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Grève de la faim des cleaners: plusieurs battantes, une revendication
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Grève de la faim des cleaners: plusieurs battantes, une revendication
«S’ils croient que nous serons découragées dans quelques jours parce que nous sommes des femmes, ils se trompent. Nou’nn viv ar Rs 1 500 pandan plizir lané, nou kav fer boukou zafer nou», lancent d’emblée les cinq grévistes.
Collette, Paviola (NdlR, au moment du reportage, Paviola faisait partie des grévistes mais elle s’est désistée le mercredi 18 octobre pour des raisons de santé), Mireille, Dharmawatee et Artee sont des femmes comme les autres ou presque. Elles refusent de dévoiler leur âge. Elles sont toutes mères, épouses et travaillent. Mais contrairement aux autres, elles n’ont que Rs 1 500 par mois. Lasses des vaines promesses et des négociations interminables qui n’aboutissent pas, ces femmes cleaners ont décidé d’entamer une grève de la faim.
C’est au jardin de la Compagnie qu’elles ont posé leurs matelas. Reeaz Chuttoo et Jane Ragoo, de la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé, sont à leurs côtés. Autour de leur abri de fortune, des dizaines d’autres femmes cleaners dans la même situation les accompagnent et leur témoignent leur soutien.
«Balié, lapel, tou nouem asté, pou zanfan nou pa kav asté. Bé kot pé alé? Kompani dir nou péna pou donn nou.»
D’une seule voix, elles affirment qu’elles iront jusqu’au bout de leur bataille. Elles n’ont pas l’intention de bouger tant que le ministère de l’Éducation ne leur propose pas une solution par écrit. Une seule revendication est sur toutes les lèvres : un salaire décent et un travail stable.
Comment font-elles pour vivre avec ce salaire de misère ? Elles n’ont, elles-mêmes, pas de réponse précise car chaque mois, c’est un nouveau scénario qui se présente à elles. «Bizin kasé ranzé tou lé mwa. Gété ki kapav pa payé sa mwa-la pou kapav manzé», explique Mireille. Son loyer, dit-elle, est supérieur à son salaire. «Pay lakaz Rs 2 000. Tou lé mwa fer rétar», confie-t-elle.
Paviola se lève et se joint à la conversation. Elle raconte qu’elle a laissé ses deux enfants avec sa belle-soeur pour se joindre à cette grève. Il lui est de plus en plus impossible de vivre avec son salaire. «On ne peut jamais faire plaisir à nos enfants. Parfois, on doit nous-mêmes acheter notre matériel de travail», déplore-t-elle.
«Sa dimounn pa dir, mé pou konzé piblik koup nou lapay!»
Reshma lui coupe la parole. Cette femme cleaner ne se trouve pas parmi les grévistes car elle vient d’avoir un décès dans sa famille. «Balié, lapel, tou nouem asté, pou zanfan nou pa kav asté. Bé kot pé alé? Kompani dir nou péna pou donn nou», lâche Reshma.
Ce n’est pas pour autant que leur employeur leur rend les faveurs. Étant des contractuelles, elles n’ont pas droit aux congés. Collette finit une conversation avec une de ses collègues et se joint aux autres. Elle nous apprend qu’elles sont la seule catégorie de travailleurs à Maurice qui n’aiment pas les congés publics. «Sa dimounn pa dir, mé pou konzé piblik koup nou lapay!» À chaque fois, c’est Rs 100 en moins.
Quant à Paviola, elle avance qu’il y a deux ans, elle s’est blessée sur son lieu de travail. Une branche lui est tombée dessus et elle a eu droit à plusieurs points de suture. Mais lorsqu’elle s’est rendue au ministère de la Sécurité sociale pour avoir quelques jours de congé, on lui a appris qu’elle n’y avait pas droit. «Zot inn dir mwa konpani pa pay okenn kotizasion. Nou pa anrézistré NPF tousala.»
Elles ont toujours fait avec. Pourquoi avoir attendu toutes ces années avant de décider de passer à l’acte ? Cette fois, la réponse est sans équivoque : l’amour du travail. Artee se désintéresse de ce qu’un député raconte pour se joindre au groupe. Comme ses collègues en grève, elle estime que travailler dans une école est presque sacré. C’est un lieu d’apprentissage et il est hors de question que les enfants subissent les conséquences de ce qui se passe. «Vous savez à quel point c’est difficile de nettoyer une école tous les jours. Parfwa, ou arivé gramatin, ou anvi sové alé.»
La tâche de ces femmes cleaners consiste à faire de sorte que tout soit propre. Ainsi, que l’école compte deux arbres ou 25, elles nettoient la cour, arrachent les mauvaises herbes, nettoient les toilettes et les classes, vident les poubelles… La liste est longue. Elles sont souvent seules ou à deux pour toute une école. «Éna caretaker ek bann General Workers ki sipozé fer sa, mé…»
Artee ne finit pas sa phrase, mais précise que pratiquement tous les jours, elles bossent au-delà de leurs heures pour pouvoir compléter toutes leurs tâches. Même pendant les vacances scolaires, elles n’ont pas de répit. Des coups de pioches par-ci, couper des branches par-là, elles mettent tout en oeuvre pour que les petits aient le plus de confort possible dans la cour des écoles.
Le conflit
<p>Cette situation dure depuis plus d’une décennie. Le 28 août, le Conseil des ministres avait, semble-t-il, trouvé une solution. Elles seraient employées comme <em>General Workers</em> par le ministère de l’Éducation et toucheraient un salaire de Rs 9 000. </p>
<p><em>«Prémié zafer minis ti dir nou dan rénion sa. Inn dir nou népli pou éna kontra tou lé mwa»</em>, avance Collette. Revirement de situation. Le ministère a effectivement employé environ 350 <em>General Workers</em>, mais ces femmes n’en font pas partie. «<em>Al gété kot sa bann kinn anployé-la sorti. Gété dan ki sirkonskripsion zot resté. Apré, gété kot minis de lédikasyon ek prémié minis été»</em>, s’indigne Artee. </p>
<p>Elle se demande d’ailleurs pourquoi la ministre de l’Éducation n’honore pas une décision du Cabinet en toute impunité. Selon elle, il s’agit d’une histoire de signature. <em>«Si pa kav signé, dir met pous»</em>, ironise-t-elle. Toutes s’esclaffent. Ce n’est pas parce qu’elles sont en grève qu’elles n’ont pas le moral.</p>
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