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Gandia: une pénurie qui «kass nissa»
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Gandia: une pénurie qui «kass nissa»
La rumeur court les rues depuis quelques jours. Il y aurait une pénurie de gandia dans le pays, affirment dealers et consommateurs. La faute aux saisies et autres opérations «déracinement» effectuées par la police. Qu’en est-il vraiment ? Ne dit-on pas qu’il n’y a pas de fumée sans feu ? Inside story.
Dealers, consommateurs, tous semblent être «à sec». La faute à une pénurie «artificielle» de cannabis. Engendrée, semble-t-il, par de récentes grosses saisies ainsi que les nombreux plants déracinés par la police. Du coup, certains de ceux qui sont en quête de leur nissa quotidien se rabattent sur la drogue synthétique.
Dans cette région de l’île, là où poussent les revendeurs de pouliahs, les rues grouillent de monde. À tel point qu’on se croirait à un fancy-fair. Tous sont à la recherche de «enn zafer».
Une voiture se gare, deux jeunes hommes en descendent, se dirigent vers un portail. Quelques secondes plus tard, ils reviennent sur leurs pas, accostent d’autres jeunes qui errent au coin d’une ruelle. «Péna nanié ?» La réponse : «Zéro plonbaz.»
Tentative d’approche. La méfiance du début part en fumée petit à petit. Les nerfs lâchent, les langues se délient. «Si péna nanié ki rant dan péi diran bann sémenn ki vini, nou pé fini nou. Simik ki pou fer déga. Ni la poud ni mass ! Éna kouyon pou prodir gonaz. Marsand lamor pou riéé la…» lâche Pipe (prénom modifié), marsan mass.
Dans cette partie du village, «rouler un joint» n’est pas chose inhabituelle. Jusqu’à il y a quelques jours. Les fumeurs et dealers de gandia, nous dit-on, ne dérangent ni les vieux, ni les jeunes. Par contre, ceux qui consomment et revendent de l’héroïne ou autre drogue dure ne sont pas les bienvenus ici. «Zot voler, zot pa kouma sa bann ki vann gandia-la. Zot inn fini gagn bézé sa ek zot enn ti group. Li domaz ki bann-la pé rod éliminn mass.»
Sandrine (prénom modifié) est une grand-mère de 50 ans. «Mo fimé dépi mo éna 18 an é ziska mo mor mo pou fimé…» La drogue synthétique ? Mamie cool y est allergique. Elle raconte que le gandia, qui se fait de plus en plus rare, ces jours-ci, l’a aidée à traverser de nombreuses épreuves au cours de sa vie.
Elle a élevé ses enfants seuls, étant séparée de son mari depuis de nombreuses années. Et a toujours fait de son mieux pour qu’ils ne manquent de rien. Elle a un travail et s’y rend quotidiennement, précise-t-elle, histoire de faire en sorte que les préjugés sur les fumeurs de cannabis partent en fumée. Le matin elle est debout avant le soleil, afin de s’occuper de ses tâches ménagères… Pour Sandrine, le gandia ne l’a jamais empêchée de mener à bien son rôle de chef de famille. Au contraire. «Kot mo ti pou kraké, gandia inn ed mwa rélévé. Get zordi, tou mo zanfan gran ek nou viv bien.»
Quid de la pénurie ? Dans un reportage diffusé e sur France 24 vendredi dernier intitulé Maurice dépassée par le trafic de drogue, Choolun Bhojoo, patron de l’Anti Drug and Smuggling Unit, a affirmé que «c’était une année exceptionnelle en termes de saisies et d’arrestations». Selon une source au sein de labrigade antidrogue, 81 kg de cannabis ont été saisis de janvier à octobre 2017. Le tout d’une valeur marchande de Rs 48 600 000.
Pipe, lui, n’en démord pas. «Kass nissa net sa péniri-la.» Sans parler des prix qui ont flambé. «Cela coûte très cher aujourd’hui. Avant, avec Rs 100 on pouvait avoir un ‘demi-sachet’. Avec les saisies et les peines d’emprisonnement, très lourdes, certains revendent leur gandia à des prix exorbitants. Si l’État contrôlait lui-même la vente d’herbe, le marché noir n’existerait pas. Pourquoi ne pas interdire la vente d’alcool ? C’est une démarche hypocrite de nos chefs. Ce serait un moyen de contrôler la vente aux mineurs, donc de protéger les enfants…»
Désormais, ce sont les bat dan latet, Black Mamba et autres serpents qui vont sortir du trou, répète Pipe d’une voix cassée.
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