Irène pétillent. Elle revient sur cette journée où elle s’était rendue «anvil» chez sa tante Edmée pour assister à la Maiden Cup. C’était en 1931. Et c’est ce jour-là que son «beau» a arboré un sourire en la voyant pour la première fois. «Li ti pé fer mwa enta sign. Apré ki mo’nn kompran ki li pé démann mwa mo ladress», relate-t-elle. Mais comme elle n’avait pas de stylo, elle lui a simplement dit qu’elle habitait à Rose-Belle. Sans perdre de temps, ils se donnent rendez-vous, le même soir, au cinéma.
Pendant l’entracte, une rencontre furtive, quelques renseignements sont échangés sur l’un et l’autre et leurs chemins se séparent. Quelques jours plus tard, Irène, de passage à Port-Louis, le croise à nouveau. Vêtu de son uniforme de la police, il l’accompagne jusqu’à Curepipe en train. «Pa ti konn limem, line may mo sévé dan so lébra, li’nn ambrass mwa wadiré li konn mwa tou», se souvient-elle. La demande de mariage, comme c’était la tradition jadis, arrivera le soir même. Après quelques réticences, la famille accepte et ils se disent oui à l’église de New-Grove. C’était le 22 décembre 1931. Leur premier enfant naîtra peu après. Mais le couple ne vivra que trois ans ensemble car le mari d’Irène décédera des suites d’une maladie. Il avait 36 ans. «Li’nn gagn lizié sa. Il avait un examen à passer pour être promu, mais d’autres de ses collègues voulaient ce même poste», explique-t-elle.
Passionnée de voyages
<p>Trois ans après le décès de son époux, Irène sera sollicitée pour confectionner une robe de mariée. Le jour du mariage, le meilleur ami du marié tombe sous le charme de la centenaire et décide d’aller à la rencontre de ses parents. <em>«Zot pa’nn lé ! Pa kapav net vinn koz ar fami koumsa san avoy démann !» </em>dit-elle. D’ailleurs, en y repensant après toutes ces années, elle se sent toujours offusquée. Toutefois, le couple finira par s’unir. De cette union naîtra cinq enfants. Mais deuxième coup du sort, son mari décédera en 1985. Ne voulant plus s’engager dans quelque relation amoureuse, elle consacrera sa vie à sa famille et aux voyages. «Si quelqu’un part en France et ne va pas au Mont-Saint-Michel, son voyage est incomplet», affirme-t-elle lorsqu’elle commence à raconter ses voyages. Elle est allée à Lourdes quatre fois, a visité la Belgique et bien d’autres pays encore. Son dernier voyage remonte à 2015. <em>«J’ai envie d’y retourner. Mé banla pa lé donn mwa lasirans. Vous ne voyez pas que je vais bien ?»</em></p>
Une publication du quotidien BonZour !
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