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Journée mondiale des sourds: quand le handicap devient une force
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Journée mondiale des sourds: quand le handicap devient une force
Il est 11 h 40, mercredi. Le soleil est au rendez-vous à l’École des sourds, à Beau-Bassin. Un seul bruit se fait entendre dans la cour de récré : celui d’une balle qui rebondit contre le mur. Pourtant, ils sont plus d’une dizaine d’enfants à courir de droite à gauche. Leurs instituteurs sont regroupés sous la véranda et les regardent jouer.
Un peu plus loin, dans une salle de classe, une activité plus paisible mais pas moins silencieuse se déroule : une partie de carrom. Le sourire est omniprésent dans ce monde où la communication passe en silence, où les jeunes font des blagues en langue des signes.
Suffian, 17 ans, est l’un des élèves de l’établissement. Avec l’aide d’un interprète, il nous explique en langage des signes qu’il fréquentait une école pour sourds à Goodlands, depuis l’âge de quatre ans. En 2015, il a rejoint l’établissement de Beau- Bassin. Il est en prévoc. «Tous les matins, je prends le bus de Piton pour venir à l’école. Je ne raterai un jour d’école pour rien au monde», déclare le garçon, qui adore l’établissement.
En sus des études, il confie avoir aussi une passion pour la natation. «Je m’entraîne à la piscine Serge Alfred trois fois par semaine. J’ai aussi eu la chance de concourir lors de plusieurs compétitions régionales et nationales. À présent, j’espère être éligible pour les Jeux des îles en 2019 à Maurice», lâche-t-il, le visage radieux.
Toutefois, tout n’est pas rose dans la vie de Suffian. Ses proches le soutiennent et la communication passe avec eux certes, mais ce n’est pas toujours le cas avec des voisins ou encore des étrangers. «Ce n’est pas facile de communiquer avec les entendants. » Mais qu’à cela ne tienne, il ne se laisse pas décourager. Il veut, dans un futur pas trop lointain, devenir enseignant de la langue des signes.
À 12 h 20, la récré prend fin et les enfants regagnent leur salle de classe. Mais il n’y a guère de cloche pour signaler la fin de la récré. «Il y a des flashing bells (NdlR : lumières clignotantes) pour que les enfants puissent savoir si la récré a cessé, si un cours a pris fin ou si nous entamons une autre période», explique un responsable de l’établissement.
Nous suivons Roomila Boodhun, institutrice, dans sa classe de Grade 3. Celle-ci compte cinq élèves. Dès que l’institutrice commence à écrire un exercice au tableau, de petites mains se lèvent pour donner la réponse.
«Nous essayons de les encadrer du mieux que nous le pouvons», confie la directrice de l’école, Brinda Perumal. Elle explique que plusieurs activités sont organisées au sein de l’établissement afin que ces enfants oublient leur handicap et puissent jouir d’une vie normale. Ils pratiquent la natation, le judo et la danse.
Autre point en faveur de l’École des sourds : l’absentéisme n’y est pas un problème. «Je suis heureuse de voir qu’ils sont très réguliers à l’école», dit Brinda Perumal. Au niveau académique, les enfants ont du répondant. «Cinq enfants prendront part aux examens du Primary School Achievement Certificate, alors que cinq autres seront éligibles au Modular Assessment pour le Grade 5.»
Ils auront certes quelques petites considérations, comme une trentaine de minutes supplémentaires pour compléter leurs papiers ou encore un interprète qui les aidera à comprendre certaines questions. En tout cas, la directrice soutient que rien ne serait réalisable sans l’apport de ces 12 enseignants, les uns plus attentionnés que les autres.
L’établissement n’est pas qu’une école. Il fournit également du travail à ses anciens élèves. À l’instar d’Annisha Jugoo et Sharmila Sookram, qui travaillent dans le laboratoire de l’école. «Nous fabriquons des moules pour les appareils auditifs. Chaque enfant qui fréquente l’école en possède un. Et nous en faisons aussi pour les autres sourds.» Ces deux jeunes femmes ont tout appris sur le tas, avec l’aide de formateurs qui sont venus leur donner des cours.
Pour la manager de l’école, Arrtee Bissoonauthsing, il est dommage que certains parents prennent du temps pour envoyer leur enfant souffrant de surdité dans une école spécialisée. «Certains arrivent à l’âge de 7 ans, ce qui est déjà assez avancé. Le plus tôt est le mieux.» Elle met l'accent sur le fait que plusieurs activités sont proposées aux enfants afin de les aider dans leur épanouissement. «Ils jouent au foot, au badminton, aux dominos ou encore à cache-cache.» Celle qui veille sur ces petits depuis plus de 25 ans voue un amour sans bornes à tous ces jeunes. «Les voir réussir est le plus beau des cadeaux.»
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